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Politique - Politique

Quand un parti au pouvoir veut jouer les opposants

Ayant manifesté hier devant la Banque du Liban, le CPL est accusé de « récupération politique » du mouvement de contestation.


Des centaines de partisans du CPL ont manifesté hier devant la Banque centrale. Photo Joao Sousa

C’est pour exprimer son opposition traditionnelle aux choix de la Banque du Liban et de son gouverneur Riad Salamé, et pour demander le recouvrement des fonds transférés à l’étranger que les partisans du Courant patriotique libre ont manifesté hier devant le siège de la BDL à Hamra.

Mais au-delà de ces deux slogans, la manifestation est porteuse de plusieurs messages politiques en direction des adversaires du parti, mais aussi et surtout au mouvement de contestation.

Ainsi, ce geste n’est certainement pas sans susciter de l’étonnement, voire du sarcasme, dans la mesure où c’est le principal parti au pouvoir qui manifeste, pour essayer de se ranger dans le camp de l’opposition. C’est également par son timing que la manifestation d’hier est à interpréter. Elle intervient à l’heure où le mouvement de contestation manifeste, lui aussi, son opposition aux politiques monétaires et bancaires. Cela pousse certains observateurs à exprimer leurs craintes quant à une éventuelle tentative aouniste de récupération politique du mouvement, auquel le CPL n’a jamais caché son opposition radicale, estimant qu’il s’agit d’une atteinte tant à son leader, Gebran Bassil, qu’au mandat de Michel Aoun, qui se veut « le père de tous » et « le président fort ».

Ces observateurs rappellent dans ce cadre que le CPL n’est pas le seul à tenter de se joindre au soulèvement populaire. Même les Forces libanaises ne cachent pas leur volonté d’y prendre part. D’ailleurs, leur chef Samir Geagea a déclaré à plusieurs reprises que sa formation fait partie du mouvement contestataire, mais reste dans les limites fixées par ce dernier.

Pour ce qui est du courant aouniste en revanche, les choses ne sont pas perçues sous cet angle. Il est vrai que le leader du CPL, Gebran Bassil, a annoncé en décembre dernier sa volonté de se ranger dans le camp de l’opposition, rappellent ces observateurs. Mais cela n’occulte aucunement le fait qu’il fait partie intégrante du pouvoir en place et a ainsi pris part activement à certaines décisions particulièrement importantes prises par les gouvernements formés depuis une quinzaine d’années. Il s’agit notamment de la décision du cabinet Hariri de renouveler le mandat de Riad Salamé pour six ans, lors de la séance du Conseil des ministres tenue le 24 mai 2017 à Baabda. Une décision que le gouvernement avait alors prise à l’unanimité, sur proposition du chef de l’État lui-même. Le parti s’oppose donc aujourd’hui aux options et politiques financières du gouverneur dont il a contribué au renouvellement du mandat.

Outre l’opposition à Riad Salamé, le CPL s’efforce de se montrer comme le fer de lance de la bataille contre la corruption, laquelle figure en tête des revendications populaires. Mais sur ce plan, les observateurs précités rappellent que le courant aouniste et son chef ont activement pris part au processus de formation du gouvernement de Hassane Diab. Et de souligner qu’à l’heure où les manifestants s’attendaient à une équipe de spécialistes indépendants, ce sont les partis politiques gravitant dans l’orbite du 8 Mars qui ont choisi les nouveaux ministres. Gebran Bassil aurait même poussé à la nomination du nouveau ministre de l’Énergie Raymond Ghajar, qui aurait fait partie de ses conseillers lorsqu’il occupait le même poste. Il convient de rappeler que ce ministère figure au centre de la lutte contre la corruption, avec en toile de fond le fameux dossier des « marchés douteux » portant sur la location par l’État de navires-centrales pour la production de courant électrique.


