Rechercher
Rechercher

Liban - Eclairage

Pourquoi la classe dirigeante libanaise craint un cabinet d’indépendants

La crainte de s’exposer à une reddition de comptes et de perdre la couverture fournie par les institutions légales est le principal motif cité par les analystes politiques.


Un Conseil des ministres, réuni sous la présidence du chef de l’État Michel Aoun. Photo d’archives

La quatrième semaine du soulèvement populaire, réclamant comme un seul homme un gouvernement de technocrates indépendants, vient d’être entamée sans que les responsables politiques semblent vouloir satisfaire cette demande. Une demande qui illustre le rejet des partis, que la rue accuse de corruption ayant entraîné le pays au bord de l’effondrement. Pourquoi la classe dirigeante appréhende-t-elle la prise en charge de la situation par des spécialistes politiquement neutres alors que ceux-ci viendraient œuvrer en vue de réformes radicales à même de redonner confiance aux Libanais et de sortir de l’impasse ?

Un analyste politique requérant l’anonymat affirme à L’Orient-Le Jour que la classe dirigeante craint la venue au pouvoir d’hommes « indépendants, compétents et courageux, qui voudraient travailler selon leur conscience en ouvrant d’emblée des dossiers dans lesquels sont impliqués des responsables ». « Avant même de se pencher sur l’élaboration de nouvelles lois anticorruption, un gouvernement de ministres neutres chercherait d’abord à examiner les questions suspectes qui se cachent au sein des ministères », affirme-t-il, évoquant « l’existence de nombreuses dénonciations initiées par les médias et auprès des parquets à partir desquelles ce cabinet pourrait entamer ses prospections ». « Beaucoup de marchés et de malversations seraient alors mis au grand jour, notamment au plan de l’électricité (navires-centrales), de l’environnement (déchets et carrières), des affaires sociales (associations fictives), des finances (fonds publics pillés), et d’autres dossiers concernant la quasi-totalité des ministères, dont ceux de la Santé et de l’Éducation », souligne l’analyste, estimant que « l’idée d’être mis à découvert terrorise ceux qui ont fait partie de gouvernements successifs durant les trente dernières années ». « C’est pour ne pas être exposés à une reddition de comptes que les dirigeants ne veulent pas désigner des technocrates ayant des marges d’indépendance et n’ayant peur de personne », note-t-il, estimant que « s’ils proposent un gouvernement techno-politique c’est pour se protéger, sachant que les nouveaux ministres, intègres et non vindicatifs, qui en feraient partie ne seraient pas majoritaires et ne pourraient donc pas agir efficacement dans le sens d’une réforme radicale ».



(Lire aussi : Deux fauteuils et un vasele billet de Gaby NASR)



Caverne d’Ali Baba
Un avis partagé par Karim Bitar, directeur de recherches à l’Institut international de relations internationales et stratégiques (IRIS), également consulté par L’OLJ. Il note que « ce n’est pas de technocrates dont ont peur les partis, mais d’hommes indépendants et audacieux, à même de faire la lumière sur la caverne d’Ali Baba dans tous les ministères ». « Les élites actuelles ne manquent pas d’experts et de techniciens qui leurs sont inféodés et qui, s’ils deviennent ministres, se feraient instrumentaliser et coopter », indique M. Bitar, estimant à cet égard qu’un gouvernement techno-politique « signifierait que les partis existants restent aux commandes des grandes orientations et que les technocrates servent de vitrine pour le maintien de l’establishment ». « Or le pays a besoin de responsables capables de s’attaquer aux dossiers chauds en ayant le courage d’affronter les intérêts privés. C’est de voir ceux-ci accéder au gouvernement qui inquiète la classe au pouvoir », lâche Karim Bitar.

Se couvrir contre les accusations et condamnations de corruption n’est pas le seul motif pour lequel les partis politiques rejettent l’idée d’un gouvernement d’indépendants. « Ils ne veulent pas abandonner le pouvoir parce que les institutions légales leur offrent une couverture, un bouclier vis-à-vis de la communauté internationale », estime Sami Nader, analyste politique et économique, joint par L’OLJ. « La carte du gouvernement libanais est aujourd’hui une carte qu’ils (en référence au Hezbollah) ne veulent pas lâcher, alors qu’elle est minée », poursuit-il, craignant qu’en « échange de leur insistance à se maintenir au pouvoir, le prix à payer serait l’écroulement ».

