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Irresponsabilité criminelle

Liban, novembre 2019, des scènes dépassant tout entendement : un père de famille met fin à ses jours parce qu’il n’arrive plus à subvenir aux besoins de sa petite fille ; des dizaines, voire des centaines, de Libanais qui attendent leur tour des heures durant devant les guichets des banques pour implorer de pouvoir disposer ne fut-ce que d’une infime partie de LEUR argent ; une partisane aouniste qui lance avec furie et conviction, en direct sur l’une des chaînes locales, qu’à la droite de Dieu le Père est assis Michel Aoun (en lieu et place du Christ!) et à Sa gauche Gebran Bassil; le Hezbollah qui dénonce les tentatives de raviver les tensions confessionnelles (sic !), alors que quelques jours auparavant il avait lancé ses hordes de partisans sur le Ring pour tenter de mater le soulèvement en criant « chiites, chiites » et que ces mêmes hordes avaient effectué des incursions hargneuses et provocatrices à la rue Monnot et à Aïn el-Remmaneh…

D’un côté, un pays qui nage désormais dans les drames, la démence et l’effronterie la plus risible ; et de l’autre, des initiatives non violentes, citoyennes, artistiques, culturelles et humoristiques les plus innovatrices qui pullulent et jalonnent un mouvement de soulèvement, lequel a irrévocablement bouleversé la donne politique sur la scène locale. Durant les pires années de guerre, nous n’avions pas connu, de mémoire, un tel paysage surréaliste.

Gouverner c’est prévoir, dit le dicton populaire. À l’évidence… Sauf que nos dirigeants qui se sont succédé au pouvoir ces dernières années ignorent tout, visiblement, de cette maxime. Dépourvus de conscience humaine, ils n’ont pas su ou, pire, n’ont pas voulu voir la catastrophe poindre à l’horizon. Qualifier ces gens-là d’irresponsables serait faire preuve à leur égard de trop de bienveillance. Leur irresponsabilité est criminelle. Comment désigner autrement tous ceux qui étaient, dans les plus hautes sphères, en charge de la gestion des affaires de l’État mais qui se sont livrés massivement, plutôt, à un affairisme aveugle, concluant entre eux toutes sortes de marchés, se partageant des contrats juteux, dilapidant les fonds publics sans se soucier outre mesure dans le même temps des multiples problèmes de la vie quotidienne des Libanais ?

Comment qualifier, sinon d’irresponsables criminels, ceux qui ont longtemps considéré les administrations de l’État comme la poule aux œufs d’or placée au service de leurs partisans et de leur clientèle électorale, creusant de plus en plus au fil des ans le déficit budgétaire du fait d’une pléthore de fonctionnaires surnuméraires?

Comment classer sur l’échelle de l’éthique morale ceux qui ont été en charge au cours de ces onze dernières années du portefeuille de l’Énergie et qui n’ont rien fait pour juguler et réduire le « trou » de 2 milliards de dollars par an couverts par l’État à Électricité du Liban, alors que des régions entières s’approvisionnaient frauduleusement en courant électrique ?

Comment ne pas se soulever contre ceux qui régulièrement se livrent à des discours enflammés, déclarant la guerre à des pays qui traditionnellement apportaient une aide précieuse au pays en temps de crise économique ? Comment ne pas s’élever contre de telles diatribes haineuses qui ne pouvaient que faire fuir tout investissement étranger, plombant par le fait même l’économie nationale et réduisant à presque néant la croissance économique ?

Pour tous ceux-là, la « gestion » de la chose publique et la participation au pouvoir n’étaient perçues que sous l’angle d’une répartition de marchés contractuels sur base de procédures douteuses ou de la recherche d’une couverture légale à leur implication directe à des aventures guerrières transnationales non moins douteuses. Leur édifice commun est aujourd’hui sérieusement ébranlé, malgré leurs efforts désespérés de discréditer, de diaboliser et saboter le mouvement de révolte. Efforts vains, car il y a désormais un avant et un après 17 octobre 2019. La Rue, cette vaste nébuleuse insaisissable aux multiples tentacules, veille au grain, intraitable et imperturbable. Les irresponsables sortants ne pourront échapper à sa vigilance. Et, surtout, les futurs détenteurs de portefeuilles sensibles – ceux qualifiés de ministères de « service » – ne pourront à l’avenir se payer le luxe d’une négligence dans l’exercice de leur fonction.

