Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole - Louis INGEA

Sec et percutant

Dois-je me sentir gêné de rédiger le peu enviable commentaire qui suit? Au point où nous en sommes, le vague sentiment de honte ne pèse ni ne compte plus.

Soyons lucides ! La situation dans laquelle nous vivons ne va pas cesser de se dégrader au point de risquer le dérapage et de finir dans le sang. Adieu alors la « selmiya » à laquelle, dans notre détresse de ne jamais avoir rien vu de bon au plan politique et social, nous nous étions attachés pour en retirer quelque gloriole.

Car les têtes malades qui règnent sur le pays et tiennent toujours le haut du pavé ont gardé plus d’un tour dans leur (mise à ) sac et l’enthousiasme de nos jeunes générations ainsi que leur courage et leur prise de conscience ne refléteraient plus, dans pareil cas, que les illusions de leur âge.

L’absurde est partout et à tous les niveaux. Le comportement sclérosé de notre caste dirigeante non seulement maintient les combines héritées de notre culture séculaire en la matière, mais continue de manipuler avec un art hautement consommé les diaboliques rouages développés par le savoir-faire de l’économie moderne. S’y conjuguent en même temps blanchiments et corruption, appétits et ruses, immoralité et injustice.

Et nous croyons vraiment pouvoir faire lâcher prise à ces vautours de haut vol ? Ou, encore moins, les amener à contribution ?

Tenez ! Méditons ensemble sur l’exemple recueilli récemment…

Un nouvel épisode de la farce qui se joue sur la scène politique m’est servi aux nouvelles de la mi-journée : le gouverneur de la Banque du Liban déclare, entre deux marches d’escalier, qu’il va donner suite aux « rumeurs » de transferts de fonds hors du territoire depuis le 17 octobre écoulé. « Nous ferons une enquête, confie-t-il sur un ton compassé, aux fins d’en savoir les détails » (sic).

S’agissant de centaines de millions de dollars… Ah ! La délicate attention à l’endroit du politiquement établi… Alors qu’il suffirait de presser un bouton pour prendre connaissance des montants incriminés et des noms des établissements bancaires ayant effectué l’opération. D’autant que l’on camoufle la réalité des faits à l’ombre du soi-disant système libéral en vigueur, permettant aux particuliers de disposer de leurs biens monétaires comme bon leur semble. Sauf que le timing suivi pour ce genre de transfert obéit à un réflexe de sauve-qui-peut, creuse le vide des caisses bancaires au plus mauvais moment et constitue de la sorte ce qu’on appelle un « délit d’initiés ».

La liberté du choix ne peut fonctionner sans limites si elle risque de léser la liberté d’autrui. À plus forte raison lorsqu’elle émane de responsables politiques et qu’elle prive le pays en pleine crise monétaire d’énormes liquidités garantes de sursis par rapport à l’extinction de devises sur le marché local. Signalons de plus que les petits épargnants s’étaient déjà vu refuser tout genre d’opération similaire, non pas au titre d’interdiction légale mais seulement sous le prétexte d’un contrôle nécessaire et provisoire. Deux poids et deux mesures, par conséquent, selon les règles mafieuses favorisant des dirigeants aux dépens des citoyens ordinaires. Alors que l’on sert « maternellement » la ration hebdomadaire de deux cents dollars par semaine et par tête de pipe lambda. Comment veut-on, dans ces conditions, ne pas se demander jusqu’à quand va se prolonger la sinistre plaisanterie qui nous prend pour des imbéciles ? Et « jusques à quand on continuera d’abuser de notre patience », comme l’avait proclamé Cicéron dans sa célèbre diatribe ?

Il ne suffira donc plus de manifester ou de bloquer des routes. Ni même de récuser le nouveau ministère en gestation. Ce sera la vraie révolution qui fera table rase de cette administration tricéphale, carnavalesque et voleuse ! La rue passera à la vitesse supérieure, celle des bouleversements définitifs qui nous plongeront sans doute dans le chaos et mèneront par la force à la création d’un Comité de salut public, suivi du remplacement de notre Constitution par une nouvelle charte nationale.

Quant aux moyens « tout de même légaux » d’y parvenir, nos juristes, fort heureusement, ne sont pas denrée rare. Les jours qui viennent le démontreront.

Il est regrettable que le président du pays ne soit pas un homme chanceux. Car il sera témoin de la disparition de cette république d’opérette dont le spectacle n’a que suffisamment perduré. La marche de l’histoire et sa panoplie de changements sont inéluctables, ne l’oublions pas.

Un dernier mot pour conclure ! Tenter de susciter des obstacles pour éluder la réalisation d’un tel scénario serait aussi lâche que criminel. Il y va de la vie ou de la mort du Liban. Soyons prêts à y faire face.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Dois-je me sentir gêné de rédiger le peu enviable commentaire qui suit? Au point où nous en sommes, le vague sentiment de honte ne pèse ni ne compte plus.Soyons lucides ! La situation dans laquelle nous vivons ne va pas cesser de se dégrader au point de risquer le dérapage et de finir dans le sang. Adieu alors la « selmiya » à laquelle, dans notre détresse de ne jamais avoir...

commentaires (1)

Pas nécessairement des délits d'initiés mais des retraits en "période suspecte" dans la mesure où la situation actuelle est une banqueroute de fait

M.E

01 h 09, le 13 janvier 2020

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Pas nécessairement des délits d'initiés mais des retraits en "période suspecte" dans la mesure où la situation actuelle est une banqueroute de fait

    M.E

    01 h 09, le 13 janvier 2020

Retour en haut