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Société - Reportage

Dans le centre-ville de Beyrouth, le "Mur de la honte" devient le "Mur des diplômes"

Au pied du Grand Sérail, des dizaines de jeunes sans emploi collent des copies de leurs diplômes, pour dénoncer notamment le chômage des jeunes au Liban.


Le « Mur des diplômes », dans le centre-ville de Beyrouth, un rappel du chômage des jeunes Libanais. Photo B. L.

Sur le mur érigé à la hâte par les autorités au pied du Grand Sérail dans le centre-ville de Beyrouth, pour empêcher les manifestants de s’en approcher ainsi que du parlement, des dizaines d’affichettes recouvrent désormais les graffitis : ce sont les photocopies des diplômes de jeunes Libanais au chômage.

A l’origine de cette initiative coup de poing, deux jeunes gens, Roudy Hanna et Mark Darido, eux aussi sans emploi. « Nous voulons mettre en lumière le dramatique chômage des jeunes et dire aux gens : +Regardez, nous avons des gens qualifiés+. En tant que Libanais, nous faisons de notre mieux pour transformer ce qui est négatif en quelque chose de créatif », explique Roudy Hanna.

Ce « Mur des diplômes » est la dernière initiative en date des deux amis, qui, au chômage, avaient déjà décidé de lancer, sur la place des Martyrs, cœur de la révolte, leur « thaoura saj ». Ou comment recycler, pour la deuxième fois, une mauvaise situation, qu'il s'agisse d'un mur érigé face aux citoyens, ou de la perte d'un emploi, en une initiative créative.

C'est via leur page Instagram Thawrasaj, que les deux compères ont eu l’idée d’appeler les jeunes diplômés à venir coller une photocopie de leur diplôme sur un des pans du mur de la honte, au centre-ville. Dans le message posté sur leur compte, ils expliquent ainsi leur idée : « Former un rassemblement de citoyens libanais compétents et talentueux, sans emplois du fait d’un système politique corrompu et d’un système de licenciements abusifs. » Un message qui a été entendu puis que depuis samedi matin, les jeunes viennent coller leurs diplômes obtenus des meilleures universités au Liban ou à l’étranger : sur le mur, l'on trouve désormais des ingénieurs, des diplômés en arts appliqués, en sciences, en gestion...


Des jeunes collant des copies de leur diplôme. Photo Mark Darido


Mark Darido, 24 ans, et Roudy Hanna, 22 ans, font partie de ces jeunes Libanais au chômage malgré leurs diplômes, d’ingénieur pour l’un, de management hôtelier pour l’autre. Sur le saj qu'ils ont érigé dans le centre-ville, ils ont collé leur propres diplômes, ainsi que le message suivant : « Nous avons été virés, mais nous ne baissons pas les bras ».

« Plusieurs personnes nous ont demandé si elles pouvaient mettre leurs diplômes sur notre saj. Nous avons alors pensé au mur de la honte devant le Grand Sérail. C’est comme ça que le mur des diplômés a commencé », explique Roudy Hanna à L’Orient le Jour. « Nous voulions le faire pour tous les gens qui ont été licenciés ».


Une situation critique pour les jeunes diplômés
Le chômage au Liban touche très particulièrement les jeunes diplômés : 35,7% des jeunes diplômés libanais étaient au chômage avant le début de la crise, selon une étude de l’Administration centrale de la statistique (réalisée entre avril 2018 et mars 2019), contre un taux de 11,4 % pour l'ensemble de la population active (un chiffre qui tient compte des travailleurs étrangers, hors populations vivant dans des casernes militaires, des camps de réfugiés et autres « regroupements » assimilés).

Pour aggraver les choses, les licenciements se sont multipliés depuis que le début de la crise économique. « Presque 80% des licenciements sont des licenciements illégaux », estime Roudy. De nombreuses plaintes ont été déposée auprès du ministère du Travail pour licenciements collectifs arbitraires, et le ministère a mis en place début décembre un « comité d’urgence » pour se pencher sur cette recrudescence de cas.


Les copies de diplômes, collées sur les blocs de béton érigés dans le centre-ville de Beyrouth. Photo B.L.


Dès le début du mouvement de contestation en octobre 2019, de nombreuses pancartes et slogans visaient à attirer l’attention sur l’impasse dans laquelle se trouvent les jeunes au Liban. « Peu importe à quel point tu es qualifié, le nombre de diplômes que tu as, tu ne peux pas candidater à un emploi si tu n'as pas un piston. C’est un grand problème ici au Liban », explique Mark Darido. Lorsqu’ils parviennent à décrocher un emploi, le salaire qu’en retirent les jeunes diplômés est jusqu’à quatre fois inférieur à ce qu’ils pourraient espérer gagner en s’expatriant (selon l’enquête de 2015-2016 de l’Observatoire de la réalité socio-économique).

