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Liban - Sit-in

« Nous voulons un gouvernement de technocrates », réitèrent les manifestants sur la route de Baabda

L’armée circonscrit rapidement un dérapage entre les contestataires et un groupe de partisans du président de la République.

Fiers du drapeau national. Photo C.A.

Près de trois cents protestataires excédés par les atermoiements de la caste politique quant à la formation d’un cabinet de technocrates se sont rassemblés hier sur la route menant au palais présidentiel de Baabda, au croisement Sayyad, pour demander l’accélération du processus gouvernemental et exprimer à cor et à cri leur rejet des dirigeants actuels. Les attaques violentes perpétrées lundi sur le Ring n’auront rien ôté à leur courage, pas plus que leur détermination n’a diminué après la décision prise hier par le Premier ministre sortant Saad Hariri de ne pas se porter candidat à sa propre succession et les informations sur la tenue jeudi de consultations parlementaires pour la formation d’un nouveau gouvernement.

Venant de divers coins du pays, à l’appel du parti Sabaa et d’organisations régionales et de groupes WhatsApp formés par des révolutionnaires, de nombreux manifestants arborant le drapeau national scandent d’emblée le slogan désormais rituel « Thawra ! » face aux rangs serrés de militaires équipés de boucliers et casques. À peine un jeune Tripolitain, Ali, tonne-t-il « nous voulons un gouvernement d’indépendants », que sa voix est aussitôt couverte par celle de la foule : « Beyrouth, lève-toi, lève-toi, nous voulons former le gouvernement » ; « 14 et 8 (Mars) ont fait du pays une boutique, ils ont vendu une moitié à l’Iran et l’autre à l’Arabie saoudite ». « Nous ne voulons plus que le Liban soit un champ de confrontation entre l’Iran et les États-Unis », martèle à L’Orient-Le Jour, Aurore, une jeune enseignante universitaire.

Le nom de Samir Jisr, qui avait filtré quant à une possible candidature à la tête du prochain cabinet, est vite rejeté par les présents. « Tu ne seras pas installé, Jisr », clament-ils, jouant sur ce mot qui, en français, signifie « pont ».

Interrogée par L’OLJ sur l’opportunité d’un tel rassemblement vu l’annonce de la tenue imminente des consultations parlementaires, Josette, membre de l’Opposition libanaise (mouvement créé lors des manifestations de 2015), ne semble plus croire à cette échéance : « Nous attendons une confirmation officielle de Baabda. » Georges Rahbani, du parti Sabaa, se demande « pourquoi, alors que le gouvernement Hariri a démissionné depuis bientôt un mois, le chef de l’État n’a pas encore usé des prérogatives que lui donne la Constitution, à savoir procéder aux consultations parlementaires ? Nous avons appelé dès le début de notre soulèvement à la mise sur pied d’un gouvernement de crise, apte à organiser des élections législatives anticipées, mais on dirait que nos responsables sont dans des chambres closes et n’entendent pas le peuple ». Lara Bou Nassar tonne dans le même sens : « Le président Aoun a fait plusieurs discours depuis le 17 octobre, mais à aucun moment il n’a donné satisfaction à une seule de nos demandes. » Elle affirme se trouver sur la route du palais présidentiel pour se faire entendre, vu dit-elle qu’elle n’a pas été entendue place des Martyrs. Georges évoque à nouveau la question du gouvernement, jugeant qu’il ne « faut pas qu’il soit de confrontation ». Renchérissant, Ismat Hachem, venue de la Békaa-Ouest, met en garde contre « un gouvernement taillé à leur mesure, qui entraînerait davantage de sanctions américaines », alors que, déplore-t-elle, « nous avons faim ».


(Lire aussi : Échec au muscle, l'éditorial de Issa GORAIEB)


« Gare à qui s’en prend au président »

Les slogans fusent de plus belle : « Pour le meilleur et pour le pire, notre révolution se poursuivra » ; « Hela hela ho, nous sommes à Baabda ya helo » … Mais lorsque les contestataires chantent « Michel Aoun tu vas partir », un homme baraqué fonce sur eux en hurlant : « Gare à qui s’en prend au président ! » S’ensuit un léger accrochage, vite repéré et cerné par l’armée et les forces de l’ordre. Paul Daccache, un militaire à la retraite, exige « l’ouverture des routes ». « Je veux passer », hurle-t-il, rappelant qu’il y a eu « deux morts en raison du blocage de routes », en référence à deux personnes ayant péri lundi sur la route de Jiyé. Une vingtaine de supporters du président Aoun tentent alors de forcer les rangs des manifestants, mais ceux-ci scandent « selmiyé, selmiyé », faisant clairement savoir qu’ils ne veulent pas être entraînés dans des affrontements. Venant à leur rescousse, les forces de sécurité déployées forment aussitôt un véritable écran entre eux et les partisans du Courant patriotique libre et parviennent à les séparer sur une distance d’environ cent mètres. D’un côté on entend « Allah, le Liban, Aoun, et rien d’autre », et de l’autre « Nous sommes la révolution populaire, vous êtes la guerre civile. » S’adressant aux révolutionnaires, un meneur demande : « De quoi avez-vous peur ? » La foule répond : « Nous avons peur de leurs partis. » « Voulez-vous revenir au confessionnalisme ? » « Non », martèlent les présents, avant d’entonner : « Depuis l’église et la mosquée, nous sommes descendus dans la rue pour l’unité nationale. »

« Nous sommes tous une seule patrie », lance Joseph Bark à L’OLJ. « Pourquoi le chef de l’État a-t-il reçu son parti à Baabda et refuse de nous accueillir ? » s’indigne-t-il, frustré à la vue des fils barbelés longeant la voie menant au palais présidentiel.



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