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Liban - Décryptage

Deux rencontres en 48 heures entre Hariri et Bassil

Alors que la rue continue de crier sa colère, surprenant la classe politique par la diversité de ses revendications et par la mobilisation des jeunes en quête d’un avenir dans leur pays, des tractations discrètes se déroulent entre les différents pôles politiques pour accélérer le processus de formation du gouvernement. Mais au 21e jour du déclenchement du vaste mouvement de protestation, les blocages politiques restent nombreux, même si un dialogue sérieux a déjà commencé.

En effet, après la longue rencontre de quatre heures lundi entre le Premier ministre démissionnaire, Saad Hariri, et le chef du bloc du Liban fort (dont le Courant patriotique libre est la principale composante), Gebran Bassil, une autre s’est déroulée hier pour compléter le débat. Selon des sources proches du CPL, c’est la preuve que les discussions entre les deux hommes et ce qu’ils représentent sont en train d’avancer dans le bon sens, c’est-à-dire vers un accord, même si tous les obstacles n’ont pas encore été aplanis. Plusieurs options sont en train d’être étudiées.

Mais avant d’entrer dans les détails, il faudrait procéder à un petit retour en arrière. Depuis le déclenchement du mouvement de protestation, le chef de l’État, Michel Aoun, et M. Hariri étaient en contact permanent pour tenter de trouver des solutions. C’est dans ce contexte que le Premier ministre avait décidé, au bout de 72 heures, de ne pas démissionner et avait présenté un document de réformes imminentes.


(Lire aussi : Les contacts continuent, mais toujours pas d’avancée)



La rue avait alors jugé ce document insuffisant en raison notamment de la profonde crise de confiance envers les dirigeants. D’autres options avaient alors commencé à être évoquées. D’abord, il a été question d’un remaniement ministériel qui devait couvrir, outre le remplacement des quatre ministres démissionnaires des Forces libanaises, quatre autres ministres de différents bords. Mais l’idée s’est heurtée au refus des autres parties de renoncer à un de leurs ministres, dont, à titre d’exemple, Ali Hassan Khalil, Waël Bou Faour, Mohammad Choucair et d’autres. Comme s’il s’agissait de faire assumer au ministre Bassil seul la responsabilité de la révolte populaire. L’idée a donc été abandonnée et les discussions se sont dirigées vers la formation d’un nouveau cabinet.

C’est à ce moment-là que le Premier ministre a pris ses partenaires de court en annonçant la démission de son gouvernement.

Pour le chef de l’État et son camp, mais aussi pour le Hezbollah et le président de la Chambre, Nabih Berry, le choc a été rude. D’autant que l’option était en train d’être étudiée, mais il s’agissait essentiellement d’agir de concert et non en solo.

Le président et son camp ont donc perçu cette démission comme si elle était dirigée contre eux. Ils ont laissé le président de la Chambre et le Hezbollah poursuivre un dialogue discret avec le Premier ministre démissionnaire pour tenter de trouver des solutions, d’autant que l’annonce de la démission avait donné un nouvel élan au mouvement de protestation.


(Lire aussi : Face à la rue en ébullition, le futile bras de fer...)



Selon les informations recueillies, le Premier ministre n’aurait plus supporté la pression de la rue, d’autant que dans les rangs de ses partisans, qui n’avaient jusque-là pas participé au soulèvement populaire, la grogne ne cessait de monter. Il n’avait plus d’autre choix que de démissionner en donnant à cette décision l’aspect d’une rébellion pour calmer d’abord ses partisans. Ceux-ci sont d’ailleurs descendus dans la rue pour réclamer sa désignation à la tête du nouveau gouvernement.

Cheikh Saad pensait dès lors pouvoir négocier son retour en position de force à la tête d’un gouvernement de technocrates. Le président de la Chambre a retenu de cette attitude le désir de négocier et donc de nouer un dialogue. Mais le Hezbollah a eu une autre interprétation. Selon des sources proches de ce parti, le fait pour Hariri de présider un gouvernement de technocrates équivaudrait à remettre entre ses mains toutes les décisions politiques, puisqu’il serait la seule figure politique du gouvernement. Ce serait donc en quelque sorte un retournement contre les rapports de force politiques établis après les élections législatives de 2018, ainsi qu’un retournement contre la tradition qui prévaut dans la formation des gouvernements depuis Taëf.

