Au 28ème jour d'un mouvement sans précédent de contestation contre la classe dirigeante libanaise, les principaux axes routiers à Beyrouth et en province étaient toujours coupés mercredi matin par des manifestants en ébullition après une longue nuit de tensions du nord au sud du pays. Ce regain de contestation fait suite à l'interview télévisée la veille du président Michel Aoun qui a remis le feu aux poudres. Une nuit de tension lors de laquelle un cadre du Parti socialiste progressiste du leader druze Walid Joumblatt, Ala' Abou Fakhr, a été tué par balles à Khaldé.
A Beyrouth, la voie express du Ring, dans le centre-ville, qui était bloquée par des manifestants depuis mardi soir, a été rouverte. En fin de matinée, la place Sassine, à Achrafieh, avait été bloquée.
A Baabda, l'armée libanaise s'est déployée en masse aux abords du palais présidentiel, où des centaines de manifestants ont afflué de plusieurs régions.
Dans le secteur de Chevrolet, la troupe s'est déployée en force pour tenter de rouvrir la route, provoquant de violentes échauffourées avec les protestataires diffusées en direct sur les chaînes de télévision.
Une manifestante dans le secteur du croisement dit de Chevrolet. AFP / ANWAR AMRO
En soirée, des protestataires ont bloqué l'autoroute de Cola à l'aide de pneus brûlés, avant que l'armée n'intervienne pour rouvrir cet axe à la circulation.
Au nord de la capitale, l'autoroute côtière est coupée en plusieurs points à Zalka, Dora, Jal el-Dib dans le Metn, à hauteur de Nahr el-Kalb, Zouk, Ghazir dans le Kesrouan, ainsi qu'à Jbeil.
La route de Nahr el-Kalb bloquée le 13 novembre. Photo Suzanne Baaklini
"Nous comptons rester là jusqu'à la formation d'un nouveau gouvernement. Nous voulons retrouver notre dignité", lance l'un des manifestants à Nahr el-Kalb à notre journaliste sur place Suzanne Baaklini. L'armée et la police se tenait loin des protestataires et n'a toujours pas tenté de rouvrir les routes dans la région.
Sur la route intérieure de Jal el-Dib, un groupe de manifestants a coupé les routes, provoquant la colère des riverains. Des bagarres ont éclaté entre eux, avant que les Forces de sécurité intérieure n'interviennent. La tension est remontée d'un cran en cours d'après-midi lorsqu'un homme a ouvert le feu à l'aide d'un fusil d'assaut en direction des manifestants, sans faire de blessés. L'homme a été arrêté par la police et son véhicule saccagé par les protestataires. Les député et ancien député du Courant patriotique libre Ibrahim Kanaan et Nabil Nicolas ont démenti tout lien avec le suspect.
Au Liban-Nord, les routes ont été bloquées à hauteur de Chekka dans le Koura, dans plusieurs secteurs de Tripoli, sur la place al-Nour, ainsi qu'à Bohsas, à Minié et à Zghorta, de même que dans le Akkar, notamment à Abdé.
Des barrages sur l'autoroute Beyrouth-Tripoli. AFP / Ibrahim CHALHOUB
Dans le sud du pays, les routes menant au carrefour Élia, rebaptisé "place de la révolution du 17 octobre", ont été coupés à Saïda. Certains y ont passé la nuit après avoir dressé des tentes sur les lieux. Aujourd'hui, la ville est en situation de grève générale. Les banques, les bureaux de change et les écoles sont fermées, et comme la veille, les protestataires se sont dirigés vers les branches d'institutions publiques comme Electricité du Liban, l'Office des eau et la compagnie publique de téléphone Ogero.
A Baalbeck, dans la Békaa, les protestataires ont fermées les routes à l'entrée de la ville à l'aide de pneus incendiés. La situation est la même autour de Zahlé et sa région, notamment à hauteur de Kab Élias.
Dans la région du Chouf et de Aley, les routes sont également bloquées à Naamé, Barja, Choueifate, ainsi qu'à Khaldé, où dans la nuit un cadre du Parti socialiste progressiste du leader druze Walid Joumblatt, Ala' Abou Fakhr, a été tué par balles.
Des pneus brûlés sur la route entre l'aéroport de Beyrouth et Khaldé. REUTERS/Alaa Kanaan
Sur les barrages de pneus qui fument encore, les protestataires rendent tous hommage à la deuxième victime en marge de la contestation qui secoue le Liban depuis le 17 octobre. Selon un communiqué de l’armée, une rixe a eu lieu entre un groupe de protestataires qui coupaient la route et des militaires qui passaient à bord d'un véhicule appartenant à l'armée. Un soldat a alors ouvert le feu pour les disperser. L’institution militaire ajoute avoir ouvert une enquête après l'arrestation du militaire qui a ouvert le feu.
Dans ce contexte de tension, le ministre sortant de l’Éducation Akram Chehayeb avait appelé les écoles et universités à rester fermées mercredi.
(Lire aussi : Chorale de crise, l'éditorial de Issa GORAIEB)
Appels au calme
Dans la matinée, le chef du Parti démocratique libanais Talal Arslane, rival traditionnel de Walid Joumblatt sur la scène druze, a condamné la mort d'Ala' Abou Fakhr, et présenté ses condoléances à la famille du cadre du PSP tué et aux habitants de Choueifat, appelant que les Libanais à "se fier à l'Etat". "La période demande calme et sagesse, pour prévenir toute sédition", a-t-il ajouté sur son compte Twitter.
De son côté, l'ancien ministre druze Wi'am Wahhab, qui affirme partager les revendications des manifestants, a appelé à cesser le blocage des routes et les incendies de pneus "qui sont vécus comme une provocation par une grande partie des gens".
commentaires (5)
,je pense que le discours de Mr. Aoun n'était pas très catholique
Eleni Caridopoulou
17 h 10, le 13 novembre 2019