Qu’ont pu se dire hier au cours d’un tête-à-tête d’une heure à Bkerké le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, et le chef du Courant patriotique libre et ministre sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil ? Selon des informations fiables, M. Bassil aurait assuré au patriarche Raï que les concertations entourant la formation du futur cabinet sont arrivées « à un stade avancé », et que les consultations formelles qui suivent ce processus ne tarderont plus. M. Bassil aurait en particulier affirmé être « attentif à ce qu’aucun faux pas ne marque ce processus, en raison des difficultés de toute marche arrière ».
Par ailleurs, le ministre se serait inquiété à voix haute devant le patriarche « des graves tentatives lancées par certains pour séparer les régions les unes des autres et pousser la population à la confrontation, saper la paix civile et entraîner les gens vers une discorde dont les conséquences seraient assumées par les amateurs de projets miliciens » dans le pays.
Ces orientations ont par ailleurs fait l’objet d’un tweet de M. Bassil, consécutif à sa visite à Bkerké. « La priorité aujourd’hui va à la formation d’un gouvernement de salut », y écrit le chef du CPL, qui met par ailleurs en garde contre « une idéologie subversive qui chercherait à entraîner le pays vers la confrontation », ainsi que contre « les murs qui isolent et la fermeture des axes de communication », qu’il attribue à un « complot ».
Il se confirme toutefois que de sérieuses divergences ont opposé les manières de voir des deux hommes. Certes, le climat de l’entretien était cordial, affirment des sources informées à Bkerké, mais comment faire abstraction des positions antérieures favorables au soulèvement prises par le chef de l’Église maronite ? Ce dernier s’en est félicité et, loin d’y voir un complot, perçoit le signe que le Liban est en route vers une société où la citoyenneté primera sur la confession. D’autre part, Béchara Raï s’est déclaré favorable à un gouvernement « entièrement formé de visages neufs » correspondant aux aspirations des manifestants, alors que le CPL défend une formule techno-politique. Mais il a rappelé qu’il était opposé, dès le départ, à toute coupure des routes, soulignant le risque de confrontation que ces coupures sont en train de provoquer dans les régions chrétiennes.
De source bien informée, on apprenait qu’au siège patriarcal, jugeant que le patriarche s’était trop avancé dans ses prises de position, des évêques lui avaient conseillé de recueillir de la bouche même du chef de l’État sa version des faits. La démarche de M. Bassil semble avoir eu pour but de combler cette nécessaire communication entre les deux hommes, qui tardait à avoir lieu.
(Lire aussi : Gouvernement : accord sur Safadi, l’option techno-politique l’emporte)
Désinformation
L’échange entre le patriarche et Gebran Bassil a malheureusement été entaché par une tentative de désinformation des médias proches du CPL, qui ont voulu en tirer avantage. Ils ont affirmé qu’à la suite de son tête-à-tête avec M. Bassil, le patriarche Raï avait pris contact avec Samir Geagea et Sami Gemayel pour exprimer, en référence à l’incident de Nahr el-Kalb, son hostilité à toute initiative de blocage des routes qui ressemblerait à l’installation de lignes de démarcation entre les régions, rappelant les premières heures sombres de la guerre civile de 1975. Aussi bien M. Geagea que M. Gemayel ont démenti l’existence d’un quelconque appel du patriarche. M. Geagea a parlé d’une « désinformation délibérée destinée à masquer l’apparition milicienne (du CPL) à Jal el-Dib ».
Le député Kataëb Élias Hankache a de son côté souligné, dans un message publié sur son compte Twitter, que « depuis le 17 octobre, les Libanais construisent des ponts entre eux, détruisent tous les murs et barrages qui les ont séparés pendant des années. Ils ne permettront à personne de les faire revenir en arrière ». « Que personne n’essaie de déformer cette révolution civilisée et pacifique », a-t-il ajouté.
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commentaires (8)
Les amis de aoun malmené monseigneur Sfeir dans son propre fief. Bassil malmène monseigneur Raï par son attitude mais offense toute la population libanaise par ses positions et déclarations. Ya ayib el choum
Wlek Sanferlou
18 h 21, le 15 novembre 2019