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Moyen-Orient - Éclairage

Trois points pour comprendre les enjeux des législatives iraniennes

Le scrutin pourrait décider de l’avenir politique du pays pour les prochaines années.

Des affiches électorales collées sur un mur de Téhéran, en vue des élections législatives de vendredi. Atta Kenare/AFP

Demain vendredi, les Iraniens se rendront aux urnes pour choisir leurs 290 députés au Parlement (Majlis) pour les quatre prochaines années. Ils ont été plus de 14 000 à avoir déclaré leur candidature.

Tout comme l’Assemblée des experts– le collège de religieux chargé d’élire (et de révoquer) le guide suprême iranien –, le Parlement est élu au suffrage universel direct. Sa fonction est de rédiger les lois, ratifier les traités internationaux et approuver le budget national. Il détient également le pouvoir d’approuver et d’interroger les ministres ainsi que le président de la République.

Mais de toutes les institutions présentes en Iran, le Parlement est celle qui a quasiment le moins de pouvoir. Il ne peut faire passer une loi sans l’aval du Conseil des gardiens (CG), dominé par les conservateurs.

Ces élections interviennent dans une période trouble pour la République islamique. Elle a, en interne, été secouée ces derniers mois par des manifestations contre l’augmentation du prix de l’essence en novembre dernier. Celles-ci ont été fortement réprimées par le régime. Depuis mai 2018 et le retrait des Américains de l’accord sur le nucléaire, l’Iran est soumis à des sanctions économiques qui touchent tous ses secteurs d’activités et qui pèsent très lourdement sur son économie ainsi que sur le moral des Iraniens. Plusieurs événements ont par ailleurs marqué l’opinion publique iranienne comme l’assassinat du général Kassem Soleimani par une frappe américaine en Irak le 3 janvier ou encore l’abattement d’un avion civil par les gardiens de la révolution le 8 janvier – et que ces derniers ont avoué trois jours plus tard – faisant 176 victimes. À l’extérieur, ce sont surtout les tensions régionales avec Washington qui dominent l’opinion publique locale.

Les élections de demain pourraient décider de l’avenir politique du pays pour les prochaines années. Voici trois points pour mieux comprendre leurs enjeux.


(Lire aussi : Voter est une "devoir religieux", affirme Khamenei)



•Une bataille « entre conservateurs »

Deux camps se font face lors des élections législatives de demain : celui dit des modérés – majoritairement rassemblés autour du président Hassan Rohani – et celui des conservateurs. Ce dernier bord est toutefois scindé entre les « conservateurs » et les « ultraconservateurs ».

Les modérés sont toutefois d’emblée partis avec un handicap de taille. Plus de la moitié (7 000 à 9 000) des 14 000 candidats qui se sont présentés ont été disqualifiés par le CG. Cela concerne en grande partie des candidats modérés, mais aussi des députés sortants. « On peut réellement parler de “sélection” électorale suite à la mise à l’écart de beaucoup de candidats par le CG », résume Jonathan Piron, historien et politologue pour le site Etopia, contacté par L’Orient-Le Jour. « Ce nombre élevé de disqualifications de candidats est le reflet d’un effort poursuivi par les ultraconservateurs pour obtenir la monopolisation du pouvoir », estime de son côté Ali Fathollah Nejad, chercheur spécialiste de l’Iran au Brookings Doha Center, également interrogé par L’OLJ. On pourrait alors penser que le malheur des modérés fait le bonheur des conservateurs. Toutefois ces derniers sont désunis et n’arrivent pas à s’entendre pour former une liste commune.

Sur un autre plan, dans un communiqué dénonçant l’impossibilité d’une « compétition juste » dans plus de 70 % des circonscriptions, les réformateurs ont annoncé qu’ils renonçaient à présenter une liste commune à Téhéran, laissant entendre qu’ils n’étaient pas en mesure d’aligner 30 noms connus du grand public. C’est une première.

