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Moyen Orient et Monde - Maroc

Un journaliste incarcéré pour un tweet, ses proches dénoncent une tentative d’intimidation

La répression contre la presse et les opinions dissidentes se poursuit dans le royaume.

Le journaliste marocain Omar Radi a été mis en détention jeudi dernier. Photo tirée de son compte Facebook

Omar Radi, journaliste marocain et militant des droits humains, a été mis en détention jeudi dernier pour un tweet datant du mois d’avril dans lequel il dénonçait une décision de justice, confirmée en appel le même mois, à l’encontre de 42 prévenus ayant pris part au mouvement populaire marocain de 2016 et 2017. À l’issue de ce verdict, les accusés avaient été condamnés à des peines de prison allant jusqu’à vingt ans pour certains d’entre eux.

La publication de M. Radi sur Twitter évoque le juge de la cour d’appel en charge du dossier, Lahcen Talfi, en ces termes : « Bourreau de nos frères, souvenons-nous bien de lui. Dans beaucoup de régimes, les petits bras comme lui sont revenus supplier après, en prétendant “avoir exécuté des ordres”. Ni oubli ni pardon avec ces fonctionnaires sans dignité. » Ce sont ces propos qui ont officiellement mené à sa convocation jeudi par la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) qui l’a déféré dans la même journée devant le procureur du roi. Ce dernier a décidé de le placer en détention en vertu de l’article 263 du code pénal, qui prévoit des peines allant de un mois à un an de prison pour « outrage à magistrat ». Le soir même, M. Radi a comparu devant le tribunal de première instance de Casablanca. Ses avocats ont demandé sa remise en liberté provisoire. Sans succès. La requête a été rejetée et une audience prochaine fixée à la date du 2 janvier.

« En une journée, entre 9h et 19h, Omar Radi a eu droit à un interrogatoire, une comparution devant le procureur et une autre devant le juge du tribunal de première instance de Casablanca », s’insurge Soufiane Sbiti, journaliste et ancien collègue du détenu.

Le cas de Omar Radi fait écho à celui de Hajjar Raissouni, journaliste condamnée en septembre dernier à un an de prison ferme – avant d’être graciée par le roi – pour relations sexuelles en dehors des liens du mariage et avortement.

Pour l’un comme pour l’autre, les autorités ont fait valoir le droit pénal pour justifier leurs poursuites. Si le code de la presse marocain s’est vu dépouillé de toutes les peines de prison en 2016, le pouvoir le contourne en attaquant les journalistes sur la base de motifs étrangers à l’exercice de leur métier.


(Lire aussi : « Le pouvoir marocain utilise la justice comme moyen de pression sur les journalistes »)


« Plusieurs journalistes ont été poursuivis en justice sur la base du code pénal et non pas du code de la presse. Or, il semble clair que ce qu’on leur reprochait, c’était leur journalisme et leurs critiques du gouvernement », explique à L’Orient-Le Jour Ahmad Benchemsi, directeur de la communication et du plaidoyer au sein du département Moyen-Orient Afrique du Nord de l’organisation internationale Human Rights Watch. « Ce n’était pas le motif d’inculpation, mais l’historique de ces journalistes et celui de l’État démontrent que c’est la critique du pouvoir qu’on leur reproche », poursuit-il.

« Des journalistes sont, par exemple, poursuivis pour des affaires de mœurs ou de drogue. On essaye de ne pas attaquer directement leur travail. Jeudi, Omar Radi a comparu avec des criminels, des personnes poursuivies pour des crimes de droit commun », renchérit Soufiane Sbiti.

Les proches de Omar Radi s’inquiètent pour lui d’autant plus qu’il souffre de problèmes de santé. Selon la page officielle créée sur Facebook en soutien au journaliste, ce dernier aurait consulté un médecin à la prison d’Oukacha, basée à Casablanca, et pu accéder à une partie de ses médicaments. Il semble néanmoins que sa famille n’ait pas obtenu l’autorisation de lui rendre visite avant le 1er janvier 2020.