Outre de ne pas céder aux demandes de la rue, une deuxième option, en l’occurrence un gouvernement techno-politique, semble tout aussi dangereuse, estime M. Nader. Une formule qu’il décrit comme « un bluff », puisque, dit-il, « le gouvernement qui vient de tomber était techno-politique par excellence ». « Désigner des indépendants issus de la société civile en leur donnant un faible quota, par rapport à celui des politiciens, est un choix qui ne pourra pas marcher, parce que d’une part la rue n’accepterait pas et de l’autre le gouvernement ne bénéficierait pas de la confiance internationale », ajoute-t-il.

Selon lui, « écouter la rue est une opportunité pour sortir de la crise, à défaut de quoi, c’est tout l’édifice économique et financier qui risque de s’effriter ». « Mais le Hezbollah a-t-il la latitude de céder, ou son agenda régional prendra plutôt le dessus ? » s’interroge Sami Nader.



Lire aussi

Soudaine accélération des contacts... en attendant Nasrallah

Voilà pourquoi le 8 Mars souhaite un gouvernement « politique »le décryptage de Scarlett Haddad

Deux rencontres en 48 heures entre Hariri et Bassil, le décryptage de Scarlett Haddad

La quatrième semaine du soulèvement populaire, réclamant comme un seul homme un gouvernement de technocrates indépendants, vient d’être entamée sans que les responsables politiques semblent vouloir satisfaire cette demande. Une demande qui illustre le rejet des partis, que la rue accuse de corruption ayant entraîné le pays au bord de l’effondrement. Pourquoi la classe dirigeante...

commentaires (16)

Certains de nos concitoyens évoque parfois le général de Gaulle. Ils ont raison. Le général de Gaulle n'avait jamais apprécié que son fils, l'Amiral Philippe de Gaulle, soit décoré afin que l'on ne dise pas "C'est à cause de son père". L'Amiral Philippe de Gaulle n'a jamais accepté un mandat politique afin que l'on ne dise pas "C'est à cause de son père". L'Amiral Philippe de Gaulle a été élu "Sénateur" en 1986 soit 16 ans après la mort de son père. Cela dément toutes les comparaisons !

Un Libanais

09 h 59, le 09 novembre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (16)

  • Certains de nos concitoyens évoque parfois le général de Gaulle. Ils ont raison. Le général de Gaulle n'avait jamais apprécié que son fils, l'Amiral Philippe de Gaulle, soit décoré afin que l'on ne dise pas "C'est à cause de son père". L'Amiral Philippe de Gaulle n'a jamais accepté un mandat politique afin que l'on ne dise pas "C'est à cause de son père". L'Amiral Philippe de Gaulle a été élu "Sénateur" en 1986 soit 16 ans après la mort de son père. Cela dément toutes les comparaisons !

    Un Libanais

    09 h 59, le 09 novembre 2019

  • Président Général Aoun. Assumez vos responsabilités! Vous avez une chance unique pour rentrer dans l'histoire. Ana al gharik khowfia mina'l balal? Allez-y.

    PPZZ58

    20 h 56, le 08 novembre 2019

  • Des hommes indépendants et audacieux doivent diriger le pays pour sortir de la mafia et des miliciens.

    Antoine Sabbagha

    19 h 11, le 08 novembre 2019

  • Saad prit entre l’enclume et le marteau veut rendre son tablier. Mais pour rien au monde, les usurpateurs ne cèderont. Le Hezb et Amal s’attache à Saad plus qu’à leur bourse. Car ils savent que son départ signifie une autre défaite pour l’establishment pro Iranien et un pas de plus en avant dans la marche pour boucler les voleurs en prison. Kellon ya3ni kellon !

