La petite phrase du député Mohammad Raad, chef du bloc parlementaire du Hezbollah, est passée pratiquement inaperçue. Pourtant, l’homme pèse chacun de ses mots et il ne peut pas être accusé d’impulsivité. M. Raad a donc déclaré il y a trois jours que « ce que nous vivons actuellement est aussi grave que la guerre de 2006 ». Dans la bouche de Mohammad Raad, cela signifie que le Hezbollah considère désormais le mouvement de protestation populaire comme une guerre menée contre lui, mais avec de nouvelles méthodes dites « douces ». C’est la première fois qu’un haut responsable du parti chiite s’exprime ainsi au sujet de la révolte populaire déclenchée le 17 octobre.
Au contraire, au début du mouvement, le Hezbollah était partagé en deux courants : le premier tendait à considérer la révolte comme étant une réaction populaire pure et bienvenue face à une situation inacceptable et à des décisions gouvernementales inconscientes. Pour ce courant, le mouvement était donc parfaitement justifié. Le second courant restait, lui, méfiant et considérait que le mouvement, en dépit des raisons objectives qui l’ont provoqué, ne pouvait pas être totalement indépendant et est probablement lié au bras de fer qui se joue entre les États-Unis et leurs alliés, d’une part, et les Iraniens et leurs alliés, de l’autre.
Dans les cercles fermés du Hezbollah, le débat sur ce sujet était permanent et souvent très animé, les partisans de la théorie du complot contre l’Iran et ses alliés se basant essentiellement sur la concomitance des protestations populaires en Irak, en Iran et au Liban. Ils demandaient ainsi au commandement du Hezbollah de réagir au plus vite. Alors que le camp opposé conseillait de ne pas adopter une position hostile à la révolte populaire, puisque celle-ci est dirigée contre la corruption quasi généralisée au sein de la classe politique et s’inscrit par conséquent dans la ligne d’action du parti chiite.
Pendant plus d’un mois, le commandement du Hezbollah a effectivement essayé de ne pas braquer le mouvement, tout en cherchant à se mettre plus ou moins à l’écart et en essayant de fixer des lignes rouges aux protestataires pour qu’ils ne s’en prennent pas à ses dirigeants. Le souci principal du Hezbollah était donc dans un premier temps d’absorber le mouvement et de l’empêcher de s’étendre au sein de son environnement populaire.
Mais au fil des jours, et en suivant les développements régionaux et internationaux, le Hezbollah a nuancé sa position. De plus en plus de cadres au sein du parti ont été convaincus du fait qu’il s’agit d’un mouvement essentiellement dirigé contre la formation et contre les rapports de force établis au Liban depuis les dernières élections législatives en mai 2018. Tout en reconnaissant que le gouvernement démissionnaire ne s’est pas montré efficace et qu’il a multiplié les décisions maladroites et inappropriées, surtout face à la crise économique et sociale, comme s’il était totalement coupé des réalités du quotidien des Libanais, le Hezbollah a commencé à se poser les questions suivantes : pourquoi dès les premiers balbutiements du mouvement, de Machta Hassan au Akkar, à la frontière syrienne, jusqu’à Aïta Chaab à la frontière sud du Liban, les manifestants ont scandé les mêmes slogans et utilisé la même terminologie, se qualifiant immédiatement de « révolutionnaires » ? D’où vient cette soudaine unification des slogans et des comportements, alors que les manifestants ne se connaissaient pas entre eux ?
Comment se fait-il aussi que dès le départ, les slogans les plus violents étaient dirigés contre le ministre des Affaires étrangères et contre le chef de l’État, épargnant des figures connues et soupçonnées d’être corrompues ? Pourquoi depuis le début, y a-t-il eu de la part des manifestants cette insistance à fermer la route du Sud, vitale pour le Hezbollah et pour son environnement populaire ? Pourquoi aussi y avait-il une telle insistance de la part des médias locaux, régionaux et internationaux de mettre la lumière sur les manifestations dans les régions à majorité chiite (Nabatiyé, Tyr, Baalbeck) et sur les participants chiites au mouvement à la place Riad el-Solh et ailleurs ?
Toutes ces questions auraient pu rester des suppositions, mais ce sont surtout les déclarations régulières de responsables au sein de l’administration américaine qui ont poussé le Hezbollah à être de plus en plus convaincu de l’idée d’un complot dirigé contre lui, parce qu’il est considéré comme le pivot de la politique régionale de l’Iran. La déclaration du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu après sa conversation téléphonique avec le président américain Donald Trump dimanche dernier lorsqu’il a dit s’être entendu avec le président américain pour exploiter les protestations populaires au Liban en Irak, dans la lutte pour l’affaiblissement de l’Iran et de ses alliés dans la région, est venue compléter le tableau. D’ailleurs, depuis cette déclaration, des responsables américains tiennent chaque jour des propos qui vont dans le même sens, qu’il s’agisse du secrétaire d’État adjoint David Schenker ou de membres du Congrès. Pour le Hezbollah, il n’y a donc plus aucun doute sur une tentative de la part des Américains et de leurs alliés de profiter du mouvement populaire pour l’affaiblir politiquement et au niveau de son environnement chiite. Si le Hezbollah continue à faire une distinction entre les différents groupes du mouvement, il est désormais convaincu qu’une partie d’entre eux s’inscrit dans un agenda politique qui lui est hostile. Dans le huis clos des réunions, les cadres du parti dressent des plans à la fois pour tenter d’absorber certains groupes et pour donner un élan aux négociations politiques en vue d’une sortie de crise. Ce qui est sûr, c’est que les déclarations américaines et israéliennes ont donné au Hezbollah une nouvelle motivation pour tenter d’agir au plus vite.
commentaires (26)
Vous connaissez l'histoire de Yasaman la fille qui a ose d'enlever le niqab en Iran s'il vous plait 16 ans de prison j'ai signé pour sa libération, attention les Libanaises avec le Hezbollah !!!
Eleni Caridopoulou
11 h 56, le 08 décembre 2019