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À La Une - Liban

La situation dérape à nouveau rue Weygand, dans le centre-ville de Beyrouth

La ministre sortant de l'Intérieur évoque la présence d'"infiltrés" parmi les manifestants.

La rue Weygand, dans le centre-ville de Beyrouth, dimanche soir.. Photo An-Nahar.

A la veille des consultations parlementaires contraignantes que doit mener le chef de l’État Michel Aoun pour désigner un nouveau Premier ministre, et au lendemain de violents affrontements nocturnes entre manifestants et forces de l'ordre dans le centre-ville de Beyrouth, de nombreux libanais se sont rassemblés, notamment dans le centre-ville de Beyrouth, en réponse aux appels à manifester pour la "dignité, lancés sur les réseaux sociaux. Après plusieurs heures d'un rassemblement pacifique, la situation a dérapé aux alentours de 20h30.

Certains manifestants ont, alors, lancé des projectiles sur la police qui se trouvait aux abords de la place de l’Étoile, dans le centre-ville de Beyrouth, a rapporté notre journaliste sur place, Matthieu Karam. Les forces de l'ordre ont  répliqué en tirant, dans un premier temps, des bombes assourdissantes pour disperser les manifestants. Ont suivi des bombes lacrymogènes et des jets d'eau. Vers 22, la rue Weygand se vidait, tandis que les ambulances sillonnaient la zone.

Des partisans du chef du parlement et mouvement Amal, Nabih Berry, sont également venus rue Weygand pour s'en prendre aux manifestants.


"C'est la pire journée depuis le début du mouvement de contestation", affirme Habib qui se trouve dans une tente sur la place des Martyrs. Les bombes lacrymogènes tirées rue Weygand sont "arrivées jusqu'ici", ajoute-t-il. Selon lui, une des bombes a atteint la tente où des repas sont préparés pour les manifestants. La tente a pris feu.

"Au moins 300 jeunes en provenance de Khandak el-Ghamik ont tenté d'entrer sur la place des Martyrs mais cette tentative a été avortée par les forces de l'ordre", ajoute-t-il, précisant toutefois que, vers 23h30, la situation demeurait instable. Selon lui, les forces de l’ordre cherchent à évacuer la place de toute présence de manifestants. "Mais nous tenons bon", assure-t-il.


“Il est clair qu’il y a des infiltrés parmi les manifestants, ils provoquent les forces de sécurité pour obliger les forces anti-émeute à riposter", a déclaré, dans la soirée, la ministre sortante de l'Intérieur, Raya el-Hassan, à la MTV. "J’appelle les manifestants pacifiques à quitter les lieux pour qu’aucun d’eux ne soit blessé”, a ajouté la ministre. "Nous n’avons pas encore avec précisions d'où viennent ces personnes. Mais nous savons qu’ils viennent de différentes régions libanaises", a-t-elle encore dit.

Dans la nuit de dimanche à lundi, autour de minuit et demi, les affrontements se poursuivaient entre un  groupe de manifestants et les forces de l'ordre, dans le centre-ville de Beyrouth, du côté de la maison des Kataëb.

Vers minuit, la défense civile a annoncé, sur son compte twitter, que ses membres étaient venus au secours de dizaines de personnes blessées dans le centre-ville de Beyrouth. Selon la défense civile qui ne précise pas si ces personnes sont des manifestants ou des membres des forces de l'ordre, certaines d'entre elles ont été évacuées vers des hôpitaux de la région. D'autres ont été soignées sur place.

A Saïda, les manifestants très en colère en raison de la recrudescence de la violence à Beyrouth ont jeté des pétards sur les bâtiments d’Électricité du Liban et de la compagnie de télécoms Ogero dans la ville, rapporte notre correspondant sur place Mountasser Abdallah. Plus tôt dans la journée, plusieurs centaines de manifestants s'étaient retrouvés sur la place Élia. Ils ont bloqué les routes avec des pneus enflammés jusqu'à l'intervention de l'armée qui a par la suite rouvert les voies.