    Aref El Yafi

    14 h 59, le 08 novembre 2019

  • ÇA NE MARCHERA JAMAIS AVEC HARIRI COMME PREMIER MINISTRE. UNE PERTE DE TEMPS. IL FAUT PAS RÊVER QUE BERRI ET H. NASRALLAH VONT DONNER UNE CARTE BLANCHE À HARIRI. AOUN ET BASSIL NON PLUS, POUR FORMER UN GOUVERNEMENT PROPRE. OUBLIEZ ÇA. HARIRI CONNU COMME AGENT SAOUDIEN. PENSEZ Y QUE L'IRAN VA ACCEPTER DE CÉDER LE LIBAN ENTRE LES MAINS DE L'ARABIE SAOUDITE ???. DONC SI HARIRI AURA LE FEU VERT, C'EST À DIRE QU'IL VA NOUS AMENER LES MÊME AVEC D'AUTRE MASQUES. IL EST TELLEMENT FAIBLE QU'IL VA ACCEPTER DE JOUER CE JEU. MAIS LES GENS SONT RÉVEILLÉS C'EST TROP TARD DE JOUER À CE JEU LÀ MESSIEURS LES MINISTRES, AOUN, BASSIL, BERRI, NASRALLAH ET TOUS CES MERCENAIRES. TROP TARD.... KOULLON YANI KOULLON.

    Gebran Eid

    14 h 21, le 08 novembre 2019

  • LES NOUVEAUX INDEPENDANTS POURRAIENT BIEN ETRE UNE AUTRE CHOSE. UNE FOIS SUR LES CHAISES IL Y AURAIT METAMORPHOSE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 59, le 08 novembre 2019

  • Devant l'obstruction il y a un homme + une formation créée par les Pasdaran. C'est clair, net et précis.

    Un Libanais

    11 h 52, le 08 novembre 2019

  • ARTICLE VRAI DANS TOUS SES SENS. MAIS ILS SONT CRAMPONNES A LEUR MAINMISE ET NE LACHERAIENT PAS MEME AU PRIX DE L,EFFONDREMENT TOTAL DU PAYS. CE SONT LES ORDRES DU FAKIH. 3ALAYNA WA 3ALA A3DAIINA...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 53, le 08 novembre 2019

  • Ah, donc voilà pourquoi ces gens là payaient des millions de dollars pour acheter nos voix, pour des postes dont le salaire officiel est de quelques milliers de dollars... Maintenant qu’on y pense, ils n’auraient jamais pu récupérer leur investissement sur leur salaire uniquement avant plusieurs milliers d’années. Il y avait donc anguille sous-roche... Mais pourquoi n’y avons pas pensé le jour où nous avons voté? Pour les 500$ par voix que ça nous a rapporté? Imbéciles que nous sommes. Walla, on a le gouvernement qu’on mérite. Rien à dire...

    Gros Gnon

    10 h 24, le 08 novembre 2019

  • """ le Hezbollah a-t-il la latitude de céder, ou son agenda régional prendra plutôt le dessus ?""" C'est le point essentiel qui rend impossible la formation d'un vrai gouv de salut. La "rue", donc les CITOYENS arriveront a renverser les acteurs politiques avec un peu plus de persévérance..... mais le danger reel - le vrai danger- que, semble t il on a encore PEUR de crier haut et fort, le VRAI DANGER reste le representant de wali fakih qui vraisemblablement n'hesiterait pas a appliquer la politique de la terre brulee plutot que de ceder un pouce et remettre en question cette politique. Pourtant seule la fin de cette alienation est capable de nous sauver.

    Gaby SIOUFI

    09 h 59, le 08 novembre 2019

  • Pourtant c’est très simple il faut dès maintenant fixer une amnistie fiscale et judiciaire à toute personne qui rendra la moitié de ce qu’il a volé avant fin Décembre. Cela simplifierait les procédures engagées qui prennent du temps et peuvent leur permettre de planquer le pognon dans des paradis fiscaux !

