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La révolution en marche - Révolution

À Tripoli, les manifestants arrachent les portraits des zaïms

On arrache les portraits de Saad et d’Ahmad Hariri.

Un touriste qui débarque à Tripoli penserait probablement que le pays est en période de campagne électorale. Mais les rues de la ville et les façades de ses immeubles sont en permanence parées de portraits géants des principales figures sunnites du Liban. Sur la place al-Khannaa, un portrait grandeur nature de Nagib Mikati, frappé d’un message laudateur, est affiché sur un immeuble de plusieurs étages. Saad Hariri, Achraf Rifi, Mohammad Safadi, Fayçal Karamé et Samir Jisr, entre autres, n’ont rien à lui envier. Chaque quartier de la capitale du Liban-Nord a choisi son leader sunnite et chacune de ces figures a son lot de portraits, de banderoles et de slogans. Les portraits de la députée du courant du Futur Dima Jamali, la main posée sur le cou et la tête légèrement inclinée à gauche, font irruption dans le paysage, conférant au tableau une touche féminine.

Hier, un groupe de jeunes manifestants ont pris l’initiative d’arracher des portraits des zaïms traditionnels. Ils se sont réunis place Abdel Halim Karamé et ont parcouru les rues les plus pauvres de la ville où, paradoxalement, les portraits sont plus grands et plus nombreux. Cette initiative n’est pas sans rappeler une précédente qui avait eu lieu le soir même du déclenchement du soulèvement populaire.

Dès le 17 octobre, la rue à Tripoli s’était mobilisée. Des manifestants ont arraché des portraits du Premier ministre Saad Hariri, de l’ancien chef de gouvernement Nagib Mikati et du député Fayçal Karamé. Ces photos décoraient les façades d’immeubles qui donnaient sur la place Abdel Hamid Karamé, où les manifestants se réunissaient. Cependant, suite à la démission du Premier ministre sortant Saad Hariri et aux poursuites engagées par la juge Ghada Aoun contre l’ancien Premier ministre Nagib Mikati, des Tripolitains ont affiché une solidarité avec les deux leaders sunnites et ont aussitôt accroché leurs portraits dans la ville.



(Lire aussi : Place Riad el-Solh, la formidable solidarité des étudiants face à l’« État voyou »)



Portraits vs drapeaux
En début de semaine, un appel anonyme a été lancé sur les réseaux sociaux incitant les Tripolitains à se débarrasser des portraits des zaïms. Jusqu’à présent, l’identité de la personne qui avait lancé l’appel demeure inconnue du grand public, mais aussi des jeunes qui ont répondu à l’appel. Youssef Takriti, 24 ans, précise qu’il a vu l’appel sur les réseaux sociaux et a décidé de participer. « Cette initiative ne prétend pas arracher tous les portraits de la ville de Tripoli parce que nous n’avons pas les moyens de le faire et parce que nous n’avons pas le droit d’arracher des posters collés sur les façades d’immeubles privés », explique-t-il à L’Orient-Le Jour avant de poursuivre : « Nous avons tenté d’arracher quelques photos sur les poteaux qui relèvent du domaine public. »

« Cette initiative est avant tout symbolique et non violente », assure M. Takriti. Au cours de la marche, et à chaque fois que le groupe se trouvait devant un poster accroché sur un poteau, M. Takriti lançait un appel aux habitants du quartier. « Nous ne cherchons pas à vous provoquer, nous voulons juste nettoyer notre ville des photos de zaïms qui ne cessent d’exploiter la pauvreté et la misère dans laquelle sombre le peuple », lance-t-il avant d’appeler le propriétaire du poster à se joindre au mouvement. Si le propriétaire s’avère être absent, un manifestant grimpe aussitôt sur le poteau, arrache le portrait et le remplace par le drapeau libanais sous l’acclamation de la foule qui scrute le moment de la chute du poster.

De son côté, Nour Jaffan, une Beyrouthine vivant à Tripoli, estime que les habitants ne devraient pas afficher des portraits des chefs politiques même s’ils les soutiennent. « Seul le drapeau libanais doit être affiché sur les espaces publics parce qu’il représente l’unité du peuple », ajoute-t-elle. Pour Mme Jaffan, il s’agit également d’une pollution visuelle. « Les photos des zaïms rendent la ville laide, j’aurais mille fois préféré qu’elles soient remplacées par des peintures artistiques s’il faut absolument accrocher quelque chose », conclut-elle non sans une pointe d’humour.

En fin d’après-midi, les protestataires ont réussi à arracher quelques posters ici et là. Dans ce cadre, il convient de noter que bon nombre de personnes qui acceptent d’accrocher des posters des chefs politiques sont payées une somme mensuelle par le personnage lui-même. « Nous nous rendons compte de la difficulté de cette mission », avoue M. Takriti avant de conclure : « Pour cela, nous avons voulu servir d’exemple aux autres Tripolitains dans l’espoir qu’ils prendront chacun l’initiative d’arracher le portrait qu’il avait un jour accroché. »



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commentaires (2)

PARTOUT AU LIBAN LES POSTERS DES ZAIMS SONT BONS POUR LES TOILETTES.

LA LIBRE EXPRESSION

14 h 33, le 08 novembre 2019

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Commentaires (2)

  • PARTOUT AU LIBAN LES POSTERS DES ZAIMS SONT BONS POUR LES TOILETTES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 33, le 08 novembre 2019

  • "bon nombre de personnes qui acceptent d’accrocher des posters des chefs politiques sont payées une somme mensuelle par le personnage". Je salue le courage et la maturité politique de ceux qui retirent ces portraits de manière pacifique. Pauvre Liban où les citoyens-électeurs se faisaient payer par leurs voleurs pour les élire, afficher leurs photos et leur donner le prestige et l'emprise qui permet tous les excès en toute impunité. Nous avons un long chemin à parcourir vers la vraie démocratie. J'espère voir la fin de l'ère du "Zaim" de mon vivant. Vive le Liban démocratique et faisons ce que nous pouvons pour encourager et soutenir cette jeunesse courageuse qui fait le ménage dans notre peu reluisant héritage.

    El moughtareb

    11 h 27, le 08 novembre 2019

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