(Lire aussi : Heurts entre partisans du CPL et du PSP à Clemenceau)

Opportunisme politique
La manifestation d’hier traduit-elle donc une volonté aouniste d’étouffer le mouvement de contestation en l’exploitant sur le plan politique ? Selon Khalil Hélou, général à la retraite et membre du Comité de coordination de la révolte interrogé par L’Orient-Le Jour, « le CPL tente, depuis le 17 octobre, d’exploiter la révolte populaire, d’où sa manifestation hier devant la BDL ».

Pour le général Hélou, « le courant aouniste pratique l’opportunisme politique, en ce sens qu’il manifeste contre Riad Salamé pour lui faire assumer seul la responsabilité de la conjoncture économique et financière actuelle ». « Ce parti se plaint tout le temps du fait qu’ » on « ne lui a pas permis de limoger M. Salamé et de travailler, alors que cette formation est actuellement à la tête de la République et se trouve présente au Parlement depuis 2005 et dans les gouvernements depuis 2008. Qu’ils (les aounistes) divulguent donc les noms de ceux qui les ont empêchés d’enregistrer des accomplissements », ajoute le général Hélou, avant de poursuivre : « Le CPL tente aujourd’hui de remonter le moral de ses partisans. Mais il ne s’agit que d’un simple moment médiatique, qui ne pourra pas porter préjudice à la révolution dans la mesure où celle-ci a déjà gagné du terrain et convaincu l’opinion publique. »
À la question de savoir si cette confrontation pourrait mener à des affrontements entre deux rues, Khalil Hélou répond d’un ton empreint de confiance : « Je n’ai pas peur pour le mouvement de contestation. Celui-ci est déjà immunisé contre la récupération politique et mène aujourd’hui une bataille d’opinion publique. »

De son côté, le chef de l’État Michel Aoun a tenu à adresser un message particulièrement positif au mouvement de protestation. S’exprimant lors du Conseil des ministres tenu hier à Baabda, il a évoqué l’épineuse question des fonds transférés à l’étranger. Il a ainsi assuré que « des mesures seront prises pour que chacun assume ses responsabilités » dans ce domaine, surtout que « les transferts illégaux de fonds ont aggravé la crise actuelle ».
Une source proche de la présidence explique à L’OLJ qu’à travers ses propos, le président Aoun voulait assurer qu’il suivra de près l’action du pouvoir judiciaire sur ce plan, parce que tous les Libanais ont le droit de savoir ce qu’il est advenu de ces fonds.


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C’est pour exprimer son opposition traditionnelle aux choix de la Banque du Liban et de son gouverneur Riad Salamé, et pour demander le recouvrement des fonds transférés à l’étranger que les partisans du Courant patriotique libre ont manifesté hier devant le siège de la BDL à Hamra. Mais au-delà de ces deux slogans, la manifestation est porteuse de plusieurs messages politiques en...

commentaires (16)

Merci L'OLJ! Continuez à écrire la vérité telle qu’elle est ! Même si la vérité me blesse parfois.

Jack Gardner

17 h 05, le 21 février 2020

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Commentaires (16)

  • Merci L'OLJ! Continuez à écrire la vérité telle qu’elle est ! Même si la vérité me blesse parfois.

    Jack Gardner

    17 h 05, le 21 février 2020

  • le CPL n’a jamais caché son opposition radicale, estimant qu’il s’agit d’une atteinte tant à son leader, Gebran Bassil, qu’au mandat de Michel Aoun, qui se veut « le père de tous » et « le président fort ». LA PLUS RECENTE OPPOSTION A ETE C'EST MOI ET HARIRI MAIS JAMIS HARIRI SANS MOI DONC GOUVERNEMENT DE HEZBALLAH AMAL ET CPL EVIDEMENT COMMENT ETRE DANS L'OPPOSITION ALORS? e parti se plaint tout le temps du fait qu’ » on « ne lui a pas permis de limoger M. Salamé MAIS C'EST AOUN ET BASSIL QUI ONT INSISTE POUR LE GARDER ET ONT VOTE POUR LUI DONC DE FAUSSES EXCUSES EVIDEMENT

    LA VERITE

    17 h 00, le 21 février 2020

  • L'Orient-le_Jour est en train de dévier , il ne délivre plus de l'impartial. Ça devient du fanatisme à bon marché .

