Rechercher
Rechercher

Les mots pour le dire

C’est Bouddha qui l’affirmait : une seule parole qui fait du bien est meilleure que cent mille discours qui ne servent à rien. Jamais, en vérité, sentence aussi empreinte de bon sens n’aura été plus opportune que durant ces dernières 48 heures, marquées par la célébration officielle de la fête de saint Maron et le débat parlementaire de confiance au gouvernement Diab.


Parions que, du haut des nues, le saint moine a dû sourire dans sa barbe, dimanche, au spectacle de l’archevêque de Beyrouth assénant courageusement leurs quatre vérités aux trois piliers d’une titubante république : les rappelant à leurs devoirs, dont le tout premier est de se tenir à l’écoute des plaintes du peuple qui, depuis des mois, exprime sa colère dans la rue. De le servir, d’œuvrer à satisfaire ses besoins plutôt que de favoriser leurs propres familles. Ou alors, en cas d’incapacité, de se résoudre à la seule issue honorable, la démission.


Le tout a été dit sur un ton aussi ferme que courtois, faisant de l’archevêque, vivement applaudi par l’assistance et aussitôt plébiscité par l’opinion publique, un de ces princes de l’Église qui, aux heures graves de la chronique libanaise, se doivent d’interpeller le gouvernant les yeux dans les yeux, au vu et au su des citoyens. Dans l’imagerie populaire, et bien que sa modestie naturelle le porte à s’en défendre, voilà donc Mgr Boulos Abdel Sater qui prend dignement place aux côtés de cette historique lignée d’indomptables pasteurs.


Pour leur infortune, c’est au lendemain immédiat de ce véritable morceau de bravoure que les députés assiégés par les manifestants, malgré les brutalités policières, étaient appelés à donner toute la mesure de leur talent d’orateur. Ce torrent de lieux communs retransmis en direct par la télévision, ce n’était certes pas la mythique rivière Klondike charriant des pépites d’or; les perles, en revanche, y étaient à ramasser à la pelle, plus d’un député s’essayant en effet à faire siennes certaines des revendications populaires. On les a vus ainsi pourfendre vaillamment, l’un après l’autre, une corruption pourtant bien ancrée dans l’establishment politique et qui se sent partout chez elle, y compris dans l’enceinte du Parlement. On a vu y briller, par son zèle, le ministre sortant des AE et chef du parti présidentiel, une des figures tenues par les révolutionnaires pour les plus suspectes d’irrégularités. C’est avec le même et incroyable aplomb, au demeurant, que ce personnage a sérieusement préconisé des solutions à la crise de l’électricité, secteur où lui-même ou ses proches collaborateurs ont sévi durant des années.


Rondement menée par le président de l’Assemblée, la séance parlementaire d’hier a connu maintes anomalies de procédure, notamment en matière de quorum. De toute la fastidieuse logorrhée à laquelle elle a donné lieu, la petite histoire retiendra, quant à elle, ce constat établi, la mort dans l’âme, par le Premier ministre : de tous les beaux parleurs qui se sont succédé à la tribune, pas un seul n’a daigné reconnaître la responsabilité de son propre camp dans la longue ère de mal-gouvernance qui a conduit à la désastreuse situation d’aujourd’hui. Quant au reste, jamais le stupéfiant culot de ces messieurs ne pourra tenir lieu d’audace, l’effronterie de hardiesse, l’impudence de courage.


Après tout, n’est pas archevêque de légende qui veut.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

C’est Bouddha qui l’affirmait : une seule parole qui fait du bien est meilleure que cent mille discours qui ne servent à rien. Jamais, en vérité, sentence aussi empreinte de bon sens n’aura été plus opportune que durant ces dernières 48 heures, marquées par la célébration officielle de la fête de saint Maron et le débat parlementaire de confiance au gouvernement Diab....