Un rassemblement pacifique pendant plusieurs heures

C'est en fin d'après-midi, que les manifestants s'étaient retrouvés rue Weygand, à l'endroit même où avaient été brutalement réprimés, la veille, des manifestants, dix fois moins nombreux qu'hier.

Pour éviter les dérapages, une ligne de femmes avait été formée entre les manifestants et les forces de l'ordre, à l'entrée d'un des accès au Parlement. "Nabih Berry est un voleur, Nabih Berry est un voyou" et Saad "Hariri ne rêve pas de devenir à nouveau Premier ministre", criaient les manifestants. Ils ont aussi proféré des insultes à l'encontre du chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil. 


Photo Matthieu Karam.


"Le message derrière la violente répression de samedi soir, visait à dire aux manifestants : on vous a laissé jouer pendant deux mois, il est temps de déguerpir et de nous laisser faire", déclarait André, la cinquantaine, dimanche soir, à notre correspondante sur place Nada Merhi.

“Ce qui s’est passé samedi avait pour objectif d’intimider les gens. Peut être qu’ils pensaient que les gens allaient avoir peur et ne descendraient pas protester à nouveau, mais ce n’est pas le cas, la révolution doit continuer”, disait de son côté Lise. "Nous allons rester sur les routes, il n’est pas permis que nous revenions à la phase d'avant le 17 octobre (date du début du mouvement de contestation), nous ne reculerons pas”, renchérissait Chérine.




Imad Osman sur place 

En début de soirée, le directeur des Forces de sécurité intérieure, le général Imad Osman, s'est rendu sur place et a indiqué que dès le premier jour du mouvement de contestation il a publié un communiqué affirmant qu'agresser les forces de sécurité était interdit et demandant que le mouvement reste pacifique. Il a aussi rappelé que la loi leur impose de protéger les institutions. "Je suis venu ici pour dire aux militaires que ces manifestants sont nos parents, a-t-il également déclaré. Il relève de notre responsabilité d'empêcher les actes de violences et je demande aux manifestants de donner l'exemple au monde entier, nous les protégeons par la loi et la Constitution". "Gardez le mouvement pacifique", a-t-il encore dit. 

L'appel à la manifestation de dimanche avait été lancé dès samedi soir, après une nuit de violences contre les manifestants. "16h, manifestation pour la dignité, manifestation pour la paix, manifestation pour l'égalité, manifestation pour le droit de vivre et laisser vivre. Place des Martyrs, Beyrouth", pouvait-on lire dès samedi soir sur le compte Instagram Daleel Thawra, qui publie quotidiennement un calendrier des événements qu'organise le mouvement populaire, né le 17 octobre, date du début de la contestation populaire qui marque son deuxième mois.

Après des accrochages, dans samedi après-midi, entre les forces de l'ordre et des jeunes anti-révolte venus vraisemblablement du quartier de Khandak el-Ghamik, bastion de Amal et du Hezbollah, les forces de l'ordre ont violemment réprimé, en soirée, les manifestants rassemblés devant un accès menant au parlement, dans la rue Weygand. Des dizaines de personnes, ainsi que des agents des forces de l'ordre, ont été blessés.

C'est à grand renfort de gaz lacrymogènes, dans une réaction disproportionnée étant donné le caractère limité de la manifestation, que les forces de l'ordre ont cherché, des heures durant, à dégager les manifestants du centre-ville. Alors que la ministre de l'Intérieur a annoncé l'ouverture d'une enquête sur ces violences, l'ONU a déclaré être " très perturbé" par les événements de la veille.