    Chucri Abboud

    16 h 32, le 21 février 2020

  • Pourquoi ne pas s'etonner quand les partisans du courant du futur descendent dans la rue, et ceux du parti joumblatiste. Ceux la meme qui ont ete au pouvoir durant 30 ans. Arretons svp de faire une fixation sur le CPL, ca devient lamentable

    Nader

    13 h 02, le 21 février 2020

  • Le chef du CPL qui voulait ganbader dans le monde aux frais de l'Etat se sent un peu desouevrer quand il reste au Liban Il decide qu'il est temps de trouver un coupable mais oublie que c'est le President Aoun , son beaupere qui a recommande sa reelection et que lui meme chef du CPL l'a vote APRES CELA ON SE DEMANDE POURQUOI IL AATTIRE TANT DE REFLEXIONS NEGATIVES A SON SUJET A quand la demission en masse des membres du CPL pour lui faire comprendre que les voies qu'il suit sont fausses?

    LA VERITE

    11 h 55, le 21 février 2020

  • Il est très incisif sur les derniers transferts, qu'en est il des centaines de milliards pillés depuis des décennies et du scandale de l'action des bateaux pour fournir l'électricité? Ils sont en train de bloquer à nouveau tout projet touchant à leur poule aux œufs d'or et se focalisent sur les miettes transférées récemment? Pour qui nous prennent ils? Aoun montre les crocs quand ça l'arrange. Il n'a pas pippé mot sur les nouveaux manifestants déguisés en vertueux et redresseurs de torts qui protestent alors qu'ils ont leur PM, leurs ministres, leurs voyous et et tout le tralala. Il n'a pas tari d'insultes les premières semaines sur les rebelles dans la rue qui voulaient connaître la vérité sur leur argent. Ils êtaient des comploteurs, exécutant les projets néfastes au pays etc... Pour se rendre à l'évidence quelques mois plus tard de la vraie motivation de leurs protestations. Il a toujours un temps de retard pour analyser les situations et lorsqu'il arrive y arrive enfin, il met la faute sur les autres. Drôle de président que vous êtes M. Aoun, nous méritons beaucoup mieux.

    Sissi zayyat

    11 h 25, le 21 février 2020

  • Oui ok... Hier c’était du BullShit, et encore une fois pour provoquer… Et le Hezb regarde en Silence…et jubile.... Et la construction du QG à Nahr El Kaleb ?? On en est où ?...

    Jack Gardner

    10 h 35, le 21 février 2020

  • " Une décision ( le maintien en poste de Riad Salameh) que le gouvernement avait alors prise à l’unanimité, sur proposition du chef de l’État lui-même" Comment le CPL passe-t-il prétendre qu'il s'y est toujours opposé?

    Yves Prevost

    10 h 28, le 21 février 2020

  • OUAAH ! et dire que ces dames, intitulées sous chefs de jobran apparaissaient de + en + dans des talk show & autres emissions tele nous promettaient des choses, surtout dame khoreich may qui a menace -rien de moins- menace le citoyen libanais de la puissance du cpl -" vous n'avez encore rien vu de ce que peut faire et fera le cpl"... "l'apparition" de leurs sympathisants si peu nombreux hier a hamra n'était qu'une autre preuve de leur desenchantement . a la prochaine donc mmes !

