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Moyen Orient et Monde - Manifestations

L’Iran dans un black-out total alors que les protestations se poursuivent

L’ONU fait part de son inquiétude face à des informations faisant état d’un nombre « important » de tués.

Un panneau publicitaire visiblement incendié par des manifestants, hier à Téhéran. Atta Kenare/AFP

Les manifestations contre le gouvernement se poursuivaient hier en Iran, alors que le pays est plongé depuis samedi soir dans un black-out total, après le blocage de l’internet par les autorités. Selon l’ONG

NetBlocks.org, qui surveille la liberté d’accès à internet de par le monde, les Iraniens sont « coupés du monde extérieur » par ce couvre-feu numérique et « la connexion au monde extérieur a encore baissé (pour s’établir) à 4 % de son niveau normal » en Iran. Le gouvernement iranien a fait savoir hier que l’État mettrait fin à sa coupure d’internet uniquement lorsqu’il sera certain que le réseau ne sera pas « utilisé à mauvais escient » pour de nouvelles émeutes. « Nous comprenons que la population rencontre des difficultés » du fait de la coupure, mais la priorité « dans les circonstances actuelles est de maintenir la paix et la stabilité du pays », a indiqué un porte-parole du gouvernement. Vendredi soir, une vague de protestation a gagné le pays, après l’annonce d’une réforme du mode de subvention de l’essence, censée bénéficier aux ménages les moins favorisés mais s’accompagnant d’une très forte hausse du prix à la pompe. Deux ans plus tôt, les Iraniens étaient descendus dans la rue pour dénoncer la hausse des prix et la politique du président Hassan Rohani. Démarrée à Machhad, les manifestations avaient rapidement gagné tout le pays, faisant 25 morts et plus de 8 000 arrestations, avant d’être étouffées par les autorités après une semaine. Hier, la situation semblait de fait difficile à évaluer en raison du black-out. « Le calme a été rétabli dans le pays », a déclaré Gholamhossein Esmaili, porte-parole de la justice iranienne, lors d’une conférence de presse.

Des photos et des vidéos circulant sur les réseaux sociaux indiquaient que les manifestations se poursuivaient dans plusieurs grandes villes du pays. On peut aussi y voir des manifestants brûler des images représentant de hauts responsables de la République islamique et appeler les ayatollahs à la démission. À Téhéran, des centaines de policiers antiémeutes armés de matraques étaient déployés dans la matinée à côté de canons à eau sur plusieurs places, selon des journalistes. Dans l’est de la capitale, deux stations-service incendiées témoignaient des violences. Toujours à Téhéran, mais aussi à Chiraz, dans le sud du pays, des bâtiments administratifs auraient été incendiés par les protestataires. L’Orient-Le Jour n’a pas été en mesure de vérifier ces sources numériques.



(Lire aussi : Les enjeux de la contestation en Iran)


Un millier d’arrestations
Selon le communiqué des gardiens de la révolution, trois agents des forces de l’ordre ont été tués. Les funérailles des trois hommes, un officier des gardiens de la révolution et deux membres du Bassidj, corps de volontaires islamistes, ont été annoncées pour aujourd’hui. Six autres personnes au moins ont été tuées, selon des informations publiées par diverses agences iraniennes, généralement sans source ni beaucoup de détails. Des bilans beaucoup plus lourds et impossibles à vérifier sont relayés sur les réseaux sociaux à l’étranger. Le nombre total de morts pourrait se compter en dizaines, a dit le porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, Rupert Colville, qui a également fait état d’un bilan « clairement très élevé » concernant les blessés. De son côté, Amnesty International fait état d’un bilan lourd depuis le début des protestations. « Au moins 106 manifestants dans 21 villes ont été tués, selon des informations crédibles, a indiqué l’ONG de défense des droits humains dans un communiqué. Le bilan véritable pourrait être bien plus élevé, avec des informations suggérant jusqu’à 200 (personnes) tuées. »Un millier d’« émeutiers », comme les qualifient les autorités, ont été arrêtés, selon le décompte officiel. Les manifestants, dont nombre de jeunes et d’Iraniens issus des classes les moins favorisées, dénoncent la corruption au plus haut niveau de l’État et les inégalités grandissantes, le tout sur fond de difficultés économiques aggravées depuis l’an dernier par le rétablissement de sanctions américaines. Des « Mort au dictateur » et « Mort à Khamenei », le guide suprême du régime, ont été entendus dans de nombreuses villes.

Le quotidien iranien conservateur Keyhan titrait hier sur un « retour au calme », décrivant les protestataires de « voyous », reprenant la rhétorique de Khamenei. Lundi, les gardiens de la révolution avaient averti qu’ils étaient prêts « à réagir de manière décisive (...) face à la poursuite de l’insécurité et d’actions qui perturbent la paix sociale ». Il était en revanche impossible d’accéder au site en ligne de certains quotidiens réformateurs hier.

La contestation survient à quelques mois des élections législatives prévues pour février, et alors que l’Iran traverse une grave récession provoquée par le retrait unilatéral des États-Unis, en 2018, de l’accord international sur le nucléaire iranien et le rétablissement consécutif de lourdes sanctions américaines contre Téhéran. La République islamique est sévèrement critiquée au Liban et en Irak par les manifestants qui descendent dans la rue depuis un mois contre leur gouvernement. À Beyrouth dimanche, des manifestants affichaient leur solidarité en chantant « De Téhéran à Beyrouth, une seule révolution qui ne s’éteindra pas ».


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