Face à ces positions antagonistes, le directeur de la Sûreté générale Abbas Ibrahim a repris du service pour pousser Hariri et Bassil à renouer le dialogue. C’est ainsi qu’une première rencontre a eu lieu lundi à la Maison du Centre et a duré quatre heures. Une deuxième rencontre a eu lieu hier, pour poursuivre les discussions. Selon les sources proches du CPL, la première rencontre a permis de rompre la glace entre les deux hommes dont les relations sont passées par des hauts et des bas, et la seconde a permis d’entrer plus directement dans le vif du sujet. Deux formules seraient ainsi envisagées. Si Saad Hariri insiste sur un gouvernement de technocrates indépendants, il devrait donc choisir une personnalité pour le présider. Il aurait été ainsi question de Raya el-Hassan, l’actuelle ministre sortante de l’Intérieur. Bien qu’elle ait globalement fait l’unanimité, elle n’en reste pas moins membre du bureau politique du courant du Futur. Il aurait été aussi question de l’ancien ambassadeur du Liban aux Nations unies, Nawaf Salam, actuellement juge à la Cour internationale de justice. Si, en revanche, Saad Hariri souhaite présider le gouvernement, il s’agirait alors d’un gouvernement mixte, formé de technocrates et de personnalités politiques. En principe, tout le monde est d’accord pour que des représentants du mouvement de protestation intègrent un gouvernement de 24 membres. Mais il faudrait pour cela qu’ils forment une commission pour en discuter avec les responsables. Or le mouvement a préféré jusqu’à présent rester dans l’anonymat, d’abord pour que les personnalités identifiées ne soient pas prises pour cible par les autorités, et ensuite parce qu’il est plus difficile pour les autorités de lutter contre un mouvement dénué de leader.

Les discussions avancent donc dans la plus grande discrétion et si elles aboutissent à un accord minimal, le chef de l’État pourrait fixer avant la fin de la semaine ou au début de la semaine prochaine un rendez-vous pour les consultations parlementaires obligatoires. Derrière le retard dans le déclenchement de ces consultations réside une volonté d’éviter les scénarios habituels de ces dernières années dans le cadre desquels un Premier ministre désigné met des mois à former son gouvernement...


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commentaires (16)

Excellent article qui confirme que la classe politique actuelle est complètement ignorante de ses rôles passés et présents dans l'état actuel déplorable dans lequel notre patrie se trouve. Excellent car il confirme, contrairement à l'intention de Scarlett, que ce même groupe de politiciens nous mène vers un désastre sûr et que son remplacement doit être indiscutable, immédiat et inévitable. Merci Scarlett pour une fois où, tout à la fois, en mal interprétant votre article on comprend la situation.

Wlek Sanferlou

13 h 45, le 07 novembre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (16)

  • Excellent article qui confirme que la classe politique actuelle est complètement ignorante de ses rôles passés et présents dans l'état actuel déplorable dans lequel notre patrie se trouve. Excellent car il confirme, contrairement à l'intention de Scarlett, que ce même groupe de politiciens nous mène vers un désastre sûr et que son remplacement doit être indiscutable, immédiat et inévitable. Merci Scarlett pour une fois où, tout à la fois, en mal interprétant votre article on comprend la situation.

    Wlek Sanferlou

    13 h 45, le 07 novembre 2019

  • Pour une fois suis d'accord avec l'auteure de l'article. Un PM politique et une équipe de technocrate n'est pas logique. Il faut au moins 4 ministres qui représentent les différentes parties politiques pour que la combinaison fonction avec les technocrates. Il faut bien un contrôle politique de l'action du gouvernement !

    Shou fi

    13 h 24, le 07 novembre 2019

  • Nous aurions espéré, chère Madame, après un si long silence, que vous reprendriez votre plume pour nous offrir un sujet lié à l'avenir de ce pays et à cette nouvelle page de son Histoire, qui a commencé à se dessiner au lendemain du 17 octobre 2019... Vous avez préféré rapporter les palabres "douteux" de deux personnages qui représentent un chapitre triste, décevant et clos de notre République actuelle, en tout cas pour plus de la moitié de la population, dont principalement les jeunes de toutes régions et religions confondues. C'est dommage que vous en ayez fait fi!!!

