À la veille d’échéances financières pressantes auxquelles est confronté le Liban, dont le remboursement des 1,2 milliard de dollars d’eurobonds d’ici à mars, aucun signe positif n’est apparu pour l’heure en provenance des pays du Golfe qui dénoterait une volonté de soutenir le nouveau gouvernement, lequel tente par tous les moyens de regagner leur confiance.
Bien qu’ayant annoncé avec assurance que sa première tournée à l’étranger s’effectuera auprès des pays du Golfe, le Premier ministre Hassane Diab, dont le gouvernement venait d’obtenir la confiance du Parlement, peine encore à décrocher des rendez-vous dans cette partie du monde.
D’ailleurs, le nouveau cabinet n’a pas suscité comme espéré l’enthousiasme auprès des puissances étrangères, pays du Golfe et Arabie saoudite en tête, qui observent depuis un silence radio. Aucun mot d’encouragement, pas même une félicitation officielle à l’issue d’un vote de confiance obtenu à l’arraché alors que la rue grondait.
Bien avant la formation du gouvernement, l’Arabie saoudite avait boycotté la réunion du Groupe de soutien au Liban qui s’était tenue à Paris le 11 décembre dernier, un signe avant-précurseur de l’attitude de Riyad à l’égard du changement du paysage politique libanais.
Selon un diplomate occidental, « l’Arabie n’est pas dans de bonnes dispositions pour aider le Liban », même si les Libanais continuent de « parier sur sa capacité à convaincre un certain nombre de partenaires habituels, dont les pays du Golfe ».
Une réticence qu’une source ministérielle a indirectement confirmée en affirmant hier à L’Orient-Le Jour que Hassane Diab « n’a pas réussi à ce jour à décrocher des rendez-vous » auprès de ses interlocuteurs arabes, confiant que cette question « est en tête de ses priorités ».
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Préjudice
Le nouveau chef du gouvernement, qui avait espéré susciter l’intérêt des pays du Golfe, notamment par une déclaration ministérielle qui a mis l’accent sur le principe de distanciation par rapport aux crises régionales, n’a vraisemblablement pas gagné son pari. De multiples efforts avaient pourtant été déployés au niveau de la rhétorique pour rassurer les pays de la région, entre autres, par le biais d’un engagement du gouvernement à « rester à l’écart des politiques susceptibles de porter atteinte aux relations arabes ».
C’est dans cette optique qu’il faudrait interpréter le discours au ton mesuré en direction des pays arabes du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dimanche dernier. Le chef du parti chiite a insisté sur la nécessité de séparer « les problèmes économiques et financiers des divisions politiques », exhortant les Libanais à ne pas qualifier le gouvernement de Hassane Diab de « cabinet du Hezbollah » car, a-t-il dit, cela « porte préjudice au Liban ». Et de souligner un peu plus loin la nécessité de rétablir ses relations avec le monde arabe.
Un discours qui en dit long sur la volonté du parti de ne pas assumer la responsabilité de la détérioration des relations entre le Liban et les pays de la région.
Dans certains milieux du 14 Mars, on explique la froideur des pays du Golfe par une attitude d’attentisme destinée à tester la nouvelle équipe et ses orientations.
Connu pour ses relations étroites avec les hautes sphères saoudiennes, Farès Souhaid affirme que Riyad compte avoir jusqu’à nouvel ordre la même attitude à l’égard du gouvernement de Hassane Diab que celle affichée à l’égard du gouvernement Mikati en 2010, « qui n’avait pas été reçu par les responsables saoudiens lors de sa visite à La Mecque », dit-il.
Selon lui, le nouveau chef du gouvernement a tout intérêt à changer cette donne et à restaurer la confiance en renversant la vapeur. Or, constate M. Souhaid, « les Iraniens ne l’aident pas, et encore moins le Hezbollah dont le chef s’en est pris à l’Arabie saoudite dans un discours prononcé 24 heures avant que le président du Parlement iranien, Ali Larijani, ne débarque au Liban pour lancer autant de messages signifiant que le Liban est toujours sous le parapluie iranien ».
Un avis que conteste largement une source proche des milieux du Hezbollah, qui estime que le détour par Beyrouth du responsable iranien, qui n’était qu’une « simple visite d’adieu ponctuée de déclarations d’ordre général, a été artificiellement amplifiée ». « Il serait injuste de faire assumer à Hassane Diab les conséquences d’une visite non officielle. M. Larijani, qui se retire bientôt de la vie politique, n’a plus aucune influence sur les cercles de prise de décision en Iran. » D’ailleurs, poursuit la source, « ce n’est pas Hassane Diab qui pose problème pour les pays arabes et le Golfe, mais plutôt le président Michel Aoun et son gendre, le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil ». Il avance pour preuve la désaffection dont font preuve les pays de la région depuis « pratiquement le début du sexennat ».
(Lire aussi : L’Iran sous sanctions se dit prêt à aider le Liban)
Pour de nombreux analystes, le désintérêt manifesté par le monde arabe est à rechercher du côté des États-Unis qui n’ont toujours pas donné le feu vert aux pays du Golfe pour une normalisation de leur relation avec le Liban. C’est donc à Washington et nulle part ailleurs qu’il faudra rechercher une solution à l’impasse.
Selon le politologue Karim Bitar, « c’est sur injonction américaine que les pays du Golfe se montrent aussi réticents a coopérer avec Hassane Diab. Cela s’inscrit dans le cadre de la stratégie américaine de pression maximale à l’encontre de Téhéran et d’une décision d’isoler ce gouvernement considéré comme trop proche de l’axe iranien ».
M. Bitar établit à son tour un parallélisme avec le gouvernement Mikati qui, toutefois, n’avait pas été victime, selon lui, « d’un pareil ostracisme de la part de l’Arabie saoudite qui lui avait plutôt accordé un feu orange ». Ce n’est pas le cas avec Hassane Diab qui aujourd’hui est victime de « mesures vexatoires, voire humiliantes », ajoute-t-il.
Or, conclut Karim Bitar, cette décision américaine de « maintenir des pressions très étroites sur le système financier libanais est contre-productive car elle risque de faire plus de mal à l’économie libanaise et au citoyen ordinaire qu’au Hezbollah, qui se place en dehors du cadre du système bancaire local puisqu’il a ses propres réseaux parallèles ».
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commentaires (19)
bah il peine déjà à rallier la plupart des libanais. Il n'a rallié que la classe politique ( rejettée par l'ensemble du peuple). Bon courage en tout cas.
LE FRANCOPHONE
01 h 20, le 20 février 2020