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Société - Justice

Carlos Ghosn à Beyrouth : une épopée qui reste entourée de mystère

Le ministère de la Justice a reçu hier une demande d’Interpol pour arrêter l’ancien patron de l’alliance Nissan-Renault-Mitsubishi.

Des journalistes japonais sont en poste en permanence devant la résidence de Carlos Ghosn à Achrafieh. Mohammad Azakir/Reuters

Les circonstances de l’incroyable évasion de l’ancien patron de l’alliance Nissan-Renault-Mitsubishi, Carlos Ghosn, vers le Liban, alors qu’il était assigné depuis huit mois à résidence au Japon, restent un mystère absolu. Depuis lundi, lorsque son arrivée à Beyrouth a été confirmée, les théories les plus folles ont couru sur l’escapade de M. Ghosn dont le procès pour malversations financières et abus de confiance devrait s’ouvrir en avril prochain à Tokyo.

Ce qui est sûr, c’est que le Liban n’a pas l’intention de l’extrader vers le Japon, non seulement parce que Beyrouth et Tokyo ne sont pas liés par des accords d’extradition ou de coopération judiciaire, mais parce que les lois libanaises le permettent. À Beyrouth, les démarches judiciaires qui s’imposent dans ce genre de situation suivront leur cours sans que l’homme d’affaires libanais, qui détient également les deux nationalités brésilienne et française, n’ait à s’inquiéter. La France, où Carlos Ghosn fait également l’objet d’enquêtes sur des « abus de bien sociaux » ainsi que sur des faits de « corruption », a elle aussi fait savoir par la voix de son ministre de l’Économie, Agnès Pannier-Runacher, que l’ex-patron de Nissan et Renault ne serait pas extradé s’il s’y rendait. Au cours d’une interview en début de journée sur la chaîne BFMTV, Mme Pannier-Runacher a expliqué que « la France n’extrade jamais ses nationaux ». « Nous appliquons à M. Ghosn comme à M. Tout-le-Monde les mêmes règles du jeu, mais cela ne nous empêche pas de penser que M. Ghosn n’a pas à se soustraire à la justice japonaise », a-t-elle ajouté.

C’est ainsi que Beyrouth a accueilli avec placidité hier une « notice rouge » ou l’équivalent d’une demande d’arrestation du bureau d’Interpol du Japon, via le bureau de Beyrouth. La notice a été remise au ministre sortant de la Justice, Albert Serhane, qui l’a transmise à son tour au parquet de Beyrouth. Suivant la procédure en vigueur, le procureur général devrait convoquer le magnat de l’automobile pour entendre sa version des faits.

Ce dernier a fait savoir quelques heures après son arrivée à Beyrouth que s’il a décidé de s’évader, c’est « pour fuir non pas la justice, mais l’injustice » et pour établir la vérité sur les faits qui lui sont reprochés. « Je ne suis plus l’otage d’un système judiciaire japonais partial où prévaut la présomption de culpabilité, où la discrimination est généralisée et où les droits de l’homme sont bafoués, cela au mépris absolu des lois et des traités internationaux que le Japon a ratifiés et qu’il est tenu de respecter », a-t-il affirmé d’emblée dans un premier communiqué, publié mardi à l’aube. « Je n’ai pas fui la justice, je me suis libéré de l’injustice et de la persécution politique. Je peux enfin communiquer librement avec les médias, ce que je ferai dès la semaine prochaine », a-t-il ajouté. Une rencontre avec un groupe de journalistes est en effet prévue mercredi ou jeudi prochain, dans un endroit qui reste encore inconnu.



(Lire aussi : Procès, extradition, arrestation... Que risque Carlos Ghosn au Liban ?)



Quelles répercussions sur le Liban ?
Le lieu de séjour de Carlos Ghosn au Liban reste à ce jour inconnu, même si sa résidence à la rue du Liban à Achrafieh est pratiquement assiégée par des journalistes étrangers, notamment japonais. La nouvelle de la fuite de l’homme qui avait pratiquement sauvé le constructeur japonais d’une faillite certaine et tiré le groupe français d’une situation tout aussi difficile, tout en lui assurant une ouverture large sur le marché international grâce au rapprochement avec Nissan, fait depuis trois jours la une des médias internationaux, notamment au Japon où son impact a été aussi fracassant qu’un coup de tonnerre dans une nuit d’orage.

Il faudra attendre que Carlos Ghosn s’exprime lui-même publiquement pour connaître la suite de l’aventure dans laquelle il vient de s’engager et dont on ignore toujours pour l’heure les répercussions sur les relations entre le Liban et le Japon. Il faudra attendre la fin de l’enquête pour connaître les mesures diplomatiques et politiques que Tokyo prendra. Mais d’aucuns redoutent une crise entre les deux pays, parce que c’est un fait : Beyrouth a pris fait et cause pour le magnat de l’automobile depuis son arrestation et réclamé à maintes reprises son extradition vers son pays d’origine. L’affaire a été soulevée dernièrement, entre autres, lors de la visite du ministre d’État japonais pour les Affaires étrangères, Keisuke Suzuki, le 21 décembre dernier à Beyrouth où il s’était entretenu avec le chef de l’État Michel Aoun, le président du Parlement Nabih Berry, le Premier ministre sortant Saad Hariri et le ministre sortant des Affaires étrangères Gebran Bassil.