    PROFIL BAS

    08 h 47, le 08 novembre 2019

  • En résumé, il n’y aura jamais de gouvernement formé de seuls technocrates! Pourtant il y a beaucoup de personnes extrêmement compétentes issues de la société civile ce qui n’est malheureusement pas le cas de la majorité des hommes politiques

    Lecteur excédé par la censure

    07 h 25, le 08 novembre 2019

  • "C’est pour ne pas être exposés à une reddition de comptes que les dirigeants ne veulent pas désigner des technocrates ayant des marges d’indépendance et n’ayant peur de personne". Tout est là! Voilà pourquoi Gebran Bassil, par exemple avait exigé que le ministère de l'énergie demeure dans son giron. De même pour Berry et les finances. Voilà pourquoi nous sommes toujours sans gouvernement. Et tant pis si le pays s'écroule pourvu que ce ne soit pas sur notre tête!

    Yves Prevost

    06 h 54, le 08 novembre 2019

  • Raison de plus de voir émerger un groupe de personnes- et non pas une seule- qui soit representatif du peuple manifestant, plutôt que de laisser vacante cette représentation Sans elle, comment faire contrepoids aux manigances du pouvoir en place? Demander un gouvernement de technocrates suffit? Je ne le crois pas. Oui tous nous souhaitons la nomination d'un groupe de personnes élu ou reconnu, du fait d'abord de sa probité, de sa compétence, peu importe ses composantes confessionnelles; Mais avant d'être de simples technocrates, ce groupe ne devrait-il pas avoir surtout une vision politique claire des enjeux prioritaires à régler?. Technocrates après. Cette vision claire et consensuelle des priorités socio-politiques permettra alors et seulement alors à ce groupe, non seulement de representer la rue, mais de donner un sens à l'action des technocrates. C'est a dire d'agir comme experts eux mêmes et/ ou de confier à des experts/ technocrates le travail à realiser. Laisser cette carte entre les mains de ceux qui sont aujourd'hui au pouvoir, c'est leur laisser decider du travail des technocrates avec les mêmes risques de réformes inutiles, coûteuses et contreproductives, dans le même climat d'arrangements douteux, avec tout son cortège de corruption et de collusion. Ce gouvernementne serait toujours pas crédible , la situation socio- economique du pays empirerait et le changement voulu par tout un peuple, serait une nouvelle fois sacrifié. AHomsy Montreal

    Alfred Homsy

    06 h 35, le 08 novembre 2019

  • Mais voyons, Messieurs, vos analyses sont l’évidence même... Pensez-vous une minute que tous ces politiciens sont l’exemple même d’un patriotisme pur et dur qui ne pensent qu’à améliorer les conditions de vie de leurs concitoyens? Croyez bien que c’est le dernier de leurs soucis: tant qu’ils se sentaient intouchables dans leurs petits royaumes communautaires et qu’ils se remplissaient les poches à qui mieux-mieux, dans une sorte de concours à qui pourra amasser la plus grosse fortune, ils étaient à des années-lumière de réaliser l’ampleur de la catastrophe économique et sociale qu’ils laissaient derrière eux, et, dans leur stupidité et cupidité sans limites ils s’imaginaient que ce cirque grotesque pouvait continuer ad vitam eternam... Et voilà qu’ils font face à une réaction populaire unique et qui les menace de prés: moment de choc collectif qui les prend de court, les culottes baissées, d’ou ce flottement de 22 jours, puis ils se ressaisissent, tergiversent, font semblant de faire des concessions, mais ils réalisent bien qu’ils ont tout à perdre et risquent de se retrouver en prison s’ils acceptent la condition de démission collective et se faire remplacer par des technocrates indépendants! Donc, cessons de rêver: ils ne se laisseront pas faire et vont ruer dans les brancards et créer le chaos s’ils n’arrvient pas à se maintenir au pouvoir... Allez, il y’a encore un long chemin à parcourir, mais il faut tenir bon!

    Saliba Nouhad

    03 h 09, le 08 novembre 2019

  • CERTAINS, CEUX QUI CRAIGNENT LE PLUS, SONT CEUX QUI ONT LA MAINMISE FAKIHIENNE SUR LE PAYS ET NE VEULENT PAS LA PERDRE PAR ORDRE DE LEURS MAITRES PERSES. ILS SONT LES SEULS A REFUSER UN CABINET D,INDEPENDANTS. LE DANGER QUI PEUT METTRE LE FEU AUX POUDRES DANS LE PAYS VIENT DE CE COTE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 59, le 08 novembre 2019

Retour en haut