Deux semaines après la démission du Premier ministre, le bras de fer se poursuit sur la formation du gouvernement, Saad Hariri prônant un cabinet de spécialistes alors que le Hezbollah souhaite un gouvernement où il serait représenté.
Le président de la République, Michel Aoun, qui doit s’exprimer dans une interview télévisée ce soir à 20h30, n’a, pour sa part, toujours pas fixé de date pour les consultations parlementaires contraignantes en vue de désigner le futur Premier ministre. Entre-temps, M. Hariri, donné favori pour former la nouvelle équipe, campe sur sa position : il insiste pour que soit formé un gouvernement de spécialistes, une position que le bloc parlementaire du Futur a naturellement réitérée hier.
À l’issue de sa réunion hebdomadaire à la Maison du Centre sous la présidence de Bahia Hariri, députée de Saïda, le bloc a souligné « les efforts que déploie Saad Hariri pour paver la voie à une phase de transition ». Dans le cadre de celle-ci, « un gouvernement de spécialistes devrait assumer le pouvoir exécutif, pour recouvrer la confiance (populaire) et résoudre les problèmes économiques, sociaux et ceux relevant du quotidien des gens, afin de répondre aux revendications justes du soulèvement populaire », a ajouté le bloc dans un communiqué.
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Le Hezbollah s’entête
En face, le Hezbollah persiste et signe : le prochain gouvernement devra être techno-politique, c’est-à-dire comprendre aux côtés des experts des représentants des partis traditionnels, dans la mesure où le pays passe par une situation difficile qui exige des décisions que devraient prendre des politiques, comme le souligne à L’Orient-Le Jour une source gravitant dans l’orbite du parti.
Dans des milieux proches du tandem chiite, on assure cependant qu’aussi bien le parti de Hassan Nasrallah que le mouvement Amal du président de la Chambre, Nabih Berry, sont attachés à ce que Saad Hariri soit reconduit à son poste, comme l’avait déclaré le chef du législatif lui-même à la chaîne NBN jeudi dernier.
D’ailleurs Hussein Khalil, bras droit de Hassan Nasrallah, et le ministre sortant des Finances, Ali Hassan Khalil, conseiller de M. Berry, ont réitéré cette position devant M. Hariri, lors de leur réunion samedi. Mais selon des sources informées, la réunion n’a pas débouché sur un accord, d’où l’impasse actuelle. D’autant que le Premier ministre sortant n’arrive toujours pas à se décider au sujet de sa reconduction (ou non) à son poste, quel que soit le cas de figure.
C’est ce qui expliquerait, selon les mêmes sources, le fait que Hassan Nasrallah ait sciemment évité de s’attarder sur l’épineux dossier gouvernemental hier. Le dignitaire chiite a consacré près de la moitié de son discours aux crises régionales, refusant d’évoquer « le dossier de la formation du cabinet ou de la désignation du Premier ministre parce que les discussions sont en cours ». « Nous gardons nos portes ouvertes afin de parvenir au meilleur résultat », s’est-il contenté de déclarer.
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La position du CPL
Le Courant patriotique libre insiste lui aussi pour que la prochaine équipe ministérielle mêle spécialistes et figures politiques, contrairement à la volonté de son partenaire haririen. Le groupe parlementaire Liban fort est d’ailleurs revenu hier à la charge à ce sujet. À l’issue d’une réunion du bloc, le député Ibrahim Kanaan a rappelé que son parti réclame un gouvernement de spécialistes qui obtiendrait l’aval du Parlement – contrôlé par les partis traditionnels – et dans lequel le mouvement de contestation serait représenté. « Ce gouvernement doit permettre de trouver des solutions raisonnables à la crise », a-t-il ajouté.
Mettant une fois de plus en relief le désaccord entre les deux piliers du compromis présidentiel, sur le prochain cabinet, les propos de M. Kanaan remettent subtilement sur le tapis l’attachement du CPL à la proposition que son chef, Gebran Bassil, avait soumise à Saad Hariri, lors de leur rencontre le 4 novembre. Le leader du CPL avait alors invité M. Hariri à nommer une personnalité proche de lui pour diriger le futur gouvernement, qui serait composé des spécialistes bénéficiant de l’aval des partis politiques, ce que le chef du gouvernement aurait refusé.
Selon un observateur politique, à travers la déclaration de M. Kanaan, le CPL a relancé sa proposition initiale, tout en faisant allusion à une procédure constitutionnelle, à savoir le vote de confiance au Parlement. Toutefois, il relève que les blocs parlementaires présents à la Chambre ne peuvent imposer au Premier ministre désigné leurs ministrables, comme le veut la proposition Bassil. Et de souligner, sur ce plan, que, contrairement aux consultations présidentielles, les consultations parlementaires du Premier ministre avec les divers groupes politiques ne sont pas contraignantes.
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Les critiques du PSP et des FL
Pour sa part, le bloc joumblattiste a constaté hier ce que tout le monde sait déjà : à savoir que ces tractations constituent une tentative de former le cabinet avant même la désignation du Premier ministre. Dans un communiqué, le bloc joumblattiste, réuni hier sous la présidence de Teymour Joumblatt, député du Parti socialiste progressiste, s’est dit « étonné » de la chose. Et de critiquer « le retard du chef de l’État à consulter les députés dans des circonstances complexes qui ne tolèrent aucun report ». Le bloc joumblattiste a également appelé, une nouvelle fois, à la mise sur pied d’un « cabinet de sauvetage neutre ».
De même, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a critiqué, lors d’un point de presse à Meerab, les atermoiements concernant les consultations parlementaires et réitéré son appel à la formation d’un cabinet de spécialistes.
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commentaires (10)
TECHNO MUSICAL, VOILA LE CABINET QUI NOUS SERVIRA LE MIEUX, ACCORDER LES VIOLONS DE TOUTES LES BONNES AMES .
Gaby SIOUFI
15 h 26, le 12 novembre 2019