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Monde - Syrie

À Idleb, la Turquie à la peine

L’avancée du régime dans la province d’Idleb couplée avec les attaques sur les postes turcs d’observation ont (re)posé la question de la durabilité du partenariat turco-russe en Syrie.

Une photo prise le 5 février 2020 montrant un poste d’observation militaire turc près du village de Tall Touqan, dans le nord-ouest de la Syrie, dans la province d’Idleb. Photo AFP

Face à l’avancée des troupes progouvernementales syriennes dans la province d’Idleb, la Turquie donne l’impression d’être dos au mur.

Les ultimatums et les menaces du président turc Recep Tayyip Erdogan n’auront pas suffi à dissuader le régime syrien dans sa volonté de reconquête de la province d’Idleb, la dernière région rebelle du pays. Encore hier, les forces loyalistes syriennes poursuivaient leurs pilonnages sur la ville de Saraqeb, une place stratégique pour Damas, car marquant l’intersection des autoroutes M4 et M5, de Lattaquié à Damas en passant par Alep. Cette zone abrite également un petit nombre de postes d’observation turcs – s’apparentant à des bases militaires – qui ont été pris lundi pour cibles par les forces du régime syrien, donnant lieu à une série de combats inédits entre ces dernières et les Turcs, tout cela sous la loupe de la Russie, parrain de Damas.

Face à cette situation, la Turquie dispose de peu d’alternatives. La première serait de reculer et laisser le régime s’emparer de la ville et abandonner ses postes d’observation. Mais si elle le faisait, elle subirait une humiliation militaire et augmenterait le risque de voir affluer des centaines de milliers de réfugiés à sa frontière, ce qu’elle cherche à éviter, elle qui accueille déjà trois millions et demi de Syriens sur son sol. En cas de recul, Ankara verrait également son poids dans la région diminuer. Il lui est cependant essentiel, Idleb représentant l’une de ses principales cartes dans le cadre de sa politique syrienne. Le président Erdogan avait déjà annoncé mardi qu’il « ne laisserait pas le régime s’implanter à Idleb ».


(Lire aussi : Quand Téhéran s’invite dans la bataille à Idleb)


Dans ce contexte, l’une des seules options qui se présente à Ankara serait de joindre le geste à la parole en renforçant sa présence militaire dans le pays. Mais cette option comporte son lot de risques, même si en termes technologique et humain, « l’armée turque a les moyens humains et militaires de livrer des combats de grande ampleur contre le régime », comme l’explique Bayram Balci, enseignant à Sciences-Po et spécialiste de la Turquie, contacté par L’Orient-Le Jour. En interne, « Erdogan a reçu beaucoup de soutiens lorsqu’il s’agissait de combattre le PKK, et nettement moins pour combattre le régime d’Assad », note pour sa part Soner Cagaptay, chercheur au sein du Washington Institute, interrogé par L’OLJ. « Le vrai enjeu pour Erdogan ici, c’est d’éviter tout nouvel afflux de réfugiés », insiste-t-il.Envoyer de nouvelles troupes ou bombarder les positions du régime aggraverait le risque d’escalade avec Damas et augmenterait le risque de voir le nombre de morts s’accroître des deux côtés, sans parler des difficultés qu’éprouverait la Turquie à sortir de l’engrenage de la guerre. Ankara serait par ailleurs amené à combattre sur deux fronts, ayant récemment déployé des troupes en Libye – surtout des instructeurs militaires et des rebelles syriens – aux côtés du gouvernement reconnu par l’ONU face aux forces du maréchal Khalifa Haftar, soutenu par les Émirats arabes unis, l’Égypte et la Russie via des mercenaires du groupe Wagner.

Mais le risque le plus important pour les Turcs serait de s’en prendre, malencontreusement, à des positions et/ou de faire des victimes parmi des militaires russes participant à l’offensive aux côtés des forces du régime. Et même si le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu a affirmé hier que « la Russie n’est pas notre cible sur le terrain », le risque d’une erreur de calcul est toujours présent.


(Lire aussi : Qu’attend Moscou pour siffler la fin de la partie entre Ankara et Damas ?)



Échappatoire
Ankara veut éviter de se fâcher avec Moscou. Ce dernier est le seul capable de freiner à tout moment les actions potentiellement hostiles de la part de Damas contre les intérêts turcs. « Nous nous attendons que la Russie freine le régime le plus rapidement possible », a déclaré hier M. Cavusoglu lors d’une conférence de presse retransmise par les télévisions turques depuis Bakou, en Azerbaïdjan.

Au niveau international, la Turquie et la Russie ont, depuis 2015 – et l’incident de l’avion russe abattu par les Turcs –, considérablement réchauffé leurs relations et conclu ces dernières années un grand nombre d’accords et de partenariats, notamment la question des missiles S-400 russes achetés par la Turquie – au grand dam des Américains et de l’OTAN – ou encore du gazoduc TurkStream reliant la Turquie à la Russie via la mer Noire.

