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Liban - Crise

À Zghorta, la contestation des sacs poubelles

Les habitants de la ville du Liban-Nord se sont joints un peu tardivement au mouvement national de protestation.


La marche des « masques silencieux », lundi à Zghorta. Photo Yorgo Francis

En début de semaine, Zghorta a rejoint, un peu tardivement, la contestation qui secoue le pays depuis le 17 octobre. En sus des multiples griefs qui poussent les Libanais de toutes les régions à manifester, les habitants de cette localité du Liban-Nord ont une raison supplémentaire pour se révolter : la crise des déchets qui sévit dans la localité depuis quelques semaines. Cette crise n’est pas sans rappeler celle qui avait frappé Zghorta et trois autres cazas du Liban-Nord en mai dernier et qui avait duré des mois.

Mardi, des habitants ont ainsi décidé de déplacer les sacs poubelles qui s’entassaient des deux côtés de la rue principale au milieu de la voie, et ce afin de bloquer la circulation. « Nous aurions pu nous asseoir ou nous mettre debout sur la route et la bloquer de cette façon, mais nous avons trouvé que ce serait mieux que la route soit bloquée par les sacs de déchets qui sont, en grande partie, à la base de notre mouvement », explique Kamal Douayhi, un étudiant de 22 ans qui a commencé par protester à Beyrouth avant de se rendre dans sa ville natale de Zghorta « pour tenter de la secouer ». Après avoir déposé des sacs de déchets au milieu de la rue, Sandra Douayhi Moawad, qui ressent une profonde colère contre les autorités locales, a décidé de les redéplacer devant la porte du bureau de l’Union des municipalités de Zghorta-Ehden. D’autres manifestants, équipés de gants et de masques chirurgicaux, l’ont aidée à « rendre les sacs de déchets à ceux qui sont responsables de leur entassement dans les rues de la ville ».


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« Non seulement nous ne pouvons pas nous permettre de sortir au restaurant à cause de la crise financière, mais nous ne pouvons pas non plus nous asseoir au balcon à cause de l’odeur nauséabonde qui se dégage des déchets », poursuit Sandra Douayhi Moawad, avant d’ajouter : « J’ai mis les sacs devant le bureau de l’Union des municipalités pour que les responsables subissent les mêmes odeurs que les habitants. »

Pour Kamal Douayhi, ce mouvement cible la municipalité de Zghorta-Ehden parce que manquer à ses responsabilités est une forme de corruption. « S’il est vrai que le ministère de l’Environnement entrave la résolution de la crise des déchets à Zghorta, la municipalité doit exercer une plus grande pression sur le ministère afin d’aboutir à une solution », dit-il avant de poursuivre : « Le conseil municipal doit également multiplier les campagnes de sensibilisation auprès des habitants, et notamment auprès des propriétaires de restaurants qui produisent le plus de déchets, pour les amener à trier. » Le jeune homme assure que ce mouvement ne cherche pas à éradiquer les partis politiques en place, qui apparemment continuent à avoir des sympathisants, mais à obtenir les droits les plus élémentaires de la population.


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Marche des « masques silencieux »

Déjà lundi dans l’après-midi, une centaine de protestataires portant des masques chirurgicaux avaient défilé dans la rue principale de Zghorta. Cette « marche des masques silencieux », comme ils l’ont appelée, s’inscrivait dans le cadre des protestations à l’échelle nationale, mais ciblait la crise des déchets particulièrement. Rapidement, les protestataires, de jeunes étudiants et des lycéens pour la plupart, ont néanmoins repris les slogans répétés depuis le 17 octobre, dont le désormais célèbre « Tous veut dire tous ».

Une fois arrivés devant la municipalité de Zghorta, les protestataires ont voulu entrer dans le bâtiment, mais les forces de sécurité ont refusé de leur ouvrir le portail. Les slogans ont alors été adressés directement au conseil municipal de Zghorta-Ehden. « La corruption se cache aussi dans les recoins des municipalités », a lancé, pour l’occasion, un étudiant.

Parallèlement, environ deux cents lycéens de l’École des religieuses de Nazareth à Kfarzeina et du collège des Frères Mont la Salle à Kfaryéchite se sont levés à l’aube mardi, non pour aller en classe, mais pour empêcher tous les écoliers de la ville de se rendre aux cours. Cette initiative a été motivée par le fait que les écoles de Zghorta continuent à ouvrir leurs portes normalement à l’heure où la majorité des établissements dans le pays sont fermés depuis le début de la contestation.


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Si la mobilisation est timide à Zghorta, cela serait dû, selon les observateurs, au fait que le courant des Marada, présidé par l’ancien ministre Sleiman Frangié, aurait prié ses partisans et sympathisants de ne pas prendre part aux manifestations. De leur côté, les sympathisants du Mouvement de l’indépendance, présidé par le député Michel Moawad, s’abstiennent de participer aux manifestations en raison de la présence de M. Moawad au sein du bloc parlementaire « Le Liban fort », dont la principale composante est le Courant patriotique libre, fondé par Michel Aoun et présidé par Gebran Bassil, une des cibles privilégiées des protestataires.


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