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Liban - Contestation

Les « chemises noires » attaquent les manifestants place Riad el-Solh

Plusieurs blessés sont tombés dans ce qui a ressemblé, brièvement, à une scène de combat.

Une violente confrontation avec les forces antiémeute à la place Riyad el-Solh. Photo Hassan Assal

Le rassemblement des manifestants dans le centre-ville de Beyrouth, entre les places des Martyrs et Riad el-Solh, a été entaché hier de tensions qui ont duré toute la journée, jusqu’au discours du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui a suivi de peu de violents accrochages entre ses partisans et des manifestants.

Sur place, les visages sont inquiets dès la matinée. « Nos amis proches du Hezb nous ont conseillé de quitter les lieux et d’aller écouter le discours à la maison, mais nous refusons de rentrer chez nous », lance une militante aguerrie, habituée du sit-in.

Ceux que les manifestants désignent dorénavant comme les « chemises noires » sont arrivés tôt, se promenant en petits groupes dans les deux places. Ils étaient accompagnés de camions munis de haut-parleurs, destinés à diffuser le discours du secrétaire général du Hezbollah, dans les deux places. Ce groupe, formé en majorité d’hommes jeunes et moins jeunes, mais aussi de quelques femmes, se fait appeler « fachit khilik » (« défoulement ») et ne cache pas son allégeance. « Abou Hadi », scandent-ils, en référence à Hassan Nasrallah, ou encore « Tous, sans exception, mais Nasrallah est le plus honorable ». Place des Martyrs, les partisans du Hezbollah sont arrivés brandissant des photos de l’ancien Premier ministre Fouad Siniora et du ministre des Télécommunications, Mohammad Choucair, accompagnés du slogan « Kellon Yaani Kellon » (tous sans exception).

Ces « chemises noires » se sont d’emblée dirigées vers les tentes dressées à la place Riad el-Solh, à un moment où les manifestants étaient encore peu nombreux. « Ils étaient une soixantaine, raconte une jeune manifestante qui s’y trouvait depuis le matin. Les partisans se sont infiltrés parmi nous, scandant leurs slogans, et les manifestants ont diffusé l’hymne national pour essayer de les calmer. Soudain, ils ont commencé à lancer des bâtons et des pierres. Une vingtaine de personnes, dont je faisais partie, ont décidé alors de s’asseoir par terre pour bien signifier qu’ils n’iront nulle part. »

Cette manifestante raconte une surprenante version des faits. « Je les ai vus lancer des pierres les uns vers les autres, faisant des blessés dans leurs propres rangs, comme s’ils voulaient montrer qu’ils avaient été attaqués, affirme-t-elle. Nous ne sommes pas idiots au point de nous attaquer à eux, notre arme à nous, c’est la protestation pacifique. Et en plus, ils évacuaient leurs propres blessés, ne faisant même pas appel à la Croix-Rouge. » Elle ajoute : « Nous faisons tout pour éviter qu’il y ait une rue opposée à une autre. Nous resterons pacifiques et demeurerons dans la rue autant que ce sera possible. »


(Lire aussi : Le demi-jour des oracles, l'éditorial de Issa GORAIEB) 


Le feu aux poudres…

Peu avant le discours du secrétaire général du Hezbollah, prévu à 16 heures, la tension était à son paroxysme place Riad el-Solh. Face à un petit groupe de membres des forces antiémeute, qui s’interposait entre les manifestants du côté du Grand Sérail et eux, ces partisans scandaient leurs slogans à haute voix, provoquant la colère des manifestants qui affluaient du côté opposé, donnant sur la place des Martyrs. À plusieurs reprises, les partisans ont lancé des projectiles – bâtons, bouteilles d’eau – vers les forces de l’ordre et le groupe de manifestants de l’autre côté, réussissant même, à un certain moment, à contourner la troupe pour s’approcher des autres protestataires. Plusieurs blessés légers sont tombés dans les deux camps comme dans les rangs des forces de l’ordre, qui ont cependant réussi à éloigner les partisans une nouvelle fois de quelques mètres et à former un mur entre les deux groupes.

Est arrivé alors l’inévitable : des manifestants, exaspérés par ce qu’ils considèrent comme des provocations, se postent face aux partisans du Hezbollah avec leurs pancartes. Des disputes éclatent lorsque des partisans s’opposent à des protestataires pacifistes, leur ordonnant de ne pas insulter Hassan Nasrallah. « Tous sans exception, Nasrallah inclus », leur rétorque alors un manifestant. « Ces hommes ont été envoyés pour infiltrer les protestataires », lance un autre manifestant.

