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Moyen Orient et Monde - Arrestations

Riyad élargit sa répression contre les voix dissidentes

Au moins neuf écrivains et intellectuels saoudiens ont été arrêtés au cours des dernières semaines, a rapporté l’ONG indépendante ALQST.

Le roi saoudien Salmane et le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane. Photo AFP

La plupart des voix d’opposition en Arabie saoudite sont désormais réduites au silence. Dans une nouvelle campagne de répression lancée à la mi-novembre par le régime saoudien, au moins neuf écrivains et intellectuels saoudiens ont été jetés en prison, a affirmé l’ONG indépendante ALQST dans un communiqué publié lundi. Selon l’organisation, les autorités saoudiennes ont effectué des raids aux domiciles de cinq écrivains à Riyad et Médine, saisissant également leurs téléphones et ordinateurs. Il s’agit de Bader al-Rashed, Souleiman al-Saikhan al-Nasser, Waad al-Muhaya, Musad Fouad et Abdelmajid al-Buluwi. Trois autres écrivains saoudiens, Abdelaziz al-Hais, Abdelrahman al-Shehri et Fouad al-Farhan, ont subi le même sort les 18 et 20 novembre à Haïl, à Abha et à Djeddah. Dans son communiqué, ALQST indique disposer d’informations selon lesquelles d’autres personnes ont été arrêtées mais dont les noms ne pouvaient encore être confirmés. Parmi ces noms circulent ceux des journalistes saoudiennes Zana al-Shahri et Maha al-Rafidi al-Qahtani. Les profils des personnes ciblées se distinguent, dans une certaine mesure, de ceux des personnalités saoudiennes arrêtées par le passé. « Cette dernière vague d’arrestations est particulièrement choquante, notamment parce que la plupart des personnes arrêtées ont mis fin à leur activisme depuis de nombreuses années. Ce qui laisse penser qu’il s’agit d’une campagne de répression assez large », avance Josh Cooper, directeur adjoint de ALQST, contacté par L’Orient-Le Jour. « La plupart d’entre elles s’étaient engagées dans les débats publics pendant la période des révolutions arabes, soit entre 2011 et 2013 », indique à L’OLJ Hala al-Dosari, une activiste saoudienne.

Fouad al-Farhan a été arrêté pour « ses activités intellectuelles » tandis que Souleiman al-Nasser l’a été « sur la base de ses opinions », a précisé ALQST sur Twitter. « Fouad al-Farhan a la plus importante plate-forme éducative en ligne dans le monde arabe », souligne Ali Adubisi, directeur de la European-Saudi Organization for Human Rights. « Les autorités saoudiennes veulent s’assurer que rien ne peut arriver à l’avenir. Toute personne qui a tweeté ou réagi en faveur des événements de 2011 ou en faveur des droits humains est une cible », ajoute-t-il.


(Lire aussi : La répression s’accentue malgré les réformes, accuse HRW)

Chambres de torture

Cette dernière vague d’arrestations est le dernier épisode en date de la politique de répression mise en place par Riyad contre toute dissidence et qui s’est accentuée depuis l’accession au titre de prince héritier de Mohammad ben Salmane en juin 2017. Campagnes médiatiques de propagande à travers les médias officiels, harcèlements sur les réseaux sociaux à l’encontre des intellectuels et activistes perçus comme trop dérangeants ou encore torture et détention... le royaume wahhabite s’appuie sur une large gamme de moyens pour mener sa stratégie à bien. MBS « a réorganisé les services de sécurité et les a placés sous la juridiction de la cour royale », ce qui renforce son pouvoir de contrôle, souligne Adam Coogle, chercheur sur le Moyen-Orient à Human Rights Watch.