Aujourd'hui, Patrick fait partie de ces jeunes qui n'ont plus qu'un objectif : s'expatrier. Ce jeune homme de 30 ans originaire de Zghorta a été licencié de son poste d’assistant exécutif en novembre. Il travaillait pour une start-up de vente au détail qui n’a pas résisté à la crise. Le jeune homme n’a pas réussi depuis à trouver un emploi au Liban. « J’essaie de quitter le Liban le plus rapidement possible. Je fais des demandes de visas pour rejoindre l’Europe. La situation au Liban ne va pas changer sous peu et ce qui va arriver prochainement avant d’avoir un meilleur pays ne sera facile pour personne », estime-t-il, interrogé par L’Orient-Le jour.


« Nous devons rester et nous battre »
Selon une étude de l’Observatoire universitaire de la réalité socio-économique de l’USJ, un diplômé sur quatre de cette université décide de partir à l’étranger après l’obtention de son diplôme. Le frère et le meilleur ami de Mark Darido ont d’ailleurs fait ce choix. Mais pour les deux jeunes hommes, quitter le Liban n’est pas une option, comme l’affirme Roudy : « Beaucoup de personnes ont quitté le Liban, particulièrement ces deux dernières années. Je pense que c’est mal, je ne les blâme pas, mais je pense que nous devons endurer ça. Aller vers notre liberté est coûteux, ce n’est pas une tâche facile. Nous devons rester et nous battre jusqu’à obtenir ce que nous voulons ».

Le début de la contestation avait été marqué par une vague d’espoir de Libanais de la diaspora qui espéraient que la révolution déboucherait sur une amélioration des conditions socio-économique et signifierait peut-être la possibilité d'un retour au pays. Aujourd’hui, c’est la désillusion, avec l’aggravation de la crise économique.

« Nous n’attendons rien du gouvernement, ni du Parlement, ni de qui que ce soit lié aux politiciens ou à ce système corrompu. Les fausses promesses ne deviendront jamais vraies », conclut, amer, Roudy Hanna. « Nous méritons de vivre dans un pays meilleur », enchaîne Mark. Si ces copies de diplômes, collées sur les blocs de béton, ne résisteront assurément pas longtemps aux intempéries, la détermination des deux compères, elle, reste intacte.



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Sur le mur érigé à la hâte par les autorités au pied du Grand Sérail dans le centre-ville de Beyrouth, pour empêcher les manifestants de s’en approcher ainsi que du parlement, des dizaines d’affichettes recouvrent désormais les graffitis : ce sont les photocopies des diplômes de jeunes Libanais au chômage.A l’origine de cette initiative coup de poing, deux jeunes gens, Roudy Hanna...

commentaires (4)

SUR CHAQUE PARTIE DU MUR IL FAUT COLLER DES STIKERS AVEC LE LOGO DU BATISSEUR DU CE DE CE MUR DE LA LIBERTE EGALITE FRATERNITE..........OBJET DE NOTRE FIERTE HONEUR,,SACRIFICE,,DEVOUEMENT..........

michel raphael

06 h 02, le 11 février 2020

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • SUR CHAQUE PARTIE DU MUR IL FAUT COLLER DES STIKERS AVEC LE LOGO DU BATISSEUR DU CE DE CE MUR DE LA LIBERTE EGALITE FRATERNITE..........OBJET DE NOTRE FIERTE HONEUR,,SACRIFICE,,DEVOUEMENT..........

    michel raphael

    06 h 02, le 11 février 2020

  • Triste avenir pour un pays ou sa jeunesse est ambitieuse mai n'y peut rien face aux chefs de tribus .

    Antoine Sabbagha

    20 h 07, le 10 février 2020

  • FALLAIT AJOUTER ET LES CARTES D,INTRODUCTION DES ABRUTIS CORROMPUS ET INCOMPETENTS AVEC LESQUELLES LES FONCTIONNAIRES DE L,ETAT SONT EMBAUCHES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 45, le 10 février 2020

  • Mais quel peuple! Il ne tarie pas d'inventivité. C'est dommage qu'il ait à sa tête des branleurs pareils. C'est du gaspillage.

    Sissi zayyat

    16 h 31, le 10 février 2020

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