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De vols et de viols

Y a-t-il un commandant dans le cockpit ? Ce qui est certain, mais guère plus rassurant, c’est que le copilote, lui, ne sommeille pas, qu’il est vissé aux commandes et veille au grain.

C’est ce personnage en effet qui, prenant d’autorité la direction des opérations, nous annonçait, il y a quelques jours, un prochain et salutaire atterrissage. Qui traçait le portrait du nouveau chef du gouvernement, allant jusqu’à en énoncer, par avance, le programme. Qui, dans un bel élan d’abnégation, renonçait à tout portefeuille ministériel dans l’intérêt suprême de la nation. Là, toutefois, est la meilleure : qui enfin, dans un tintamarre de casseroles collectionnées au fil d’une gestion riche en bricolages et autres solutions de fortune, se félicitait de la guerre ainsi déclarée à… la corruption.


Par-delà leur incroyable outrecuidance, les gesticulations de Gebran Bassil, dauphin en exercice d’un régime en crise, ne sont autre chose en réalité qu’un viol à répétition. Première victime : la Constitution de Taëf, qui fait obligation au chef de l’État (car l’éventualité d’un suppléant de facto n’est jamais venue à l’esprit du législateur !) de procéder en premier lieu à des consultations parlementaires, le choix d’un Premier ministre étant déterminé par la majorité des vœux exprimés. C’est donc à une tentative de retour à un système quasi présidentiel qu’équivaut ce projet de gouvernement (pré)fabriqué dans les salons du palais de Baabda. Se trouve ainsi escamoté le rôle, pourtant central, des membres du Parlement, dont on présume des vœux de manière aussi cavalière. Particulièrement atteint cependant, dans ce rassemblement de leaders sectaires qu’est le pouvoir au Liban, est le poste de Premier ministre. Celui-ci est en effet dévolu à un nouveau venu dans la politique, apparemment réceptif à toutes les consignes mais dépourvu – du moins pour l’heure – du franc soutien des instances sunnites.


Décisive sera la position définitive du Premier ministre démissionnaire, savamment différée jusqu’à la veille des consultations, prévues pour lundi. Étreignant, il y a quelques jours, le candidat Samir Khatib, Saad Hariri ne cherchait-il au fond qu’à mieux étouffer toute succession ? Laissera-t-il au contraire l’imprudent faire figure de triste syndic d’une faillite annoncée ?


Ce n’est là cependant qu’une partie de la question ; c’est à la rue en effet que reviendra le dernier mot et il ne saurait en être autrement, à l’heure où la classe dirigeante affiche un tel mépris de la volonté populaire. Car non seulement la dernière fantasmagorie des stratèges de Baabda est une brassée d’hérésies constitutionnelles et d’entorses à ce même esprit du pacte national dont ils n’ont cessé de se prévaloir dans le passé. Non seulement ce projet de gouvernement baptisé techno-politique ne satisfait aucune des revendications de la révolution. Non seulement veut-on faire obstacle, à l’aide de complaisants ministres écrans, à toute possibilité d’ouvrir enfin ces placards à squelettes que sont les départements écumés par les prévaricateurs. Mais c’est surtout l’intelligence des citoyens qui se trouve insultée à chaque fois que le médiocre illusionniste du parti présidentiel escompte faire impression en sortant de son chapeau un lapin mort-né.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Y a-t-il un commandant dans le cockpit ? Ce qui est certain, mais guère plus rassurant, c’est que le copilote, lui, ne sommeille pas, qu’il est vissé aux commandes et veille au grain. C’est ce personnage en effet qui, prenant d’autorité la direction des opérations, nous annonçait, il y a quelques jours, un prochain et salutaire atterrissage. Qui traçait le portrait du nouveau chef...