La principale réalisation de ce mouvement de soulèvement aura sans doute été de s’être imposé comme acteur incontournable sur l’échiquier local. Reste à traduire cet acquis en une modification profonde de l’exercice du pouvoir afin que le souci de la chose publique soit désormais, réellement et concrètement, au centre de la gestion des affaires étatiques. Le navire Liban est en plein naufrage. Pour éviter qu’il ne coule définitivement, on ne peut se permettre de reprendre les mêmes aux commandes et recommencer.

Liban, novembre 2019, des scènes dépassant tout entendement : un père de famille met fin à ses jours parce qu’il n’arrive plus à subvenir aux besoins de sa petite fille ; des dizaines, voire des centaines, de Libanais qui attendent leur tour des heures durant devant les guichets des banques pour implorer de pouvoir disposer ne fut-ce que d’une infime partie de LEUR argent ; une...

commentaires (6)

S’agissant de la harangue de la partisane du CPL, il serait utile de remettre les choses à leur place. Dans l’évangile de Matthieu (25) il est dit : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, […] il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche... [Il] dira à ceux qui seront à sa droite : « Venez les bénis de mon Père [… et] dira à ceux qui seront à sa gauche : « Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits… » Conclusions : 1- Pour Aoun, je ne sais pas mais il y a un grand doute ; 2- Bassil ferait partie des boucs ; et 3- la partisane du CPL devrait sérieusement revoir son catéchisme. Sinon, l’anonymat génère l’irresponsabilité, qui génère l’impunité.

Illico Presto

19 h 09, le 03 décembre 2019

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Commentaires (6)

  • S’agissant de la harangue de la partisane du CPL, il serait utile de remettre les choses à leur place. Dans l’évangile de Matthieu (25) il est dit : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, […] il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche... [Il] dira à ceux qui seront à sa droite : « Venez les bénis de mon Père [… et] dira à ceux qui seront à sa gauche : « Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits… » Conclusions : 1- Pour Aoun, je ne sais pas mais il y a un grand doute ; 2- Bassil ferait partie des boucs ; et 3- la partisane du CPL devrait sérieusement revoir son catéchisme. Sinon, l’anonymat génère l’irresponsabilité, qui génère l’impunité.

    Illico Presto

    19 h 09, le 03 décembre 2019

  • M. Touma , c'est étonnant que ne voyiez que d'un seul œil une particule d'un grand monde en état d'effervescence tout en mélangeant pommes et poires .Quelle relation entre cette partisane du CPL et les catas qui s'abattent à coups de matraque sur le pays ?

    Hitti arlette

    14 h 29, le 03 décembre 2019

  • Notons la similarite ente le Hezbollah et le CPL :le culte de la personalite. Personne n'est indispensable et personne n'est au dessus de son pays.

    EL KHALIL ABDALLAH

    11 h 14, le 03 décembre 2019

  • le naufrage ,c'était avant! les citoyens ont repris la barre et meme si c 'est long et pénible ,ils redresseront le navire;que les oiseaux de mauvaise augure restent chez et attendent frileusement derière leurs fenetres!J.P

    Petmezakis Jacqueline

    09 h 59, le 03 décembre 2019

  • LES CRIS DU HEZBOLLAH CONTRE CEUX QUI RAVIVENT LES TENSIONS CONFESSIONNELLES SONT DE L,HYPOCRISIE ABJECTE. IL EN SONT AVEC AMAL LES DEUX INSTIGATEURS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 19, le 03 décembre 2019

  • Le Titanic du Liban chavire. D'ajournement en ajournement, les consultations semblent dans l'oubli. Aucune action n'est entreprise pour arrêter le naufrage.

    Esber

    08 h 16, le 03 décembre 2019

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