Les autorités libanaises ont dès mardi fait savoir qu’elles n’avaient aucun rapport avec l’évasion de M. Ghosn. Le ministre sortant de la Défense Élias Bou Saab l’a réaffirmé hier. L’homme d’affaires libanais est entré de « façon légale » dans son pays d’origine, s’est empressé de préciser la Sûreté générale dans un communiqué mardi, pour couper court aux rumeurs sur l’épopée de ce dernier. Selon la Sûreté générale, rien n’impose « l’adoption de procédures à l’encontre de M. Ghosn », ni ne l’expose à « des poursuites judiciaires ».

Les circonstances exactes de son départ du Japon sont loin d’être complètement élucidées. Le parcours, lui, semble en revanche établi : entre le Japon et le Liban, Carlos Ghosn a bel et bien fait escale à Istanbul, précise l’AFP dans une dépêche datée de Paris, relevant que dans les deux capitales des enquêtes sont ouvertes. À Istanbul, sept personnes ont déjà été interpellées à titre préventif dans le cadre des investigations en cours. Il semble néanmoins clair que M. Ghosn est parti le 29 décembre du Japon en direction d’Istanbul, avant d’embarquer pour un second vol à destination de Beyrouth. Selon les informations collectées sur le site Flight Radar 24, qui suit les vols à travers le monde, un avion a décollé d’Osaka le 29 décembre à 23h10 pour atterrir à Istanbul à 5h15, à l’aéroport Atatürk, utilisé par les avions transportant des marchandises et pour des vols privés. L’appareil, un jet Bombardier Global Express, immatriculé TC-TSR, appartient à la compagnie turque MNG Jet, spécialisée dans la maintenance et les vols de jets privés.

Quarante-cinq minutes plus tard, un autre jet privé, un Bombardier Challenger 300 immatriculé TC-RZA, a décollé du même aéroport. « Destination Beyrouth », a déclaré le pilote dans un enregistrement des échanges avec la tour de contrôle obtenu par les enquêteurs, selon l’AFP. Sur Flight Radar, pas d’indication au sujet du propriétaire de l’appareil. Seule la mention « propriétaire privé » apparaît.

Les investigations portent sur le point de savoir comment Carlos Ghosn, pourtant reconnaissable entre mille à l’échelle internationale, a pu échapper à la surveillance stricte dont il faisait l’objet et faire le voyage le plus normalement du monde. Plusieurs théories ont été avancées sur les complicités dont il aurait pu bénéficier. Dans un second communiqué qu’il a fait paraître hier et pour couper court aux rumeurs faisant état d’une éventuelle assistance de son épouse Carole, Carlos Ghosn a assuré qu’il a organisé « seul » son départ, sans la participation de sa famille et notamment de son épouse.

Les autorités japonaises n’ont pas de données informatiques indiquant que Carlos Ghosn se serait présenté sous sa réelle identité aux contrôles aux frontières du Japon avant son départ, dans aucun des aéroports du pays.

Il est soupçonné d’avoir employé un moyen illégal de sortie du territoire, soit sous une fausse identité ou en échappant aux contrôles, estime la chaîne publique japonaise NHK.

Ses trois passeports (français, libanais, brésilien) étaient conservés par ses avocats japonais, pour limiter les risques de fuite. Mais, selon une source proche du dossier, une autorisation exceptionnelle du tribunal lui permettait de conserver un second passeport français sur lui dans un étui fermé par un code secret connu de ses avocats.



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Les circonstances de l’incroyable évasion de l’ancien patron de l’alliance Nissan-Renault-Mitsubishi, Carlos Ghosn, vers le Liban, alors qu’il était assigné depuis huit mois à résidence au Japon, restent un mystère absolu. Depuis lundi, lorsque son arrivée à Beyrouth a été confirmée, les théories les plus folles ont couru sur l’escapade de M. Ghosn dont le procès pour...

commentaires (2)

En tant que jamhourien , promo 1977 j accueille à bras ouverts mR Ghosn au bercail. Les jamhouriens sont éduqués pour être droits et honnêtes . Je crois profondément à la version de mR Ghosn a qui je souhaite un repos d esprit bien mérité . Ahlen chez vous . Robert Moumdjian MD Promo 1977

Robert Moumdjian

03 h 17, le 03 janvier 2020

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Commentaires (2)

  • En tant que jamhourien , promo 1977 j accueille à bras ouverts mR Ghosn au bercail. Les jamhouriens sont éduqués pour être droits et honnêtes . Je crois profondément à la version de mR Ghosn a qui je souhaite un repos d esprit bien mérité . Ahlen chez vous . Robert Moumdjian MD Promo 1977

    Robert Moumdjian

    03 h 17, le 03 janvier 2020

  • En quelques années, Carlos Ghosn, il est passé du statut de sauveur des japonais (Nissan) à l'accusé...et fugitif. Il fallait être japonais pour arriver à une telle mascarade. Les japonais se rendent-ils compte de l'image négative qu'ils se donnent dans le monde ? Leur civilisation mérite peut-être un peu mieux...

    Sarkis Serge Tateossian

    01 h 33, le 03 janvier 2020

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