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Liban - Diplomatie

À la veille de la réunion du GIS,Paris exhorte le pouvoir à « prendre conscience de l’appel de la rue »

Jean-Yves Le Drian appelle à la formation rapide « d’un gouvernement qui puisse engager les réformes dont le pays a besoin ».

Au niveau de la rue Kantari, de jeunes manifestants ont bloqué hier soir la route pour protester contre le fait que le pouvoir reste complètement sourd à leurs revendications, alors que le soulèvement populaire est sur le point d’entamer sa neuvième semaine. Photo Marwan Assaf

À la veille de la réunion du Groupe international de soutien au Liban (GIS), attendue aujourd’hui à Paris, et à l’heure où le pouvoir en place fait sciemment la sourde oreille aux manifestants plaidant pour la formation d’un gouvernement de spécialistes indépendants, c’est le chef de la diplomatie française, Jean Yves Le Drian, qui s’est invité dans la partie, appelant à ce que la future équipe ministérielle soit formée rapidement et que les demandes des protestataires soient écoutées.

S’exprimant lors d’une conférence de presse conjointe avec le haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Josep Borrel, M. Le Drian n’a pas manqué de critiquer les autorités libanaises et leur attitude à l’égard du mouvement protestataire qui secoue le pays depuis le 17 octobre. Il a également tancé le retard mis à former la nouvelle équipe ministérielle. « Le but (de la réunion du Groupe international de soutien au Liban) est d’inciter les autorités libanaises à prendre conscience de la gravité de la situation et de leur proposer d’avancer vers les réformes (…) mais aussi de prendre conscience de l’appel de la rue et des Libanais qui manifestent régulièrement depuis le 17 octobre », a déclaré M. Le Drian, avant de poursuivre : « Il s’agit d’un mouvement de contestation qui s’installe dans la durée et qu’il faut écouter. »

Selon le ministre français des Affaires étrangères, « il faut faire en sorte que les autorités libanaises puissent aboutir à former un gouvernement rapidement parce que tout retard va continuer à aggraver la situation ; un gouvernement qui puisse engager les réformes dont ce pays a besoin ».

À l’heure où certains milieux libanais s’attendent à des aides financières de la part de la communauté internationale à l’issue de la réunion de Paris, Jean-Yves Le Drian n’a pas mâché ses mots en critiquant le manquement du pouvoir en place à ses engagements, pris lors de la conférence de Paris d’avril 2018 (CEDRE). « Nous nous étions déjà réunis en avril 2018 à l’initiative de la France avec de nombreux acteurs dans le cadre de la conférence et nous avions mobilisé des montants significatifs d’aides financières sous réserve que les réformes nécessaires puissent être mises en œuvre et constatées », a-t-il poursuivi. Et le ministre français d’ajouter : « Pour l’instant, nous en sommes restés là, puisque ni les réformes ni la stabilité n’ont été au rendez-vous. » « C’est donc un appel fort que nous allons formuler demain (aujourd’hui) à destination de ceux qui peuvent agir pour que le Liban puisse retrouver la stabilité », a conclu Jean-Yves Le Drian.

Il va sans dire qu’à travers ces propos critiques à l’égard du pouvoir libanais, le chef de la diplomatie française exprime un appui au mouvement de contestation, mais aussi et surtout au Premier ministre démissionnaire, Saad Hariri. Ce dernier presse, depuis sa démission le 29 octobre, pour que voie le jour un cabinet de spécialistes indépendants, capable de redresser le pays et son économie moribonde. Conscients de ce soutien international, les milieux haririens contactés par L’Orient-Le Jour se contentent toutefois d’assurer que le Premier ministre sortant campe sur sa position et renvoie la balle dans le camp des protagonistes locaux qui ne facilitent pas la mise sur pied d’un cabinet.


(Lire aussi : Un appel à la formation d'un gouvernement au Liban sera lancé mercredi à Paris)

Aide financière ?

Outre la question de la formation du prochain gouvernement, les propos de M. Le Drian sont notables dans la mesure où ils prouvent, une fois de plus, que toute aide internationale au Liban semble conditionnée par une sérieuse mise en application des réformes économiques exigées par la communauté internationale. Une position que les participants à la réunion de Paris devraient réitérer à l’issue de leur meeting. Dans certains milieux proches des participants à la réunion du GIS, on croit savoir que ces derniers devraient en principe souligner le besoin pour le Liban d’adopter un train de réformes économiques qu’opérerait un gouvernement crédible qui répondrait aux aspirations des manifestants et qui inspirerait confiance aux partenaires internationaux du Liban.

De source bien informée, on apprend toutefois que le Liban pourrait bénéficier d’un important dépôt financier si un gouvernement répondant aux doléances du peuple parvenait à voir le jour rapidement.