Mais l’avancée du régime couplée avec les attaques sur les postes turcs d’observation ont (re)posé la question de la durabilité et de la fiabilité du partenariat turco-russe en Syrie. Les deux pays se sont entendus à maintes reprises pour tenter de trouver des solutions quant au sort de la province d’Idleb, tant via le protocole d’Astana (rassemblant Ankara, Moscou et Téhéran) que de manière bilatérale. Des accords entre MM. Erdogan et Poutine ont été trouvés, mais aucun n’a vraiment permis une avancée sur le long terme. Ils sont davantage perçus aujourd’hui comme des « pauses » ou des « sursis ». « Dans l’esprit de Poutine, l’idée est de faire en sorte que le régime ne prenne pas toute la province d’un coup, mais de grignoter des parcelles et de faire pression sur les Turcs », explique Bayram Balci, ajoutant que « Poutine va sans doute laisser Bachar el-Assad prendre la ville de Saraqeb et intervenir pour dire qu’il aura réussi à avoir un cessez-le-feu (…) Une fois Saraqeb tombée, le régime va attendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avant de reprendre son offensive ». Ce laps de temps permettrait sans doute à Moscou et Ankara de s’accorder sur les modalités d’une éventuelle trêve. Le chef de la diplomatie turque a affirmé qu’une délégation russe est prochainement attendue en Turquie pour des discussions sur la Syrie, et qu’une rencontre entre les présidents Erdogan et Poutine pourrait avoir lieu « si besoin ». De son côté, le porte-parole de la présidence turque Ibrahim Kalin a affirmé hier qu’« une nouvelle réunion d’Astana se tiendrait probablement en mars ».

La Turquie pourrait toutefois ne pas être complètement bloquée dans le dossier syrien. Une échappatoire pourrait se trouver du côté de l’Occident, et en particulier des États-Unis. Washington s’est fermement rangé aux côtés de la Turquie, son allié au sein de l’OTAN, au lendemain de l’attaque de ses bases par le régime. Toujours présents en Syrie malgré l’annonce de leur départ il y a quelques mois, les États-Unis pourraient également trouver avec Ankara une liste de nouveaux intérêts communs sur place. La question kurde, principale épine dans les relations entre les deux pays, ayant été mise de côté par Washington.


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commentaires (3)

Demander à Poutine de se dresser contre le Héros Bashar c'est comme demander au clown américain de vendre son (patron/larbin ??) chitanyahou . erdo va réaliser que la tergiversation en politique , c'est comme le mensonge , elle a les jambes courtes . Il est l'homme des américains et de l'occident en général ça ne trompe personne , mais ses caprices et sa grosse tête vont lui faire perdre la face , le seul à pouvoir le faire rentrer dans un trou de souris c'est Poutine . On voit bien comment erdo se gonfle les chevilles avec les kurdes , les libyens et en ce moment les syriens , cela présage une chute vertigineuse , les branches les plus hautes sur les arbres sont en principe les plus tendres . Reste à savoir si Poutine et l'occident ne sont pas déjà entrain de se partager la Turquie , ce régime est trop personnel il repose sur un homme déséquilibré , ça rappelle d'autres comme celui des Saddam , kaddafi etc...

FRIK-A-FRAK

13 h 52, le 07 février 2020

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Commentaires (3)

  • Demander à Poutine de se dresser contre le Héros Bashar c'est comme demander au clown américain de vendre son (patron/larbin ??) chitanyahou . erdo va réaliser que la tergiversation en politique , c'est comme le mensonge , elle a les jambes courtes . Il est l'homme des américains et de l'occident en général ça ne trompe personne , mais ses caprices et sa grosse tête vont lui faire perdre la face , le seul à pouvoir le faire rentrer dans un trou de souris c'est Poutine . On voit bien comment erdo se gonfle les chevilles avec les kurdes , les libyens et en ce moment les syriens , cela présage une chute vertigineuse , les branches les plus hautes sur les arbres sont en principe les plus tendres . Reste à savoir si Poutine et l'occident ne sont pas déjà entrain de se partager la Turquie , ce régime est trop personnel il repose sur un homme déséquilibré , ça rappelle d'autres comme celui des Saddam , kaddafi etc...

    FRIK-A-FRAK

    13 h 52, le 07 février 2020

  • LA DEFAITE DE L,APPRENTI MINI SULTAN OTTOMAN ERDO ET DE SON ARMEE D,OTTOMANS EN SYRIE COMME EN LYBIE EST GARANTIE. PERSONNE NE LES VEUT NI LA NI LABAS. ILS SONT HONNIS EN TANT QU,OTTOMANS DES PEUPLES DE TOUTE LA REGION ET SURTOUT DES PEUPLES ARABES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 20, le 07 février 2020

  • La Turquie et la Russie se tiennent par la barbichette en Syrie....

    Moiffak HASSAN

    12 h 14, le 07 février 2020

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