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Monde - Commentaire

Palestine : est-il encore permis d’espérer ?

Des Palestiniens manifestant dans la vallée du Jourdain hier. Jaafar Ashtiyeh/AFP

Le nouveau plan de paix américain pour le Proche-Orient est une gifle adressée aux Palestiniens, une insulte au droit international et un retour à l’esprit de la Déclaration de Balfour dans un style nettement plus vulgaire et beaucoup plus assumé. C’est la paix des pillards, celle de ceux qui ont battu leur adversaire mais qui continuent de le rouer de coups pour lui enlever la seule chose à laquelle il pouvait encore s’accrocher : l’espoir. L’histoire s’en souviendra comme le moment où la première puissance mondiale a torpillé les fondements du droit international avec le consentement tacite du reste du monde. Mais une fois que l’on a dit tout cela, que reste-t-il ? Une fois que les vaincus n’ont plus que leurs yeux pour pleurer, comment peuvent-ils encore se défendre ?

La scène surréaliste où Donald Trump a annoncé mardi son fameux « deal du siècle » aux côtés de Benjamin Netanyahu aurait pu avoir quelque chose de comique tant tout était grotesque, du discours du président américain à celui de son allié israélien, en passant par les applaudissements d’une salle conquise à cette union des évangélistes et des ultrasionistes. Mais si personne du côté des Palestiniens et de leur soutien n’avait le cœur à se moquer d’un pareil spectacle, c’est que le plan appuie là où ça fait le plus mal. Il n’établit pas une nouvelle réalité, mais se contente d’entériner celle qui s’est imposée par la force. En faisant cela, il met fin à des décennies d’illusion à laquelle plus grand monde ne croyait, mais que personne n’osait remettre en question, faute d’alternative permettant de préserver un relatif statu quo.

Plus de 25 ans après, le plan Trump a au moins le mérite de dire le vrai à défaut de dire le juste. Oslo est mort. La solution à deux États telle qu’elle avait été défendue à l’époque l’est tout autant. Tout comme l’initiative de paix arabe de 2002 qui promettait aux Palestiniens un soutien diplomatique fort et d’une seule voix. La colonisation israélienne, la guerre en Irak, le printemps arabe, la guerre en Syrie, la question du nucléaire iranien sont, entre autres, passés par là. Autrefois fer de lance de la cause palestinienne – qu’ils instrumentalisaient en réalité au service de leurs propres intérêts et sans même parvenir à se mettre d’accord entre eux –, les Arabes ont aujourd’hui abandonné la Palestine. Les populations font leur propre révolution. Les régimes en place sont quant à eux trop occupés à conserver leur pouvoir et trop concentrés sur la menace iranienne pour se battre une nouvelle fois pour une cause qu’ils considèrent comme perdue. Les anciennes grandes puissances arabes sont en état de convalescence tandis que les nouvelles craignent de subir le même sort. Toutes ont tellement peur de disparaître de la scène, conscientes que leur survie dépend en partie de leur relation avec Washington, que la cause palestinienne leur paraît bien dérisoire.

Certes, une partie des pays arabes continuent de défendre leur attachement à la solution à deux États sur les bases des frontières de 1967 et avec Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine. Mais il y a fort à parier que même eux, du moins ceux qui comptent sur la scène régionale, espèrent quelque part que les Palestiniens acceptent cette nouvelle réalité.

Se battre encore ? Mais avec qui et pourquoi ? L’Autorité palestinienne est un vieillard sous perfusion, incapable de se réinventer et encore moins disposé à laisser la place à une jeunesse auprès de qui il a perdu toute crédibilité. Le Hamas est plus inquiet de la préservation de sa mainmise sur Gaza que de la lutte contre Israël. La voie militaire a montré toutes ses limites du fait de l’inégalité des rapports de force qui ne cesse de se creuser entre Palestiniens et Israéliens. La voie diplomatique est dans l’impasse en raison là encore de la supériorité israélienne dans ce domaine et surtout du fait que les Palestiniens n’ont pas de véritables amis sur la scène internationale.