(Lire aussi : « Pourquoi ? » : les manifestants consternés, dans le centre-ville de Beyrouth, par la violence de la répression)


Permanence du CPL saccagée

Dans la nuit de samedi à dimanche autour de minuit, de nouveaux accrochages ont eu lieu dans le secteur du Parlement. Des hommes au visage masqué ont jeté des pierres en direction de la police anti-émeute, déployée rue Weygand, deux heures après que l'armée libanaise ait autorisé les contestataires à revenir dans le centre-ville de Beyrouth. Vers 2h, les accrochages se sont déplacés vers le secteur de Saïfi, devant le siège central du parti Kataëb du député Samy Gemayel. Les forces de l'ordre ont alors tiré de nombreuses grenades lacrymogènes pour disperser les protestataires. Les policiers ont également fait usage de canons à eau, avant que le calme ne revienne vers 3h. "Les portes de la maison des Kataëb sont ouvertes à tous les blessés", avait affirmé en soirée le chef des Kataëb.

Dans la nuit de samedi à dimanche, des inconnus ont par ailleurs saccagé une permanence du Courant patriotique libre de Gebran Bassil dans la localité Jdeidit al-Joumé, dans le Akkar au Liban-Nord, cassant la baie vitrée du bureau et incendiant les locaux avant de prendre la fuite vers 3h du matin, selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle). Gebran Bassil, qui dirige ce parti fondé par Michel Aoun, est l'un des responsables les plus conspués par les manifestants anti-pouvoir.

Photo ANI

Une permanence du Courant du Futur de Saad Hariri a également été saccagée par des inconnus dans la nuit de samedi à dimanche, dans la localité de Khreibeit al-Joundi, également dans le Akkar. Les individus ont cassé une porte arrière avant de mettre le feu à la permanence. Une enquête est en cours. Le CPL et le Futur ont chacun condamné les attaques contre leurs permanences.

Toujours dans le Nord, des manifestants ont bloqué en matinée l'autoroute de Halba à l'aide de ferraille et de pneus non brûlés, laissant uniquement passer les véhicules militaires, les ambulances et les cas urgents. Les routes intérieures de la ville restaient toutefois praticables.


Quatre-vingt dix blessés

Selon un bilan définitif de la journée de samedi donné par la Défense civile, 90 personnes ont été blessées lors de ces affrontements. Cinquante-quatre ont été soignées sur place, alors que 36 autres ont été hospitalisées. 


La Croix-Rouge libanaise a de son côté annoncé avoir transporté 15 blessés vers des hôpitaux et soigné 37 personnes sur place, selon un nouveau bilan communiqué à l'AFP par un responsable de l'organisation Rodney Eid. L'organisation avait rapporté samedi soir des cas d'évanouissement, des blessés souffrant de difficultés respiratoires et d'autres touchés par des jets de pierres. Les blessés étaient des civils mais aussi des membres des forces de sécurité.

Les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont pour leur part déploré 23 blessés dans leurs rangs, dont trois officiers qui ont dû être hospitalisés. "De nombreux autres agents blessés ont été traités sur place", ajoute la police.


Les manifestations de masse qui secouent le Liban pour dénoncer une classe politique accusée de corruption et d'incompétence se tiennent généralement dans le calme. Mais ces dernières semaines, les accrochages se sont multipliés. A plusieurs reprises, des partisans du Hezbollah et d'Amal s'en sont pris à des rassemblements de la contestation, à Beyrouth, mais aussi à Tyr et Baalbeck, deux grands bastions des partis chiites. Cette semaine, l'armée et la police ont aussi eu recours à la force pour disperser les contestataires, notamment à Jal el-Dib.