    Salim Dahdah

    12 h 06, le 07 novembre 2019

  • À vous lire, aucun de ces personage n’a compris, vous non plus d’ailleurs. Au bout de XXI jours les revendications des citoyens dans la rue n’ont pas changé. Nous ne voulons plus de leurs représentants ni des gens qui de loin ou de près ont participé à l´effondrement du pays. Alors leur réconciliation ou leurs sourires leurs réunions et leur palabres qui hérissent les Libanais plus qu’ils ne les rassurent font l’effet de provocations supplémentaires. Comment continuer à discuter entre eux pour placer leurs pions en changeant les noms alors que nous voulons exactement le contraire. Ils continuent à vouloir représenter le peuple alors que tous leurs partisans d’hier sont dans la rue pour réclamer leur éviction. Ils faut qu’ils comprennent que dorénavant ils ne représentent plus personne. Ils sont devenus le symbole de la faillite du pays, le diable en personne. Alors du vent. Qu’il ne daignent surtout pas faire l’annonce d’un nouveau cabinet avec des membres de l’ancienne bande d’Ali Baba. Ça fera l’effet d’une bombe et prouvera une fois de plus leur mépris pour les citoyens

    Sissi zayyat

    11 h 35, le 07 novembre 2019

  • Quelle bonne idée de retrouver SH ici. Non pas que je partage toutes ses idées, non, mais il est bon que l'OLJ ne soit pas monochrome et puis SH a toujours d'excellentes sources: on apprend par exemple que Gebran Bassil n'est pas le seul à s'accrocher à son maroquin. Waël Bou Faour, Ali Hassan Khalil, Mohammad Choucair continuent à être soutenus par leurs chefs respectifs au mépris des revendications des manifestants. Bref, rien n'a changé au royaume des potentats locaux. Infos très intéressantes aussi sur la stratégie prêtée à RH et sur les autres noms pressentis.

    Marionet

    11 h 29, le 07 novembre 2019

  • welcome back Mm Haddad VOUS NOUS AVEZ MANQUE SUJET ENFIN TRAITE CORRECTEMENT ET SANS TROP DE PARTI PRIS LA REVOLUTION PENSE QUE LE PREMIER MINISTRE ,( SUNNITE ) LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE,( CHIITE ) LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ( MARONITE ) DEVRAIENT LES TROIS QUITTER LE POUVOIR EN MEME TEMPS , C'EST SEULEMENT POUR CELA QUE L'ON ACCEPTE MR HARRIRI ENCORE COMME PREMIER MINISTRE LA REVOLUTION AUSSI EN A MARRE DES COMBINES FAITES DANS L'OBSCURITE ENTRE LES PARTIS QUELQU'ILS SOIENT POUR ARRIVER A UN ACCORD JE PREND CA , TU PRENDS CA, CE SYSTEME DOIT MOURRIR IL FAUT UN MINISTERE ET UNE OPPOSITION PAS UN PARTAGE DU GATEAU . L' OPPOSITION DES 3 KATAEB,PLUS 1 PAULA YACOUBIAN ET MAINTENANT LES FL SAURA FAIRE JOINDRE AU MOMENT DES VOTES LES QUELQUES LIBANAIS ENCORE PURS POUR ARRACHER LE PAYS DES GRIFFES DES INCAPABLES ET DES CORROMPUS DE TOUTE FACON LES VOTES DEVRONT SE FAIRE CLAIREMENT ET OUVERTEMENT PAS EN CACHETTE WELCOME BACK Mm HADDAD a nouveau La raison est elle que vous avez enfin compris que le peuple prime sur les partis quelqu'ils soient?

    LA VERITE

    10 h 52, le 07 novembre 2019

  • Scarlett, comme la ligne politique qu'elle defend, tente de minimiser cette revolte. Selon vous chere madame tout revient a une volonte du premier ministre sortant d'avoir une plus grosse part du gateau, hein ? Pas un mot sur un etat failli? des banques qui refusent de parler a leur clients ? l'electricite ? l'eau polluee ? la destruction des rares emplois encore disponible ? l'exportation des jeunes en tant que modele economique ? Encore une fois, la n-ieme, vous vous retrouvez completemnt a l'ouest (c'est a dire hors-sujet et vachement decale des realites).

