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Campus - PROTESTATIONS

La révolution libanaise à travers le regard d’étudiants étrangers

Arrivés en septembre au Liban dans le cadre d’un échange interuniversitaire, ils assistent depuis des semaines à une révolte « pas comme les autres ».

Jean deHillerin, étudiant en relations internationales à l’AUST. Photo DR

« On m’avait dit que les Libanais aimaient faire la fête. Mais quand je les ai vus célébrer leur cause en chantant, pacifiquement, j’ai été vraiment bouleversée », raconte Éleni Mavrommatis, Française d’origine chypriote-grecque, qui poursuit ses études en droit et relations internationales à l’Université Saint-Joseph (USJ).

Nombreux sont les étudiants étrangers à être arrivés au Liban en septembre dernier, dans le cadre d’un échange interuniversitaire. Depuis le 17 octobre, ils assistent à une révolte « pas comme les autres ». À l’unanimité, les étudiants rencontrés évoquent leur émotion et leur « admiration » devant la « révolution pacifique qui bouleverse l’image que l’on a d’une révolution traditionnelle ». Marika Fortin Turmel, étudiante québécoise en 3e année en droit et relations internationales à l’USJ, estime être « très privilégiée de pouvoir vivre » la mobilisation populaire qui traverse le Liban depuis plus d’un mois. « Je n’avais jamais vu un mécontentement populaire aussi joyeux. Toutes les manifestations auxquelles j’assistais à Montréal étaient très politiques avec une colère et une haine incroyables. Ici, les jeunes revendiquent leurs droits en chantant. Je trouve cela très beau et très authentique. »

Éléonore Michelot, étudiante en droit et philosophie à l’USJ, affirme être émue par « l’humanité » qui transperce de ce « cri lancé par un peuple ayant soif de liberté et de justice ». « Lorsque je suis arrivée au Liban au mois de septembre, j’ai remarqué que la question de l’identité revenait dans toutes les conversations, dit-elle. Cela m’avait beaucoup perturbée de voir les gens s’opposer tout le temps. Mais quand la révolution a éclaté, la première chose que j’ai vue, c’est qu’un même sentiment d’identité libanaise anime le peuple. Et cela m’a beaucoup émue. » Axel Jean Cyril Maugendre, doctorant qui mène une recherche sur « la fabrique du confessionnalisme dans les sports collectifs », dresse le même constat. « Chaque groupe était cantonné dans son cocon confessionnel, convaincu que l’on ne pouvait pas changer cette classe politique terriblement gangrenée par la corruption. Aujourd’hui, cette manifestation a amené à un échange et un dialogue extraordinaires entre les Libanais. Pour la première fois, il s’agit d’une initiative des Libanais pour les Libanais, sans aucune ingérence des partis politiques. »



(Lire aussi : L’incertain, ou quand l’art s’improvise au gré de la révolte)


Capter les instants uniques de cette révolution
Rapidement, ces jeunes étrangers sont descendus dans la rue avec leurs camarades libanais pour mieux vivre et sentir ce qui se passait. « Au début, je n’ai vu qu’une grande manifestation festive, raconte Éleni. Mais quand j’ai vu deux femmes, l’une voilée et l’autre pas, s’embrasser et marcher côte à côte en lançant les mêmes slogans, j’ai compris qu’il se passait quelque chose de sérieux, un début de changement dans les mentalités. » Pour Jean deHillerin, étudiant en relations internationales à l’Université américaine des sciences et technologies (AUST), c’est caméra en main qu’il a voulu capter tous les instants uniques de cette révolution. « En tant que Français avec la culture que l’on a des manifestations, voir ainsi des gens descendre dans la rue revendiquer de façon très festive leurs droits m’a beaucoup troublé, alors que ce n’est pas mon combat. » Ce qui l’a le plus impressionné ? « Cette incroyable organisation périphérique qui s’est déployée spontanément dans la rue, tous ces gens qui nettoyaient les lieux de rassemblement, de manière bénévole, ces femmes voilées, ces débats dans l’Œuf ou sous les tentes installées dans le centre-ville, tous ces artistes qui ont pris à bras-le-corps le sujet, mais surtout la détermination énorme de ces jeunes et leur volonté de donner une image positive de cette révolution. » Même impression chez Marika qui avoue que ce sont toutes « ces initiatives créatives, allant de la chaîne humaine à ces espaces de discussions, ou encore le fait que l’art descende dans la rue », qui l’ont le plus marquée. « Aujourd’hui, les Libanais nous ont donné une très belle leçon. J’ai compris qu’il y avait beaucoup de manières de se faire entendre et de revendiquer ses droits, autrement que par la violence ou par ces méthodes de militantisme très traditionnelles : marches, sit-in… Le jour où je rentrerai au Québec, je raconterai tout cela. »



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Quitter le Liban ? « Jamais »
Mais au bout d’un mois de révolution, il a fallu se rendre à l’évidence, penser à soi, à cette année d’études à terminer, aux crédits à valider. « Au début, nous étions un peu perdus, désorganisés, et même un peu déprimés, affirme Éléonore. Mais par la suite, les universités ont repris les choses en main. Nos directeurs nous ont rassurés sur le déroulement des examens, et l’administration fait tout pour que l’on réussisse notre année. Nos examens de fin de semestre prévus en décembre vont être remis à janvier. Entre-temps, les profs nous aident beaucoup et nous donnent des devoirs à faire en ligne. » Pensent-ils quitter le Liban pour rattraper leur année universitaire? « Jamais, répond fermement Jean. Je ne compte absolument pas bouger, du moins pas avant janvier. Je reste et je continue. Je suis très engagé avec mes copains libanais. Chaque jour, il y a une nouvelle vague qui vient et fait bouger encore plus les choses. » Et Éleni d’ajouter : « Ce sont des moments exceptionnels que nous vivons. Je suis très contente de pouvoir vivre cela. Même nos directeurs pensent que cela peut être à notre avantage au niveau du master, car nous vivons vraiment des moments exceptionnels. »



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