Au final, la coalition des « conservateurs » est formée autour de Mohammad Baqer Qalibaf, 58 ans, ex-maire de Téhéran, ex-chef de la police et trois fois candidat malheureux à la présidentielle. Celle des « ultraconservateurs » est emmenée par Mortéza Aghatehrani, qui a déjà été deux fois député. Et du côté des modérés, après la disqualification de poids lourds du mouvement, c’est Majid Ansari, proche de l’ancien président Mohammad Khatami (1997-2005) qui apparaît comme leur figure de proue pour ce scrutin.

Mais au-delà de la bataille entre les différents camps, l’un des grands enjeux sera le taux de participation.


(Lire aussi : « On a voté pour Rohani avec un rêve, mais on n’a rien accompli »)



•L’importance du taux de participation

Tous les éléments vont dans le sens d’un très fort taux d’abstention pour ces élections, du fait notamment du mécontentement d’une grande partie de la population qui dénonce l’incapacité des autorités à tenir ses promesses. Beaucoup d’Iraniens ont d’ailleurs décidé de boycotter les élections.

Le camp des modérés est très largement discrédité par la population iranienne. Élu en 2013 et réélu en 2017, le président iranien Hassan Rohani avait tout misé sur l’ouverture économique de son pays et sur le fait d’avoir un discours plus audible sur la scène internationale. Son slogan « Omid » (« espoir » en persan) traduisait alors bien ses objectifs. Les modérés avaient d’ailleurs gagné les dernières législatives de 2016, signe qu’une majorité d’Iraniens croyaient dans la capacité de M. Rohani à tenir ses engagements. Mais l’absence des retombées économiques de l’accord sur le nucléaire et la dégradation de la situation économique et sociale du pays l’ont considérablement affaibli.

Le pouvoir a pourtant exhorté les Iraniens à se rendre aux urnes. Voter est un « devoir religieux » pour la population iranienne afin de renforcer la République islamique face à la « propagande » des ennemis, a déclaré mardi le guide Ali Khamenei.

Le régime a en effet besoin que les électeurs se déplacent en masse pour voter. Cela lui permet de se légitimer et d’asseoir son autorité, surtout dans une période de crise comme celle dans laquelle la République islamique est plongée. « Le régime pourrait présenter un fort taux de participation comme une manifestation de soutien de la population », estime Ali Fathollah Nejad. « Puisque une telle perspective est peu probable, les chances de manipuler les chiffres de participation seront plus probables que lors des élections précédentes », précise-t-il. « On se dirige vers une situation similaire à 2004, à la fin du mandat de Mohammad Khatami (réformateur), où la participation avait été la plus basse jamais enregistrée dans l’histoire de la République islamique », note Jonathan Piron. M. Khatami, président de 1997 à 2005, avait, comme M. Rohani, été discrédité pour ne pas avoir tenu ses promesses à l’époque.


•Décider du futur politique de l’Iran

Les élections législatives de demain initieront également le début d’une longue séquence qui risque de profondément changer le paysage politique iranien pour les prochaines années. Elles précèdent l’élection présidentielle, qui se déroulera en juin 2021. Le camp victorieux des élections législatives apparaîtra alors en pole position pour gagner la présidentielle, à laquelle le président Hassan Rohani ne peut pas se représenter. « Il est donc nécessaire de regarder attentivement les résultats de ces élections pour comprendre vers où se dirigera l’Iran dans un an, deux ans, voire une décennie », explique Jonathan Piron. Tous ceux qui ont été élus une première fois à la présidence du pays, de Khamenei jusqu’à Rohani, donc de 1981 à aujourd’hui, ont toujours été réélus. Ils sont donc chacun restés huit ans à leur poste. « Les huit prochaines années vont être décisives quant au futur de la République islamique concernant l’accord sur le nucléaire, le positionnement international et économique, mais surtout la potentielle succession du guide suprême Ali Khamenei », qui est aujourd’hui âgé de 80 ans, ajoute-t-il. « La répartition des votes des différents groupes aux prochaines élections législatives pourrait être un premier indicateur sur la manière dont ils vont se positionner en vue de la succession de Khamenei », conclut Ali Fathollah Nejad. Parmi les noms qui circulent déjà pour la reprise en main du fauteuil de guide figure celui d’Ebrahim Raïssi, actuel chef du système judiciaire iranien et vice-président de l’Assemblée des experts. Il avait été le candidat des ultraconservateurs lors de la dernière présidentielle, mais battu par Hassan Rohani.