Des altercations verbales entre les deux groupes suffisent à mettre le feu aux poudres. Ce qui s’en est suivi est une scène d’une violence extrême : des « chemises noires » qui s’en prennent physiquement à des manifestants, qui ne se laissent pas faire pour autant, des cris, des pleurs, du sang, des injures… et, paradoxalement, des meneurs du groupe « fachit khilik » qui viennent rassurer les manifestants exaspérés et leur assurer que tout va rentrer dans l’ordre. Deux faces d’un même mouvement ou comportement tactique ?

Quoi qu’il en soit, ces meneurs réussissent tant bien que mal à ramener les éléments déchaînés à l’arrière, leur demandant d’écouter le discours du « sayyed » dans le calme. Mais c’est l’arrivée de renforts à la troupe qui va permettre de séparer définitivement les deux groupes. D’un côté, les manifestants scandant les slogans de la révolution à tue-tête, pour bien se faire entendre. De l’autre, les partisans du Hezbollah écoutent leur chef dans un calme tout relatif, en toisant l’autre groupe. Les forces antiémeute, entre-temps, forment une chaîne qui assure une porte de sortie au groupe de partisans en évitant tout contact avec les manifestants.

À la fin du discours, dans lequel Hassan Nasrallah a demandé à ses partisans de rentrer chez eux, ceux-ci sont menés vers la sortie par les forces de l’ordre. Alors que les manifestants applaudissent leur départ, les partisans crient leur allégeance au secrétaire général. La tension est si palpable, là aussi, qu’elle se transforme en jets de pierres, une nouvelle scène de violence que les forces de l’ordre ont du mal à contenir. Alors que les partisans se dirigent finalement vers le pont du Ring plus en hauteur, et poursuivent leur mouvement par des convois de voitures et de motocyclettes dans le centre-ville, les manifestants se réapproprient avec joie la place.


(Lire aussi : Nasrallah : La contestation n'est plus "un mouvement populaire spontané")


Le « blanc » face au « noir »

« C’est comme si cet épisode visait à créer géographiquement et symboliquement un nouveau 8 et 14 Mars, mais la résistance des manifestants, les femmes en première ligne, a fait échouer ce plan », souligne une manifestante.

Une fois le calme revenu, à la place des Martyrs, les irréductibles manifestants agitent leurs drapeaux face à une plateforme centrale. « On nous a prévenus de l’arrivée des “chemises noires”, voilà pourquoi nous sommes arrivés habillés en blanc, crie un meneur. Nous n’avons pas peur. »

D’autres protestataires réagissent au discours du secrétaire général, notamment à ses remarques concernant le soulèvement populaire comme « orchestré par l’étranger ». « Le Hezbollah nous a encerclés dans la place où nous venons nous exprimer, déplore Amal, qui assure que ses amis ont reçu des coups. Et après toute cette violence exercée par ses propres partisans, il prononce un discours très calme. J’y vois une supercherie et une oppression déguisée : pourquoi nous ont-ils obligés à écouter son discours sur haut-parleurs ?

Nous n’étions pas là pour ça, c’est le seul espace où l’on peut s’exprimer librement, sans ce confessionnalisme politique qui nous a fait tout perdre. A-t-il peur pour le pays de notre révolution ? C’est moi qui ai peur pour le pays de lui et de ses semblables. »

Marie-Jo est rentrée au Liban après 21 ans d’exil, et est heureuse que ses enfants participent à ce mouvement. « Je suis là pour dire que je n’ai pas peur, dit-elle. C’est le message de la foule qui va prévaloir, pas son discours. Nous crions le même message dans toutes les régions, et lui ne représente que ses partisans. Il ne fait pas le poids. »

Jad se félicite du fait que le « sayyed » ait demandé à ses partisans de quitter le terrain, mais pense que son discours n’apporte aucune solution. « Notre mouvement n’est pas politisé comme il semble le penser, assure-t-il. Ces personnes se sont rassemblées pour les causes qu’elles défendent, alors que les membres de partis ne se déplacent que pour causer des problèmes. Pour ma part, je ne compte pas quitter la rue parce que je veux défendre mes droits. »

Suite aux événements d’hier, les manifestants appellent la population à participer à une manifestation massive aujourd’hui samedi, à partir de 16 heures.