Riyad avait lancé une vaste campagne de lutte contre la corruption en novembre 2017, menant à la détention de centaines de personnalités saoudiennes dans l’hôtel de luxe Ritz-Carlton à Riyad, incluant une partie des figures d’opposition. Quelques mois plus tard, le régime saoudien s’en prenait à une douzaine d’activistes saoudiennes engagées en faveur de l’autorisation de conduire pour les femmes, à peine un mois avant son entrée en vigueur en juin 2018. Sept militantes ont été libérées entre mars et mai derniers, dont certaines sont en liberté provisoire. L’activiste Loujain al-Hathloul, qui a confié à ses proches avoir fait l’objet de séances de torture et de harcèlement sexuel durant sa détention, est pour sa part toujours détenue à l’isolement. En avril dernier, au moins neuf intellectuels et blogueurs ont également été arrêtés. Selon les informations d’ALQST, « les autorités continuent de torturer plusieurs militants, hommes et femmes, dans les prisons saoudiennes, soit dans des chambres de torture mises en place dans des maisons situées à l’écart des prisons officielles, ou dans les prisons elles-mêmes ». « Elles continuent de détenir un certain nombre d’hommes et de femmes moins connus et actifs sur Twitter, qui sont toujours enfermés dans les chambres de torture où un nombre de femmes défendant les droits humains ont été torturées auparavant », est-il précisé dans le communiqué de l’organisation.


(Pour mémoire : Six mois après l’affaire Khashoggi, MBS est-il réhabilité ?)

Message contradictoire

Si la violente répression contre les dissidents par l’Arabie saoudite n’a longtemps pas fait grand bruit au sein de la communauté internationale, le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul en octobre 2018 a changé la donne. Dans un premier temps du moins. L’affaire avait provoqué un tollé international, et de nombreuses capitales occidentales avaient pris leurs distances avec le royaume saoudien tandis que les violations des droits de l’homme commises par Riyad au Yémen étaient mises en lumière.

Un an plus tard, le prince héritier saoudien semble toutefois avoir réussi à sortir de son isolement forcé sur la scène internationale sans subir de conséquences majeures. Riyad doit notamment assurer la présidence du G20 en novembre 2020. « Le fait que les autorités saoudiennes pensent qu’elles peuvent continuer d’arrêter et de réprimer des intellectuels indépendants dans une impunité totale est une conséquence directe de l’absence de toute reddition des comptes », dénonce Adam Coogle. « Elles sentent peut-être que, au moment où l’économie s’ouvre et que des réformes sociétales sont introduites, cette violente répression fera moins réagir », estime Josh Cooper.

Tablant sur son image de jeune réformateur, MBS espère attirer les capitaux étrangers à la faveur de son ambitieux projet baptisé Vision 2030, visant à diversifier l’économie du pays en misant notamment sur le tourisme et le développement. Ironie de l’histoire, « certaines des personnes arrêtées dernièrement ont été de fervents défenseurs ou ont participé à des initiatives dans le cadre de Vision 2030 », confie Hala-al-Dosari. Pour l’activiste saoudienne, « l’Arabie saoudite envoie un message contradictoire avec, d’une part, l’ouverture de l’espace public et la limitation de l’influence de l’autorité religieuse et, d’autre part, l’intensification de la répression ».



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commentaires (4)

C'est bien vrai tout ça, mais les bensaouds ne seront jamais mis sous sanctions et embargos. Devinez pourquoi, parce que chez eux l'Occident rase gratis. Lol...

FRIK-A-FRAK

11 h 47, le 27 novembre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • C'est bien vrai tout ça, mais les bensaouds ne seront jamais mis sous sanctions et embargos. Devinez pourquoi, parce que chez eux l'Occident rase gratis. Lol...

    FRIK-A-FRAK

    11 h 47, le 27 novembre 2019

  • Ils ont tellement en commun avec leur voisin de l'autre côté du golfe; eux bossent en amont et les autres en aval pour écraser les aspirations de leurs populations. Bravo joli travail !

    Shou fi

    10 h 01, le 27 novembre 2019

  • L,UNE DES DEUX FACES DE LA MONNAIE DE L,OBSCURANTISME !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 24, le 27 novembre 2019

  • Par contre dans ce pays allié des démocraties occidentales, personne n'aura rien à dire. Les arrestations meurtres kidnapping etc... passeront comme lettre à la poste. Les Che Guevara, Fidel Castro Trotsky libanais es qu'on entend chanter l'internationale à longueur de journee, je parie qu'ils seront d'un silence sidéral et sidérant. Lol.

    FRIK-A-FRAK

    06 h 16, le 27 novembre 2019

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