    Lebinlon

    10 h 15, le 07 novembre 2019

  • pour des personnes qui ne se "supportent" pas ca fait beaucoup non? 2 rencontres en 48 heures..... pourtant la Saint Valentin est loin!

    Le Herisson

    10 h 05, le 07 novembre 2019

  • DECRYPTAGE QUI DIT LES NON DIT : NASRALLAH ULTRA DECU, POUR LA 1ere FOIS SON DOIGT N'A PAS SERVI, HARIRI NE LUI A PAS OBEI, POUR LA 1ere FOIS, NASRALLAH N'Y PEUT RIEN.

    Gaby SIOUFI

    09 h 26, le 07 novembre 2019

  • "...ainsi qu'un retournement contre la tradition qui prévaut dans la formation des gouvernements depuis Taëf..." C'est justement cette tradition qui ne nous a apporté que des malheurs que les manifestants ainsi que beaucoup de citoyens dénoncent et rejettent ! Mais nos super-responsables de tous bords ne veulent pas comprendre, quitte à enfoncer le pays encore plus profondément dans le gouffre actuel, car ce qui importe pour eux, c'est de garder leurs privilèges ! Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 15, le 07 novembre 2019

  • Tout mais pas un retour de Bassil et de Ali Hassan Khalil au gouvernement

    Tabet Ibrahim

    08 h 01, le 07 novembre 2019

  • Enfin un article clair ,succint , précis, bien fourni en détails importants et impartial ! Scrlett est INDISPENSABLE ! Ahla wsahla de nouveau , tu nous a manqués !

    Chucri Abboud

    07 h 56, le 07 novembre 2019

  • Un article de petite politique politicienne qui est justement le centre de gravité de la grogne populaire. Décidément, il n’y a pas que la classe politicienne qui n’a rien compris ou qui ne vient rien comprendre des raisons du soulèvement populaire quasi unanime contre justement ce comportement de petits politiciens

    Lecteur excédé par la censure

    07 h 40, le 07 novembre 2019

  • De la poudre aux yeux .... ces deux là n ont encore rien compris !! Ils pensent que sans leurs QI (de hariri et Bassil) Les libanais ne valent rien ... et bien cette fois ci très chère Saad vous n allez peut être pas vous en sortir

    Bery tus

    02 h 51, le 07 novembre 2019

  • Vous manquiez sincèrement au débat, Mme Haddad depuis quelques semaines! Certaines mauvaises langues pensaient que vous aviez eu des remords de conscience et que vous aviez rejoint les rangs de la populace anonyme! Il faut reconnaître que le ton de vos décryptages commençait à être plus rationnel, plus nuancé et moins biaisé que par le passé...tel que celui d'aujourd'hui! Une chose avec laquelle nous serions d’accord avec vous, c’est notre premier ministre qui joue à l’innocent à la conscience tranquille, au-dessus de tout reproche et qui veut former sa propre équipe de technocrates, en mettant de côté tous ses opposants politiques... On se moque un peu du monde, et, en effet, il ferait mieux de laisser la place à un sunnite apolitique, expert en sciences politiques et financières s’il est sincère et veut répondre à la foule car nul n’est indispensable... Sinon, qu’il arrête cette hypocrisie, et accepte l’idée d’un cabinet techno-politique qu’il devrait justifier auprès des gens, s’il a l’étoffe d’un homme d’état capable de sortir le pays de cette impasse catastrophique... et accepter l’idée que lui-même et d’autres membres de son parti devraient aussi rendre des comptes... Tout autre scénario ne ce serait qu’une autre mascarade qui ne mènerait à rien, et là, je serais, pour une fois d’accord avec la position du CPL à cet égard,

    Saliba Nouhad

    02 h 41, le 07 novembre 2019

  • LE GENDRE EST LE PERSONNAGE LE PLUS REFUSE... POUR NE PAS DIRE AUTREMENT... DES MANIFESTANTS. ET LE PLUS ENCENSE DE MADAME. SOUBHAN ALLAH !

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 58, le 07 novembre 2019

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