Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole - Marianne CHEBEL ISSA EL-KHOURY

L’espoir est-il permis ?

Pressé par un impératif de survie, le Liban a évolué en dehors du monde.

Assiégée par un déchaînement qu’elle n’avait pas su prévoir, cette terre de conciliation vécut l’autarcie qu’engendrent la haine et la violence.

Meurtrie dans sa chair, cette terre de dialogue s’est vu imposer une doctrine de parole barrée.

Près de 45 ans que le Liban vit la guerre des autres sur son territoire ; 45 ans que le peuple de mon pays vit sous la férule de chefs qui sacrifient le Liban pour prêter allégeance à des pays tiers.

Près de 45 ans de souffrance et d’espoirs déçus ; 45 ans que les voix intègres n’ont pu endiguer la corruption et le clientélisme qui ont ébranlé les fondations de l’État.

Mais cette terre sacrée qui avait par mégarde reposé le fanion dont elle est dépositaire se redresse à nouveau, fustige les responsables et leur crie : « ASSEZ ! »

Voilà 45 ans que j’ai donné la chance à tous les soi-disant chefs pour se ressaisir, mais ils se sont englués dans leur petitesse.

Autistes par choix, aveugles par incompétence, ils sont restés en marge de l’évolution du monde.

Cette terre de fierté, d’ouverture et de tolérance qui a façonné ses enfants à son image exècre leur déperdition.

Cette terre tourmentée dans sa noblesse, humble dans son message, désavoue leur frilosité, rejette leur carcasse et leur crie : « ASSEZ ! »

Et, comme en écho, le 17 octobre 2019, les enfants de cette terre bénie ont cassé le mur de la peur et ils se sont rappelé le message dont ils sont dépositaires. Ils ont reconquis leur dignité pour rester fidèles à ces hauteurs qui ont vu défiler les siècles, trônant majestueusement sur une histoire enrichie de ses luttes pour la liberté, auréolée dans sa dignité par ses victoires sur elle-même !

Et ils ont crié d’une même voix « Tous veut dire tous » ; meurtris dans leur chair, récusant plus d’humiliation.

Cultivant la mémoire, défiant la renonciation, refusant de subir un enterrement programmé, leur voix a claqué, cinglante, comme toute vérité!

Et la thaoura a inscrit l’Espoir en lettres de dignité ! D’autant que :

Nul ne connaît le destin de cette terre de générosité mieux que ceux qui l’ont irriguée de leur sang pour ne pas se compromettre.

Nul ne connaît le destin du Liban mieux que ceux qui en sont arrachés, mais continuent depuis et dans leur exil à charrier son essence.

Nul ne connaît le destin de cette terre rebelle mieux qu’un peuple qui brave l’interdit et brandit l’étendard de la liberté.

Nul ne connaît le destin du Liban mieux que cette foule qui compose sa mosaïque et à travers laquelle se balbutie un projet de nation.

Nul n’est à même de dessiner cette nation en devenir mieux que cette houle civilisée, hier encore émiettée en dix-huit éléments aux entités disséminées et conflictuelles, aspirant aujourd’hui à édifier et élaborer ensemble un projet commun dont la trame serait la connaissance lucide de toutes les composantes dans leur diversité, le respect de leurs particularismes et la sauvegarde de leurs droits…

Car seule cette trame est garante de l’appartenance de chacun, de l’identité d’un peuple et de la liberté de tous !

Une chance unique, un espoir incommensurable que nous devons conforter en exigeant, par une désobéissance civile, non violente, que soient proclamés l’état d’urgence et la constitution d’un gouvernement de salut public par l’armée, aidée dans sa mission provisoire par une petite équipe de technocrates indépendants avec des pouvoirs et prérogatives exceptionnels, dont le devoir est de mettre en place un programme de sauvetage pour :

1. Qu’en plus des réformes légitimes et connues de tous, que le peuple réclame depuis trois mois (convoquer rapidement de nouvelles élections après publication d’une loi électorale équitable, un plan exhaustif pour rétablir les finances de l’État, la justice, etc.).

2. Demander aux Nations unies que le Liban soit reconnu comme un pays neutre.

Et de fait, lorsqu’en 1943 les pères fondateurs ont choisi de proclamer « Ni Est ni Ouest », c’est parce qu’ils savaient que le Liban, petit dans sa superficie, grandiose par son message, ne pouvait prendre parti, car il trahirait sa mission de pont entre l’Orient et l’Occident d’une part, et d’autre part, mettrait à mal les ressentis de ses enfants qui pourraient vouloir se rallier à tel ou tel camp ! Seul le retour à la neutralité positive garantit la souveraineté du Liban, met fin aux allégeances externes des uns et des autres et résout les antagonismes internes.

l Peut-on douter de l’arabité de Riad el-Solh ?

l Et plus tard, peut-on mettre en cause la voix de l’imam Moussa Sadr qui a combattu l’emprise des chefs de guerre et proclamé que le Liban est « le pays de la rencontre, le pays de l’Homme… » que « par le dialogue islamo-chrétien, constituant de son identité, il offre au monde un grand espoir, une leçon de civilisation… »

l Ou peut-on douter de la foi de cheikh Kabalan Issa el-Khoury qui disait que « dans chaque chrétien libanais il y avait un peu d’islam ; et, dans chaque musulman libanais, il y avait un peu de christianisme ».

L’espoir renaît et charrie avec lui une certaine idée du Liban !

Et à ceux qui théorisaient sur l’inconvénient d’un Liban libre et souverain, la mosaïque de ses fils leur crie son mépris, brandit l’emblème de l’Évangile et du Coran et réaffirme ainsi son rôle d’un « pays message » !

Le Liban aspire à renaître et ce phénix auquel les petites âmes ne croyaient plus prend de la hauteur et se met à tutoyer l’incommensurable…

Le Liban renaît dans un énorme sanglot.

Le Liban renaît dans un énorme cri de douleur, d’amour et d’espoir.

Le Liban renaît et sa renaissance rallie tous ceux qui voudraient le parer à nouveau de cette aura dont il a le secret : un voile de mystère et de pudeur qui, soulevé délicatement, révèle une foi infinie dans l’absolu, les valeurs humaines et… dans la rédemption !

L’espoir est là ! Le Liban renaîtra et de sa renaissance qui s’est inscrite en termes de sang transparaît le souffle d’une terre, l’esprit d’une nation…

Avocate aux barreaux de Beyrouth et de Paris

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Pressé par un impératif de survie, le Liban a évolué en dehors du monde.Assiégée par un déchaînement qu’elle n’avait pas su prévoir, cette terre de conciliation vécut l’autarcie qu’engendrent la haine et la violence. Meurtrie dans sa chair, cette terre de dialogue s’est vu imposer une doctrine de parole barrée. Près de 45 ans que le Liban vit la guerre des autres sur son...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut