Rechercher
Rechercher

À La Une - Liban

La colère gronde autour du Parlement, échauffourées entre manifestants et forces de l'ordre

Un convoi force le passage parmi les manifestants et tire en l'air.

Un cordon policier déployé derrière des barbelés qui séparent les manifestants à Beyrouth, le 19 novembre 2019. Photo Michel Sayegh

Des échauffourées ont éclaté mardi matin entre des manifestants venus bloquer les accès au Parlement, à Beyrouth, alors que la Chambre était censée se réunir à 11h pour élire les membres des commissions parlementaires et examiner plusieurs lois censées lutter contre la corruption ainsi qu'une loi d'amnistie générale controversée.

Cette séance a finalement été reportée sine die faute de quorum. Un report célébré comme une deuxième victoire par le mouvement de la contestation. Car à l'origine, la séance plénière était prévue mardi dernier, mais sous la pression de la rue, le président du Parlement avait décidé de la reporter à aujourd'hui. Après l'annonce du report, les manifestants continuaient de tambouriner sur les panneaux entourant le Grand Teatro. Depuis plusieurs jours, c'est en tapant sur des casseroles ou des objets en métal que les manifestants, mobilisés depuis le 17 octobre, expriment leur colère contre la classe politique qu'ils estiment incapable et corrompue. " On doit continuer à manifester, même si nous avons enregistré une victoire. Si jamais on arrête, ils risquent de revenir", lance Moussa, un jeune graphic designer venu de Tripoli. C’est la première fois qu’il vient manifester à Beyrouth.


Pour le mouvement de contestation, les lois que la Chambre veut voter ne reflètent ni ses aspirations ni les priorités de l’heure qui doivent être l’assainissement de l’appareil judiciaire. Les protestataires ainsi que des juristes accusent ces textes d’être entourés de "flou" et truffés de "pièges".


Pression maximale et tension dans la rue
Vers 9h, des centaines de manifestants avaient déjà investi les rues alentours du Parlement dans un concert de casseroles. Des échauffourées avec les forces de l'ordre ont eu lieu et un convoi a forcé le passage et tiré en l'air.

Place Riad el-Solh, avenue Chafic Wazzan, rue Weygand, place des Martyrs, les protestataires, notamment de nombreuses femmes, sont venus munis de drapeaux libanais et tapant sur des casseroles ou sur des panneaux en bois ou en métal, pour exprimer leur colère et empêcher les députés d'accéder au Parlement, alors que le pays est entré dans son deuxième mois de contestation populaire inédite contre le pouvoir.


Un imposant dispositif de sécurité a été déployé sur les lieux, des dizaines de policiers anti-émeutes s'étant postés sur les lieux sensibles pour repousser les manifestants. En plusieurs endroits, les femmes se sont assises par terre, devant les forces de l'ordre, brandissant des écriteaux où sont écrits des messages dénonçant le vote au Parlement. Derrière les forces de l'ordre, une première ligne de barbelés, et derrière ces barbelés, une seconde ligne de membres des forces de l'ordre.

"Je refuse totalement la loi sur l’amnistie générale. Comment est-il possible que vous libériez des voyous, des tueurs et les jetiez dans une société en ébullition", a affirmé, à notre journaliste sur place Anne-Marie el-Hage, Megarditch, diplômé en sciences politiques et gérant de bar. S'adressant aux forces de l'ordre, il a lancé : "Que faites-vous contre nous, là? Rejoignez nos rangs. Vous protégez une classe politique corrompue".

Devant le Grand Teatro, Geneviève tapait de toutes ses forces avec une pierre sur des panneaux qui entourent le bâtiment. "Les politiciens ne nous entendent pas, cette classe politique est source à nos revendications. Voilà pourquoi aujourd'hui, je frappe ces planches. C'est pour qu'ils nous entendent enfin".

