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Scan TV - Liberté d’expression

Le prix à payer au Liban lorsqu’on est une femme, journaliste et engagée

Une inscription taguant Dima Sadek sur les murs de Beyrouth. Capture d’écran

Dans ce mouvement de contestation inédit, le système patriarcal est, lui aussi, secoué. Les femmes, écartées de l’espace politique, monopolisé depuis des décennies par les hommes, envahissent désormais les rues, mènent elles aussi les manifestations et dénoncent sur les réseaux sociaux tout dérapage sexiste. L’affaire Dima Sadek en est la parfaite illustration. Au Liban, dans une quasi totale impunité, le traitement réservé aux femmes, jugées inférieures aux hommes, l’est non seulement dans les affaires matrimoniales mais également dans le domaine socio-politique.

Journaliste phare de la LBCI, pleinement engagée dans le mouvement de contestation, Dima Sadek a dû annoncer lundi soir, sur Twitter, sa démission de la chaîne. Cette jeune femme, qui n’a pas sa langue dans la poche, est constamment la cible des critiques de partisans du Hezbollah et du Courant patriotique libre (CPL).

Lorsqu’il s’agit d’une femme, on sort vite du registre politique. Une fois sa démission annoncée, les insultes et humiliations d’ordre sexiste ont fusé de tous bords, la traitant de « prostituée ». Des internautes l’ont même menacée de viol tout comme en juin dernier lors d’une violente campagne menée contre elle sur les réseaux sociaux : « Vous méritez qu’on vous viole. Y a-t-il quelqu’un de plus sale que vous ? » pouvait-on lire alors sur son compte Twitter.

Comment un public qui se respecte, et dont le parti politique prétend protéger les intérêts du pays et se présente comme le fer de lance de la sauvegarde des droits de la femme au Liban, peut-il se permettre ce genre de commentaires ? Pour quelles raisons une femme libanaise, qui utilise son droit d’exprimer ses opinions comme tout autre citoyen sur son compte privé, doit-elle subir une campagne de harcèlement touchant à son honneur ? En serait-il de même s’il s’agissait d’un homme ? Évidemment non ! « Mon numéro de téléphone a été diffusé, avec un appel aux internautes pour que je sois insultée de manière continue », avait révélé sur son compte Facebook la journaliste vedette dont les talk-shows sont souvent un espace d’échanges francs et audacieux.

Elle a publié par la suite des captures d’écran de certaines insultes reçues sur son téléphone. Subissant à son tour le même genre de harcèlement sur son propre compte, en raison des prises de position de sa fille, la mère de la journaliste a été hospitalisée, victime d’un malaise.

Toutefois, la question est d’ordre politique. Dimanche soir, lors de manifestations sur le Ring, son téléphone portable a même été volé. L’association Journalistes contre la violence a condamné le vol : « Il s’agit d’un plan visant à terroriser Mme Sadek, à s’informer sur son travail avec la LBCI ainsi que sur sa vie familiale et professionnelle », a indiqué l’association dans un communiqué. Selon elle, Les raisons de sa mise à l’écart par la chaîne LBCI, qu’elle a rejointe en 2011, sont politiques. « Chose que je n’accepte pas en temps de révolution ou n’importe quel autre temps », a-t-elle réagi sur son compte Twitter. « La direction a affirmé tenir à moi tout en maintenant ma mise à l’écart du direct. J’annonce ma démission de la LBCI. Merci », a-t-elle repris dans un long message diffusé sur son compte. Dans plusieurs tweets, la journaliste avait notamment révélé que le chef du CPL, également ministre sortant des Affaires étrangères et gendre du président Michel Aoun, Gebran Bassil, s’était installé au palais de Baabda. Elle avait aussi dévoilé après la démission du Premier ministre Saad Hariri que ce dernier avait proposé au chef de l’État une composition de gouvernement sans M. Bassil. Toujours selon elle, le président, qui aurait d’abord accepté la formule, l’a ensuite rejetée après s’être entretenu durant trente minutes avec son gendre. « Après ma mise à l’écart par la chaîne au sein de laquelle je travaille en raison d’une faute administrative, j’ai rencontré Pierre Daher (PDG de la LBCI) qui m’a expliqué que le problème concernait la nature de mes tweets, et il m’a demandé d’arrêter (les tweets) en me promettant mon retour. Sauf que ce retour s’est limité à une lecture des nouvelles. On me tenait complètement à l’écart des programmes politiques et mes tweets ont été placés sous surveillance. J’ai protesté. Puis mon téléphone portable a été volé lorsque je me trouvais sur la place du Ring et la chaîne a décidé d’arrêter la diffusion (en direct) sans s’enquérir de mon sort », explique-t-elle dans son message. Cependant, la journaliste a reçu plusieurs messages de soutien de ses collègues journalistes, mais toujours est-il que la situation reste préoccupante en tant que femme représentant toutes les femmes qui ont participé aux différents mouvements protestataires et qui ont elles aussi, de leur côté, été la cible de harcèlement de nature sexiste inadmissible sur les réseaux sociaux et sur certains plateaux télévisés ! Or pour la première fois dans l’histoire libanaise, les femmes sont très investies et tiennent à jouer un rôle de zone tampon primordial pour éviter tout accrochage pouvant faire dégénérer les choses. Lorsqu’une figure publique, à l’image de Dima Sadek, se fait harceler et est mise à l’écart pour avoir exprimé librement son opinion, c’est l’image de la femme libanaise qui est attaquée. Il est temps de tirer la sonnette d’alarme.



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Dans ce mouvement de contestation inédit, le système patriarcal est, lui aussi, secoué. Les femmes, écartées de l’espace politique, monopolisé depuis des décennies par les hommes, envahissent désormais les rues, mènent elles aussi les manifestations et dénoncent sur les réseaux sociaux tout dérapage sexiste. L’affaire Dima Sadek en est la parfaite illustration. Au Liban, dans une...

commentaires (2)

LBCI a fait preuve de lâcheté sans commune mesure. En écartant cette journaliste ils donnent l'autorisation à ses bourreaux de continuer à sévir sur les autres médias et par ce fait fait même de museler les libanais et la presse. Sauf si derrière cet acte il y a des enjeux financiers qui font qu'ils obéissent au doigt et àl'œil de ce régime pourri et là il s'agirait de conflits d'intérêts qui méritent d'être creusés. Du coups ils ne sont plus crédibles à nos yeux de spectateurs puisqu'ils sont vendus aussi .

Sissi zayyat

16 h 30, le 08 décembre 2019

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Commentaires (2)

  • LBCI a fait preuve de lâcheté sans commune mesure. En écartant cette journaliste ils donnent l'autorisation à ses bourreaux de continuer à sévir sur les autres médias et par ce fait fait même de museler les libanais et la presse. Sauf si derrière cet acte il y a des enjeux financiers qui font qu'ils obéissent au doigt et àl'œil de ce régime pourri et là il s'agirait de conflits d'intérêts qui méritent d'être creusés. Du coups ils ne sont plus crédibles à nos yeux de spectateurs puisqu'ils sont vendus aussi .

    Sissi zayyat

    16 h 30, le 08 décembre 2019

  • La femme est l'avenir de l'homme, et Dima Sadek l'avenir d'un Liban harmonieux

    F. Oscar

    11 h 43, le 01 décembre 2019

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