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Michel Eddé, le cœur et l’esprit

Michel Eddé et Nayla de Freige.

Michel Eddé est parti, mais son regard perçant, son air enjoué, sa bienveillance, son appétit pour la vie resteront toujours à portée de mémoire. Il est parti en laissant, plutôt qu’une biographie écrite, des heures et des heures d’interviews télévisées où il livre sa vision du monde, de la politique, de l’histoire ; puisant dans sa culture encyclopédique pour reconstituer la grande fresque des relations entre les communautés présentes depuis l’aube des temps sur les terres mouvantes du Proche-Orient. Son éloquence était naturelle, il parlait avec la spontanéité d’un conteur sachant captiver son public.

À plusieurs reprises, Michel Eddé a été pressenti au poste de président de la République pour servir son pays qu’il aimait profondément. Il savait écouter et concilier les différentes opinions politiques. C’était un homme de dialogue, qui, tout en étant attaché à sa communauté, était à l’écoute de toutes les autres.

Michel Eddé est parti à un moment crucial de l’histoire du Liban. Il aurait sans doute aimé assister au dénouement des événements actuels et pouvoir prodiguer ses conseils aux jeunes acteurs sur le terrain, comme il le faisait toujours. Au journal, il n’aurait pas manqué d’évoquer les racines du problème et de rappeler qu’il faut analyser la situation avec sagesse.

Il est parti laissant derrière lui une descendance dont le succès professionnel, à travers la société Murex, est une référence pour la diaspora libanaise. Ses enfants ont brillamment réussi à l’étranger tout en gardant des liens solides avec leur pays. Ses descendants, sur deux générations, ont aussi choisi d’assurer leur part dans la continuité de notre journal.

Michel Eddé est parti laissant derrière lui une famille unie autour de sa femme Yola, point d’ancrage du noyau familial, connue pour sa sagesse et sa discrétion légendaires.

Pour ma part, j’ai eu la chance de bénéficier de la confiance de Michel Eddé dès mon arrivée au sein du conseil d’administration de L’Orient-Le Jour. Il n’avait pas eu besoin d’apprendre à me connaître, puisqu’il m’avait vue grandir, ayant été le compagnon de route de mon père, son avocat au travail, son ami et son confident.

Pendant près de 20 ans, j’ai travaillé aux côtés de Michel Eddé au titre d’administratrice déléguée de L’Orient-Le Jour avec des pouvoirs élargis. Je le consultais toujours sur les questions essentielles et lui épargnais les soucis quotidiens du journal pour lui laisser le temps de se consacrer aux tâches politiques et sociales qui lui tenaient à cœur.

Ensemble, nous avons consolidé le premier groupe de presse francophone libanais, cette francophonie qu’il défendait avec passion. Nous avons associé à L’Orient-Le Jour le périodique économique Le Commerce du Levant, et nous nous sommes tournés vers les jeunes avec notre titre Les Copains devenu plus tard L’Orient-Le Jour junior. L’Orient littéraire a également fait partie de ce développement, ainsi que de nombreux suppléments et débats sur des sujets d’actualité. Il fut le premier à insister pour rendre la version numérique du journal payante, alors que toute la presse sur la Toile était gratuite. C’était en 2000. La tendance mondiale à ce jour lui a donné raison.

Nos journalistes l’appréciaient pour tout ce qu’il était, mais surtout pour son respect de la liberté éditoriale de L’Orient-Le Jour. L’article d’une journaliste dénonçant une décision culturelle du gouvernement, alors qu’il était ministre de la Culture, restera inscrit dans les annales. Lors de longues réunions avec la direction de la rédaction, il développait ses analyses et savait élever le débat ou remettre le sujet dans un contexte historique qu’il maîtrisait parfaitement.

Un des souvenirs marquants reste le jour de la grande fête des 90 ans de L’Orient-Le Jour, célébrée il y a cinq ans devant les locaux d’avant-guerre du quotidien au centre-ville, en présence des principaux actionnaires et de l’équipe du journal. Notre appartenance à cette grande famille nous remplissait de fierté et nous donnait l’envie et le courage de poursuivre la route vers notre centenaire. Michel Eddé avait institué une culture de mécénat auprès des actionnaires qui ne recevaient pas de dividendes lorsque le journal se portait bien, mais étaient invités à participer à des augmentations de capital lorsque la situation l’exigeait.

Dans notre pays en mutation, le paysage médiatique présente un immense défi. La presse doit plus que jamais jouer un rôle essentiel et responsable dans l’information et l’analyse, pour faire face aux « fake news » tentaculaires, informer et nourrir l’opinion publique, communiquer avec la diaspora.

Aujourd’hui, ma responsabilité prend donc une autre dimension. Il m’appartient, avec tous ceux qui prennent la relève, de préserver le patrimoine reçu en héritage. À nous de perpétuer l’élan, d’encourager la créativité, de motiver nos équipes, afin de passer le relais aux jeunes générations. Nous tiendrons promesse.

*PDG du groupe « L’Orient-Le Jour » et « Le Commerce du Levant »

Michel Eddé est parti, mais son regard perçant, son air enjoué, sa bienveillance, son appétit pour la vie resteront toujours à portée de mémoire. Il est parti en laissant, plutôt qu’une biographie écrite, des heures et des heures d’interviews télévisées où il livre sa vision du monde, de la politique, de l’histoire ; puisant dans sa culture encyclopédique pour reconstituer la...

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Rafic et Saad Hariri ont dit : "Nous cessons de compter au Liban". Sous-entendu quel que soit le pourcentage des chrétiens au Liban, dans les instances représentatives comme le Parlement, ce sera toujours moitié-moitié.(L'OLJ du 4/7/2016). La gloire aux feus Saeb Salam et Rafic Hariri et le succès à Saad Hariri.

Un Libanais

17 h 47, le 05 novembre 2019

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  • Rafic et Saad Hariri ont dit : "Nous cessons de compter au Liban". Sous-entendu quel que soit le pourcentage des chrétiens au Liban, dans les instances représentatives comme le Parlement, ce sera toujours moitié-moitié.(L'OLJ du 4/7/2016). La gloire aux feus Saeb Salam et Rafic Hariri et le succès à Saad Hariri.

    Un Libanais

    17 h 47, le 05 novembre 2019

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