La solution à deux États est morte, et les cercles intellectuels, tout comme la jeunesse palestinienne, militent de plus en plus pour un combat en faveur d’une solution à un État dont tous les habitants auraient les mêmes droits. Ils dénoncent la situation d’apartheid imposée aux Palestiniens par la colonisation israélienne dans les territoires occupés et considèrent qu’une forte pression internationale, comme dans le cas de l’Afrique du Sud, pourrait y mettre fin. Alléchante sur le papier, cette alternative pourrait avoir pour principal effet d’entretenir une nouvelle illusion : celle qu’Israël, qui se pense uniquement comme un État juif et qui a même adopté une loi pour le réaffirmer en juillet 2018, puisse un jour accepter de renoncer à cette caractéristique, au cœur de la pensée sioniste. Cela paraît d’autant plus utopique qu’Israël se droitise depuis des années et fait tout pour rappeler aux Arabes israéliens (les Palestiniens restés sur place en 1948) qu’ils ne font pas partie du corps de cette nation. Si les Israéliens ne sont pas prêts à renoncer à la Cisjordanie, qu’est-ce qui peut aujourd’hui laisser penser qu’ils seraient prêts à renoncer à ce qu’ils considèrent comme le plus important, c’est-à-dire à l’identité exclusivement juive de leur État ?

Est-il alors encore permis d’espérer ? D’espérer que la jeunesse palestinienne fasse sa propre révolution, que le monde arabe puisse soutenir cette cause pour les bonnes raisons, que le reste du monde ouvre enfin les yeux sur cette injustice et que les dynamiques s’inversent grâce aux pressions à la fois internes et externes ? « Il n’est pas encore interdit de penser quand on est à genoux », écrivait la romancière Dominique Eddé dans une « Lettre à Alain Finkelkraut » publiée dans L’Orient-Le Jour. Il n’est pas non plus interdit d’espérer.

Le nouveau plan de paix américain pour le Proche-Orient est une gifle adressée aux Palestiniens, une insulte au droit international et un retour à l’esprit de la Déclaration de Balfour dans un style nettement plus vulgaire et beaucoup plus assumé. C’est la paix des pillards, celle de ceux qui ont battu leur adversaire mais qui continuent de le rouer de coups pour lui enlever la seule...

commentaires (4)

LA PARISIENNE: A l'exception des dix premières et dernières lignes superfétatoires, enfin une analyse lucide et courageuse de l'avenir de notre région au XXIe siècle, qu'il va falloir construire avec la jeunesse palestinienne qui finira prochainement par se réveiller, comme au Liban et dans les autres pays en soulèvements.

Saab Edith

12 h 37, le 02 février 2020

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Commentaires (4)

  • LA PARISIENNE: A l'exception des dix premières et dernières lignes superfétatoires, enfin une analyse lucide et courageuse de l'avenir de notre région au XXIe siècle, qu'il va falloir construire avec la jeunesse palestinienne qui finira prochainement par se réveiller, comme au Liban et dans les autres pays en soulèvements.

    Saab Edith

    12 h 37, le 02 février 2020

  • Palestine : la république imaginaire. pendant 25 ans les palestiniens ont cherché la reconnaissance internationale. Ils ont oublié d'associer cette reconnaissance à la protection de leur territoire. Les israéliens, avec le soutien masqué de la terre entière ont grignoté ce territoire, au vu et au su des palestiniens eux même. Aujourd'hui, Abbas et son entourage se trouve à la tête d'une république imaginaire, reconnu mais qui n'a malheureusement plus de support territorial.25 ans de perdu et la Palestine avec. Pourtant ils savaient que ce qui a été pris par la force, ne sera repris que par la force.....Impossible d'obtenir gain de cause autrement. l'histoire est pleine d'exemples....

    HIJAZI ABDULRAHIM

    17 h 41, le 01 février 2020

  • Le liban et ses révolutionnaires resteront le Dindon de la farce que Trump leur a préparée avec une perfidie sans pareille! Les révolutionnaires libanais , une fois atteint le vide du pouvoir pour lequel ils ont engagé toutes leurs forces , se retrouveront nez-à-nez avec les réfugiés palestiniens et syriens qui voudront participer avec eux au pouvoir . La face du Liban va changer , le président chretien sera un songe appartenant au passé . Le nombre des sunnites changera la donne , les chrétiens seront acculés à devenir canadiens . DEPUIS KISSINGER , L'INFÂME, RIEN N'A CHANGÉ .

    Chucri Abboud

    17 h 21, le 01 février 2020

  • CA DEPEND DE LA POSITION DES GRANDES PUISSANCES. ON VOIT DEJA POUTINE QUI NE TROUVE PAS TROP A REDIRE. CERTES LES EUROPEENS NE SE RANGENT PAS AUJOURD,HUI A L,AVIS AMERICAIN MAIS QUI PEUT GARANTIR QU,ILS NE CHANGERAIENT PAS EN TERGIVERSANT COMME ILS FONT DANS TOUTE AUTRE QUESTION SOUS PRESSION AMERICAINE ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    01 h 04, le 01 février 2020

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