Pour Soufiane Sbiti, le placement en détention de Omar Radi a un but, celui de l’intimider. « Omar est connu pour ses grandes enquêtes, pour sa couverture des différents mouvements sociaux. Il est aussi connu pour être assez critique sur les réseaux sociaux. Récemment, il a critiqué le discours du roi et le modèle de développement qu’il veut instituer », explique-t-il.

Le Maroc connaît depuis quelques années une vague de répression intense visant les journalistes et les opinions dissidentes. Selon le classement mondial de la liberté de la presse établi pour l’année 2018 par Reporters sans frontières, le Maroc occupe la 135e place sur 180. Le jour de la comparution de M. Radi, le tribunal de première instance de Settat a condamné à quatre ans de prison ferme le youtubeur Mohammad Sekkaki pour une vidéo au motif qu’elle comprendrait des « injures à l’encontre des citoyens marocains et des propos touchant à leur dignité et à leurs institutions constitutionnelles ».


(Lire aussi : Un an de prison ferme pour une journaliste jugée pour « avortement illégal »)


Sept journalistes ont été accusés en 2016 d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État et de manquement au devoir de signaler des financements étrangers. En ligne de mire ? Leur promotion du journalisme citoyen. Durant l’hiver 2017, l’organisation Amnesty International pointait du doigt des cas de torture de militants du mouvement populaire – ou Hirak – qui a vu le jour dans le Rif en octobre 2016 et dont les revendications se voulaient d’abord économiques et sociales.

Selon un communiqué publié par l’Association marocaine des droits humains le 16 décembre dernier, le Maroc assiste au retour d’une nouvelle vague de procès d’opinion sous couvert de lutter contre les « atteintes aux sacralités ». La période actuelle ressemblerait à celle qui a précédé le mouvement du 20 février 2011, quand un grand nombre de civils ont été emprisonnés ou inculpés sous ce chef d’accusation. Toujours selon le communiqué, le pays assisterait actuellement à un renouvellement des méthodes de répression d’avant 2011, la période la plus violente pour les droit humains depuis plusieurs années.

« Durant la première décennie des années 2000, il y avait un environnement qui permettait de dire certaines choses, bien que la liberté de la presse ait été toute relative, puisqu’il y avait des poursuites contre les journalistes », résume Ahmad Benchemsi. « À partir du milieu ou de la fin des années 2000, les choses ont commencé à se dégrader. Cette dégradation est un long processus qui nous amène à la situation actuelle », poursuit-il.

Pour Soufiane Sbiti, la critique plus ouverte du roi sur les réseaux sociaux joue un rôle dans le caractère sans précédent de la répression actuelle. « La plupart des chaînes nationales suppriment les commentaires sous les vidéos YouTube », dit-il.

« Sur les réseaux sociaux, on commence à critiquer le roi plus ouvertement et cela constitue un changement par rapport à il y a 4-5 ans. Mais la critique directe du roi n’est pas nouvelle. C’est quelque chose qui a atteint son apogée au milieu des années 2000, et puis qui a beaucoup reculé parce que la presse a subi des attaques féroces. Aujourd’hui, il y a des gens qui prennent la parole plus librement sur ces réseaux, mais on constate que l’État n’a aucune tolérance envers cela et que les gens vont en prison pour avoir exprimé leur opinion librement », conclut M. Benchemsi.


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commentaires (1)

IL FAUT QUE CES PRATIQUES ILLEGALES CESSENT. LA LIBRE EXPRESSION EST SACREE TANT QU,ELLE S,EXPRIME CLAIREMENT ET NETTEMENT ET DISE DES VERITES.

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 32, le 28 décembre 2019

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Commentaires (1)

  • IL FAUT QUE CES PRATIQUES ILLEGALES CESSENT. LA LIBRE EXPRESSION EST SACREE TANT QU,ELLE S,EXPRIME CLAIREMENT ET NETTEMENT ET DISE DES VERITES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 32, le 28 décembre 2019

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