    Gaby SIOUFI

    10 h 12, le 21 février 2020

  • Ne pas critiquer. Ziedet el kheir kheir. Plus nombreux seront les gens qui dénoncent les banques et pas que LA BANQUE CEbNTRALE et plus efficace sera la puissance dissuasive pour que les detenteurs des plus grosses fortunes craignent.En avant. Pas de negativité. C'est l'heure au changement

    Massabki Alice

    09 h 42, le 21 février 2020

  • La fronde populaire a été une gifle et un désaveux tonitruant de la politique Aouniste. Depuis le début de la fronde, le mandat Aoun et ses supporters (Amal, Hezbollah, etc...) pris a partis par les frondeurs, essayent d'attirer les regards ailleurs pour diminuer la colère des gens, absorber le choc et étouffer toute volonté d'opposition a leurs magouilles ou projet. Ils ont commence par prétendre que ce sont les FL qui en sont les instigateurs pour diviser la rue. Puis ils ont lances leurs criminels tabasser et s'attaquer aux manifestants pacifiques. Puis ont annonce qu'on ne laisser pas travailler. Puis ils sont passer a l'usage de la troupe et des forces de polices pour tirer sur la foule, arrêter des manifestants, etc... Maintenant ils rejoignent la fronde!!!! ????? Mais conter qui? Contre Riyad Salameh , trois fois élu meilleur Président de Banque central au monde. Ce n'est pas lui qui est responsable du fait que les politiciens véreux puisaient dans les caisses de l’état sans réserve! Ce n'est pas lui qui a conduit a la situation actuelle en ne votant pas de budget approprié, ce n'est pas lui non plus qui n'a procédé a aucune reforme et ce a tous les niveaux. Changer de cibles arrange le Hezbollah, le CPL, Amal mais aussi tous les autres du Future au PSP en passant par les Marada etc... Frondeurs, un seul est responsable de la mouise dans laquelle se débat le pays, le Hezbollah, ses acolytes et ses armes! C'est la le nœud Gordien de toute solutions!

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 14, le 21 février 2020

  • Ce parti "au pouvoir" depuis plusieurs années, qu'a-t-il fait de positif pour le Liban ? On cherche dans tous les domaines, à commencer par l'électricité promise 24/24...mais on ne reçoit qu'un "courant défectueux" ! Quant aux chefs et responsables de ce parti, ainsi que beaucoup de leurs partisans dans les manifestations, il suffit d'écouter leurs déclarations pour comprendre où le bat blesse et comment notre pauvre pays en est arrivé à la situation catastrophique actuelle ! Au pouvoir...ou dans l'opposition, parions que ce sera tout aussi brillant ! Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 55, le 21 février 2020

  • COMBLE D,HYPOCRISIE GENDRISSIMALE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 21, le 21 février 2020

  • Quoi donc ? Ils vous volent votre pseudo-révolution ? Allons donc ! Ça devient de la jalousie .... Les mauvais perdants pullulent parmi ces revolutionnaires a la noix

    Chucri Abboud

    03 h 28, le 21 février 2020

  • Ni le CPL est naïf , ni le mouvement contestataire est pûr. Mais tous, ont des raisons de manifester. La corruption est tellement enracinée, qu'elle trouve qui perturbe les tentatives réelles pour la déloger. Les maîtres de longue date de la corruption, sont présents à travers leurs partisans à tout événement s'annonçant menaçant vis à vis de leurs responsabilités temporelles dans la matière. Et le gouvernement aura de la peine à avancer dans les réformes envisagées, car c'est une arme à double tranchant, étant donné la relation inversement proportionnelle ou en vase communicant entre réformes et corruption.

    Esber

    01 h 47, le 21 février 2020

  • Ne pas s'unir au CPL dans leur manifestation c'est permettre aux banques de ne pas dire qui a fait quoi. c'est à se demander pour qui travaillent les autres manifestant et les journalistes de l'OLJ qui ne cessent de critiquer le CPL. Dans cette crise des dollars, les banques ont une grande responsabilité, un contestataire sincère doit le leur rappeler tout le temps.

    NASSER Rada Liliane

    00 h 50, le 21 février 2020

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