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commentaires (7)

HB, Berry et CPL continuent leur manège de lâcher leurs voyous à la veille de chaque consultations contraignantes. C’est quoi le message au fait. C’est pour faire comprendre aux libanais que les décisions qui seront prises par HN ne sauraient être contestées sinon voilà ce qui les attend? Faites-nous peur. On tremble... Non mais sérieux ils croient que leur manège va faire reculer les citoyens et ils vont s’agenouiller ou rentrer chez eux et renoncer à notre pays? C’est quoi la suite? Qu’ont ils comme autres alternatives que la terreur et la violence auxquelles nous nous sommes déjà accommodées et auxquelles nous saurons faire face. C’est quoi leur projet? Ils n’ont qu'à l’annoncer clairement, nous leur dirons si nous serons d'accord ou pas. Au lieu d’envoyer ses sbires il peut discuter nous ne sommes pas des animaux nous, nous sommes pour le dialogue verbal et pour le débat national entre citoyens civilisés. Il faut arrêter ses méthodes moyenâgeuses qui ne mèneront qu’au pire.

Sissi zayyat

00 h 29, le 16 décembre 2019

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Commentaires (7)

  • HB, Berry et CPL continuent leur manège de lâcher leurs voyous à la veille de chaque consultations contraignantes. C’est quoi le message au fait. C’est pour faire comprendre aux libanais que les décisions qui seront prises par HN ne sauraient être contestées sinon voilà ce qui les attend? Faites-nous peur. On tremble... Non mais sérieux ils croient que leur manège va faire reculer les citoyens et ils vont s’agenouiller ou rentrer chez eux et renoncer à notre pays? C’est quoi la suite? Qu’ont ils comme autres alternatives que la terreur et la violence auxquelles nous nous sommes déjà accommodées et auxquelles nous saurons faire face. C’est quoi leur projet? Ils n’ont qu'à l’annoncer clairement, nous leur dirons si nous serons d'accord ou pas. Au lieu d’envoyer ses sbires il peut discuter nous ne sommes pas des animaux nous, nous sommes pour le dialogue verbal et pour le débat national entre citoyens civilisés. Il faut arrêter ses méthodes moyenâgeuses qui ne mèneront qu’au pire.

    Sissi zayyat

    00 h 29, le 16 décembre 2019

  • Les premiers que l’anarchie n’arrange pas c’est bien nos amis du Hezbollah et de Amal . Nous autres avons tout perdu alors toujours se méfier de ceux qui n ‘ont plus rien à perdre . Les dirigeants qui poussent ces manifestations au sabotage en introduisant des éléments incontrôlés sont les mêmes qui poussent ces jeunes vers leur perte car dans toutes les régions du Liban il n’existe plus de problème de confession entre les Libanais car c’est devenu une lutte des classes !

    PROFIL BAS

    00 h 15, le 16 décembre 2019

  • Il ne faut surtout pas être angéliques et ne pas croire que des agents étrangers ont arrosé quelques libanais de leurs dollars pour participer en catimini à ce jeu terrible .

    Chucri Abboud

    23 h 38, le 15 décembre 2019

  • “Il est clair qu’il y a des infiltrés parmi les manifestants, ils provoquent les forces de sécurité pour obliger les forces anti-émeute à riposter" C'est certainement vrai. Mais pourquoi les forces de sécurité en profitent- elles pour frapper ceux qui - dans leur immense majorité - sont restés calmes. On a l'impression d'un plan prémédité par le pouvoir pour intimider les manifestants.

    Yves Prevost

    23 h 37, le 15 décembre 2019

  • Bravo à ce peuple courageux et perspicace. Honte à ceux qui l'oblige à descendre dans la rue alors qu'eux continuent à mener une vie normale. Le pouvoir abrutit et déshumanise.

    Citoyen

    18 h 56, le 15 décembre 2019

  • Il faut garder le calme dans un pays qui risque de s'effondre .

    Antoine Sabbagha

    18 h 36, le 15 décembre 2019

  • COMME LES ABRUTIS CORROMPUS ET INCOMPETENTS TRAITENT LA CONTESTATION AVEC M,ENFOUTISME ILS LA TRANSFORMENT EUX-MEMES EN UNE VRAIE REVOLUTION. IL FAUT QU,ILS DEGAGENT ET LE PLUS VITE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 35, le 15 décembre 2019

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