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Des chiffres et des lettres

Un haut responsable iranien à Beyrouth, bientôt suivi de représentants du Fonds monétaire international : toutes ces bonnes âmes venant s’enquérir de notre santé et de nos besoins, c’est loin d’être un remake des Rois mages chargés d’or, d’encens et de myrrhe cités dans l’Évangile. Ce n’est pas non plus une réincarnation du Bon Samaritain soignant, dans un geste aussi noble que gratuit, un malheureux voyageur agressé et détroussé par des brigands, puis laissé pour mort sur le bord de la route. Seule mais atterrante analogie avec cette sainte parabole : c’est bien à des brigands – pire encore, des brigands installés au pouvoir – que notre pays doit, lui aussi, ses misères…

Premier VIP étranger à nous honorer d’une visite depuis la formation du gouvernement Diab, Ali Larijani a un sens très particulier de l’humour noir, même si celui de l’opportunité lui fait défaut. Sa compassion pour notre pays en crise ne peut faire oublier en effet les atteintes répétées de Téhéran à la souveraineté libanaise. Et sous son bel emballage, le cadeau que nous propose le chef du Parlement iranien est soit piégé, soit alors vide de tout réel contenu. Voilà ainsi une République islamique ployant sous les sanctions américaines, tenue de réprimer épisodiquement sa propre population en révolte et qui, non contente de financer copieusement ses légions étrangères, se pose maintenant en État pourvoyeur d’aide économique à autrui. Et quel autrui, on vous le demande ? Un Liban quêtant désespérément les bonnes grâces des royaumes pétroliers arabes et des nations occidentales et qui, en dépit de ses errements diplomatiques passés, ne peut précisément se permettre de faire figure de client patenté, débiteur, et obligé, du pestiféré persan. Ce sera donc merci, mais non merci !

Pour leur part, les institutions financières internationales ne font pas dans la charité, les faux sentiments, les coups de propagande et autres gesticulations, même si elles se vouent – non sans profit, d’ailleurs – à une même lutte contre la pauvreté dans le monde : thème devenu d’une cruelle et obsédante actualité pour une énorme partie du peuple libanais. Entre autres tâches, le Fonds monétaire international – dont Beyrouth a requis, comme on sait, une assistance technique – fournit des crédits aux pays victimes de problèmes financiers menaçant le fonctionnement de leurs machines gouvernementales, la stabilité de leur système financier et leurs échanges commerciaux, en attendant la réanimation de leur cycle économique. Au final cependant, et tout comme la Banque mondiale, le FMI ne vient en aide qu’aux États qui s’aident eux-mêmes et méritent donc d’être aidés ; qui suivent les conseils par eux-mêmes sollicités ; et qui le prouvent en opérant les réformes exigées.

Réformes, réformes : ce refrain, il y a des années déjà que nous le serinent avec une patience angélique les nations amies. Mais des dirigeants indignes n’ont cessé de faire la sourde oreille, en venant maintenant à se défendre de toute responsabilité, et même à se chercher des boucs émissaires. C’est la même rengaine aux réformes que reprendront dès demain, sans y mettre les formes cette fois, les inflexibles argentiers venus de Washington. La principale différence, c’est que ce face-à-face, pudiquement présenté comme une simple consultation, risque fort de se muer en étape nécessaire, incontournable, sur la voie de l’assistance attendue des pays prêteurs et donateurs.

FMI, CEDRE : entre ces deux groupes de lettres va se jouer, dans l’implacable verdict des chiffres, le sort du mythique miracle libanais.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Un haut responsable iranien à Beyrouth, bientôt suivi de représentants du Fonds monétaire international : toutes ces bonnes âmes venant s’enquérir de notre santé et de nos besoins, c’est loin d’être un remake des Rois mages chargés d’or, d’encens et de myrrhe cités dans l’Évangile. Ce n’est pas non plus une réincarnation du Bon Samaritain soignant, dans un geste...