De même source, on s’attend à ce que les pays membres du GIS se félicitent de l’attitude des services de sécurité, notamment l’armée, depuis le début du mouvement contestataire, et exhortent les autorités libanaises à préserver la liberté d’expression de tous les citoyens.

Souci de transparence

En attendant la tenue de la réunion du GIS, c’est surtout un souci de transparence qu’ont reflété certaines prises de position exprimées hier, à 24 heures de la réunion.

À la lumière de la mauvaise expérience des autorités en matière de réformes économiques, le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt a estimé sur son compte Twitter que « la réunion de Paris est probablement la dernière chance qui se présente au Liban pour freiner le déclin, si ce n’est l’effondrement », rappelant que « les réformes, à commencer par l’électricité, sont la condition première de la réunion ». « Le PSP avait appelé à la réforme de ce secteur bien avant le début de la révolte », a ajouté le leader druze.

À leur tour, plusieurs ONG et collectifs au Liban comme à l’étranger se sont mobilisés, notamment sur les réseaux sociaux, pour mettre en garde contre l’octroi d’une nouvelle aide au Liban avant la formation d’un nouveau gouvernement et l’application des réformes tant attendues. À titre d’exemple, le Civic Influence Hub (CIH), une ONG dont l’action est axée sur la bonne gouvernance et l’établissement d’un État de droit, a insisté sur l’importance de lier toute aide au Liban à la formation d’un gouvernement et la mise en application d’un chantier de réformes. Dans un message adressé au GIS, l’ONG a rappelé qu’aucune mesure de redressement exigée dans le cadre du processus CEDRE n’a vu le jour et souligné que depuis la démission du cabinet Hariri, le pouvoir en place a échoué à initier le processus constitutionnel qui devrait paver la voie à la formation d’un nouveau cabinet. Et le CIH d’insister sur l’importance de mettre sur pied une équipe incluant « des personnalités crédibles et indépendantes sans affiliation aucune aux formations politiques qui ont assumé le pouvoir durant les quinze dernières années ».

Notons enfin que la réunion de Paris était au centre des entretiens du coordinateur spécial de l’ONU au Liban, Jan Kubis, avec le président de la Chambre, Nabih Berry, et le chef des Kataëb, Samy Gemayel.


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À la veille de la réunion du Groupe international de soutien au Liban (GIS), attendue aujourd’hui à Paris, et à l’heure où le pouvoir en place fait sciemment la sourde oreille aux manifestants plaidant pour la formation d’un gouvernement de spécialistes indépendants, c’est le chef de la diplomatie française, Jean Yves Le Drian, qui s’est invité dans la partie, appelant à ce...

commentaires (6)

Je pense de ce qui reste du gouvernement , ils font la sourde oreille

Eleni Caridopoulou

21 h 39, le 11 décembre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • Je pense de ce qui reste du gouvernement , ils font la sourde oreille

    Eleni Caridopoulou

    21 h 39, le 11 décembre 2019

  • Encéphalogramme neutre. LA HAYATAN LIMAN TOUNADI. Dépourvu de tous les sens dont tout un chacun jouit. Ils sont déclarés morts et les morts ne peuvent pas entendre. Il y a des présidents qui s'entêtent pour sortir leur pays d'un désastre annoncé et d'autres qui le font pour arriver au désastre longtemps programmé.

    Sissi zayyat

    12 h 34, le 11 décembre 2019

  • Le friand a pu parler de Paris complètement bloquée depuis 6 jours d'une grève générale paralysant le pays. Le Liban lui répond ecoutez les revendications du peuple français qui réclament plus de justice sociale au gouvernement Macron. La France dans notre région est plus un problème à cause du soutien qu'elle a apporté aux terroristes ici et là quelle ne se pense en solution à nos problèmes.

    FRIK-A-FRAK

    12 h 29, le 11 décembre 2019

  • Au regard de l'obstination de la coalition CPL-Amal-Hezbollah de s'accrocher au pouvoir au detriment des revendications de la population et de l'interet du pays, je crains que les "exhortations" de M. le Drian ne suffisent pas. J'espere me tromper.

    Tabet Ibrahim

    09 h 31, le 11 décembre 2019

  • "Paris exhorte le pouvoir à prendre conscience de l’appel de la rue". Position logique sauf que Macron est, en ce domaine, assez mal placé pour donner des leçons. La réponse du président français aux gilets jaunes avait été exactement la même que celle de son homologue libanais aux manifestants: "Je vous entends je vous comprends je vous approuve ... mais je n changerai rien!"

    Yves Prevost

    07 h 18, le 11 décembre 2019

  • LE POISON MORTEL QUI ENVENIME ET TUE LE PAYS NE LAISSERA MALHEUREUSEMENT PAS DE CHANCE A PHENIX DE RESSUSCITER DE SES CENDRES. TEL EST L,ORDRE DE SES SEIDES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 30, le 11 décembre 2019

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