Pour mémoire

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Demain vendredi, les Iraniens se rendront aux urnes pour choisir leurs 290 députés au Parlement (Majlis) pour les quatre prochaines années. Ils ont été plus de 14 000 à avoir déclaré leur candidature. Tout comme l’Assemblée des experts– le collège de religieux chargé d’élire (et de révoquer) le guide suprême iranien –, le Parlement est élu au suffrage universel direct....

commentaires (4)

DES LEGISLATIVES DE LA BLAGUE ! DES MILLIERS DE CANDIDATS DANS TOUT LE PAYS INTERDITS DE SE PRESENTER. C,EST DU PIPEAU ET NON DES LEGISLATIVES !

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 40, le 20 février 2020

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Commentaires (4)

  • DES LEGISLATIVES DE LA BLAGUE ! DES MILLIERS DE CANDIDATS DANS TOUT LE PAYS INTERDITS DE SE PRESENTER. C,EST DU PIPEAU ET NON DES LEGISLATIVES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 40, le 20 février 2020

  • On dirait que la politique américaine qui a mené à l'annulation pure te simple unilaterale de l'accord nucléaire , veut encourager les ultra-conservateurs ...Cela convient à Israel d'avoir des ennemis mortels

    Chucri Abboud

    16 h 58, le 20 février 2020

  • Le Pentagone se félicitait à mots couverts le mercredi 19 février du fait que la Turquie et la Russie se trouvaient à deux pas "d'un conflit majeur à Idlib" sans doute parce qu'il a trop de confiance en ses supplétifs de l'OTAN. Dans la nuit de mercredi et jeudi, une importante frappe au missile et au drone a visé la base aérienne russe à Hmeimim, avant que la DCA syro-russe ne fasse une démonstration de force ratée. Selon certaines sources des navires de guerre ennemis y auraient apporté leur contribution. Mais l'Empire finissant, pourrat-il se préserver Idlib? Un premier méga retrait turc vient de se faire pourtant sous le feu d'enfer syro-russe! Des troupes turques se sont retirées mercredi d'un poste de contrôle érigé dans la ville de Tal Tamar située dans l’ouest du gouvernorat de Hassaké à peine quelques heures après que des dizaines de forces spéciales turques, réputées invulnérables, ont été capturés par l'armée syrienne. Dans la foulée, l'armée turque a commencé à se retirer des positions qu'elle occupait depuis des mois près de Tal Tamar à Hassaké, postions qu'elle qualifiait de postes d’observation mais qui ont été à vrai dire des stocks d'armes et de munitions pour les terroristes à sa solde. la débandade est totale côté turque et otanienne - les forces spéciales de l'OTAN appuyant l'armée turque et les terroristes. En attendant, le soutien russe se poursuit depuis le ciel. Les forces syriennes ont utilisé un missile balis

    FRIK-A-FRAK

    12 h 56, le 20 février 2020

  • Une démocratie de pacotille ou les candidats sont trie a l'avance sur le volet! Ce ne vous rappelle pas le choix de notre actuel gouvernement? Au lieu d'aller de l'avant, nous avons choisit de retourner a l’ère du moyen age, exactement ou se trouve l'Iran aujourd'hui! Al shou al Esla7 ou teghyeer! Mabrouk ya cha3ba Aoun el 3azim!

    Pierre Hadjigeorgiou

    11 h 43, le 20 février 2020

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