Vers 9h, des accrochages ont eu lieu entre manifestants et forces de l'ordre, notamment devant les immeubles des Lazaristes. Des manifestants jetaient bouteilles et chaises en direction des forces de l'ordre, qui répondaient en repoussant les contestataires. Certains protestataires ont en outre réussi à démonter les fils barbelés installés au niveau de certaines rues menant au Parlement.


Dans la rue menant à la place Riad el-Solh, au niveau de l'église Saint-Georges, plusieurs agents des forces anti-émeutes ont chargé les manifestants, frappant plusieurs d'entre eux avec des matraques. Les manifestants de leur côté criaient "chabiha, chabiha", alors que d'autres scandaient "mafieux, mafieux !". "Demandez des comptes aux députés, plutôt que d'attaquer les manifestants", lançaient aussi les manifestants aux forces de l'ordre. Des protestataires appelaient la Croix-Rouge à intervenir. Des renforts militaires ont également été appelés sur place.  De nouvelles échauffourées ont éclaté à 10h30 sur la place entre manifestants et policiers anti-émeutes déployés en force sur les lieux. Des bousculades, des jets de bouteilles d'eau et d'autres projectiles ont été enregistrés. Les policiers ont chargé à plusieurs reprises, mais il n'est toujours pas clair si ces échauffourées ont fait des blessés.


(Lire aussi : Le chef du Parlement déterminé à faire voter la loi d’amnistie à huis clos)



"Des lâches"
Par ailleurs, un convoi transportant supposément un député a forcé le passage parmi les manifestants dans le centre-ville, tirant des coups de feu en l'air. "Honte à eux ! Des députés qui tirent sur les personnes qui les ont élus", s'indignait un manifestant en colère. "Le convoi a touché plusieurs manifestants !" s'insurgeait un autre.

Le bureau de presse du chef du Courant patriotique libre, le ministre sortant des Affaires étrangères et député Gebran Bassil, a démenti le passage du convoi de celui-ci à proximité du Parlement. Le ministre d’Etat sortant chargé des Affaires présidentielles, Salim Jreissati, a lui aussi démenti être passé dans le périmètre du Parlement, affirmant se trouver au palais de Baabda.

"On ne peut pas empêcher les députés d'arriver au Parlement ou de voter, car ils sont probablement déjà dans le bâtiment. Mais nous sommes là pour exprimer notre refus, pour faire entendre notre voix. Ces députés sont des lâches", déclarait à notre journaliste sur place, Carla, une mère de famille venant d'Achrafieh.
"J'espère aboutir à quelque chose. Cette loi ne nous représente pas. Elle couvre le rimes de tous les hommes politique", lançait Daniel, un jeune homme venu de Aley.

"Si vous êtes tellement déterminés à adopter cette loi d’amnistie, amnistiez-vous de vous", pouvait-on lire sur une pancarte, brandie par un manifestant.

A l'entrée de la rue des banques, manifestants et forces de l'ordre étaient dans un face à face tendu, vers 10h. "La chambre est celle des voleurs", criaient les manifestants. Entre ces derniers et les forces de l'ordre massivement déployées, les noms d'oiseaux volaient. Si les deux camps ont fini par baisser le ton, la tension restait forte.

Sur l'avenue Chafic Wazzan, plusieurs véhicules civils mais transportant des militaires ont dû rebrousser chemin face au mur humain constitué par les manifestants. Des soldats ont été déployés sur les lieux afin de maintenir la sécurité.

"Je ne veux pas faire de déclaration", a lancé aux caméras le député Ali Ammar, membre du Hezbollah, en arrivant à pied au Parlement depuis le quartier de Zokak el-Blatt. "C'est leur droit de manifester", s'est contenté de dire l'élu, sous les cris des protestataires qui scandaient "Tous, cela veux dire tous", et "A bas le règne du voyou".

Seuls quelques députés avaient pu arriver à la place de l'Etoile, notamment le ministre sortant des Finances et député Ali Hassan Khalil. Le député Ibrahim Kanaan, membre du Courant patriotique libre, a démenti des informations de l'Agence nationale d'information (Ani, officielle) qui rapportait sa présence dans l'hémicycle.

"Ce qui nous importe, c'est le travail des commissions. Les protestataires ont le droit de manifester, mais les députés ont également le droit d'arriver (au Parlement) pour assumer leurs responsabilités", a estimé M. Hassan Khalil, dans une déclaration depuis la place de l'Etoile.



(Lire aussi : Les zones grises et inquiétantes de la proposition de loi d’amnistie)



Dans le reste du pays
Dans ce contexte de tensions, les banques du pays ont rouvert leurs portes mardi après une semaine de grève des employés qui protestaient contre des incidents avec des clients irrités par les restrictions sur les retraits. Les écoles également accueillaient à nouveau leurs élèves.

Plusieurs routes dans certaines régions comme la Békaa, Aley, Saïda ou encore Tripoli, restaient fermées à la circulation mardi matin, mais de manière générale, les axes majeurs étaient praticables à travers le pays.

Par ailleurs, sur le plan judiciaire, dix des dix-huit jeunes suspectés d'être impliqués dans des actes de vandalismes contre le complexe Rest House à Tyr, au début de la contestation populaire, ont été interrogés par le premier juge d'instruction au Liban-Sud Marcel Haddad au cours d'une nouvelle audience qui s'est tenue au palais de Justice de Saïda. Huit d'entre eux ont par la suite été relâchés. Les proches des suspects ont tenu un sit-in devant le palais, parallèlement à la séance, au milieu d'un dispositif de sécurité déployé sur les lieux.

Le Liban connaît depuis le 17 octobre un soulèvement populaire sans précédent, des centaines de milliers de libanais manifestant contre une classe dirigeante accusée d'incompétence et de corruption. Sous la pression de la rue, le Premier ministre Saad Hariri a démissionné le 29 octobre mais les consultations parlementaires indispensables pour former un nouveau gouvernement n'ont toujours pas été lancées. Le pays souffre d'un déficit public chronique (11% du PIB en 2018) et croule sous une dette de 86 milliards de dollars (148% du PIB). La contestation est entrée dans son deuxième mois et aucune sortie de crise n'est en vue.


Lire aussi

Dans les dédales de la proposition de loi d’amnistie et de ses exemptions

Lorsqu’on se trompe de priorité, l’édito de Michel TOUMA

Entre le Futur et le CPL, le compromis présidentiel anéanti?

Des échauffourées ont éclaté mardi matin entre des manifestants venus bloquer les accès au Parlement, à Beyrouth, alors que la Chambre était censée se réunir à 11h pour élire les membres des commissions parlementaires et examiner plusieurs lois censées lutter contre la corruption ainsi qu'une loi d'amnistie générale controversée. Cette séance a finalement été reportée sine...

commentaires (5)

Mais laissons -les voter tout ce qu’ils peuvent et concentrons -nous sur la formation du nouveau gouvernement qui annulera leurs lois bidons puisque votées illégalement.

Sissi zayyat

11 h 01, le 19 novembre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • Mais laissons -les voter tout ce qu’ils peuvent et concentrons -nous sur la formation du nouveau gouvernement qui annulera leurs lois bidons puisque votées illégalement.

    Sissi zayyat

    11 h 01, le 19 novembre 2019

  • Super les vidéos postées sur le fil Twitter de l'orient-Le Jour. On croit entendre d'ici le vacarme créé parles manifestants. Très efficace.

    Marionet

    10 h 39, le 19 novembre 2019

  • ALI BABA ET SES VOLEURS SE CACHAIENT POUR SE DIRIGER ET ENTRER DANS LEUR CAVERNE. ON EN VOIT LA MEME CHOSE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 19, le 19 novembre 2019

  • Des député qui se fraient le passage en tirant en l’air...! La Mafia accomplit son devoir démocratique...

    LeRougeEtLeNoir

    09 h 39, le 19 novembre 2019

  • qu 'ils votent! vous riposterez par un nul et non avenu!J.P

    Petmezakis Jacqueline

    09 h 25, le 19 novembre 2019

Retour en haut