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Le rassemblement des manifestants dans le centre-ville de Beyrouth, entre les places des Martyrs et Riad el-Solh, a été entaché hier de tensions qui ont duré toute la journée, jusqu’au discours du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui a suivi de peu de violents accrochages entre ses partisans et des manifestants. Sur place, les visages sont inquiets dès la matinée....

commentaires (14)

Incontestablement, le Hezbollah qui fait partie du régime en place, n'est plus à l'abri des critiques et frustrations du peuple qui manifeste ni de cette majorité silencieuse qui ne l'est plus ! Les motards voyous du Hezb ne réussiront pas à déloger qui que ce soit sauf au prix de massacres organisés, ce que l'armée libanaise doit absolument empêcher le cas échéant. Ne jouez pas avec le feu, Sheikh Hassan Nasrallah et dites à vos maîtres iraniens que de tels agissements conduiraient à une fin prématurée de cette milice armée à la solde du régime des Mollahs en Iran. A bon entendeur...

Tony BASSILA

20 h 33, le 26 octobre 2019

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Commentaires (14)

  • Incontestablement, le Hezbollah qui fait partie du régime en place, n'est plus à l'abri des critiques et frustrations du peuple qui manifeste ni de cette majorité silencieuse qui ne l'est plus ! Les motards voyous du Hezb ne réussiront pas à déloger qui que ce soit sauf au prix de massacres organisés, ce que l'armée libanaise doit absolument empêcher le cas échéant. Ne jouez pas avec le feu, Sheikh Hassan Nasrallah et dites à vos maîtres iraniens que de tels agissements conduiraient à une fin prématurée de cette milice armée à la solde du régime des Mollahs en Iran. A bon entendeur...

    Tony BASSILA

    20 h 33, le 26 octobre 2019

  • Les "Chemises noires" sont la milice de l'Accord de Chiyah entre Michel Aoun et Hassan Nasrallah conclu le 6 février 2006 dans le but, entre autres, de placer Michel Aoun à la présidence de la République et d'assurer un ministère permanent à son gendre Gebran Bassil. C'est pourquoi, le Hezbollah est pour la sauvegarde du régime de Michel Aoun et contre la démission du gouvernement.

    Un Libanais

    10 h 38, le 26 octobre 2019

  • Tant que les manifestants sont armés de Foi et du drapeau libanais ,ils ne craindront ni chemises noires ni chemises rouges .

    Antoine Sabbagha

    09 h 36, le 26 octobre 2019

  • Les Persans ont reçu une gifle qui les font oublier complètement tous leurs intérêts régionaux. Sans le montrer une question commence à les tarauder et si ça démarre chez nous? OMG

    PROFIL BAS

    08 h 52, le 26 octobre 2019

  • Hier la « descente » des chemises noires «(ersatz des gilets jaunes ) n’a fait qu’exacerber la détermination des manifestants. Cette envie, de la part des chemises noires d’étaler leur caractère primaire en essayant d’utiliser la violence.... fallait il avoir une cervelle d’huître lobotomisée pour croire que les manifestants céderaient. Par ailleurs comment leur guide suprême peut il tolérer ces exactions, lui qui se définit comme proche des préoccupations des gens. L’effet contraire se produit, notamment à Nabatiyé et Baalbeck, la contestation prend de l’ampleur meme dans les quartiers, réputés, être dévoués à ses préceptes rhétorique..

    C…

    07 h 37, le 26 octobre 2019

  • Fait notable et étrange, est que les injures (voleur, terroriste, sioniste,...) lancées contre le chef des FL ,sont toutes sans fondement et reflètent l'importance du statut de chef de Geagea . Cette haine inexpliquée par la réalité , est motivée par la démission des ministres FL ,une démission qui contrarie la volonté du Hezb, et menace son hégémonie sur la scène politique .

    Esber

    06 h 53, le 26 octobre 2019

  • Ces petits jeunes du hezbollah manipules feraient presque pitie...ils sont les plus defavorises des libanais et soutiennent leur gourou qui soppose atout changement.

    HABIBI FRANCAIS

    06 h 35, le 26 octobre 2019

  • Écoutez bien les déclarations du Patriarche Rai. Ce qu’il demande se réalisera sinon rien ni personnes ne rentrera dans les ordres ...

    Lecteur excédé par la censure

    06 h 25, le 26 octobre 2019

  • Seul le hezbollah est capable de donner l ordre a ses jeunes de se jetter des pierres les uns sur les autres afin de simuler une agression....seul le Hezbollah et le boucher de Damas ont ete capables de telles manipulations ignobles.

    HABIBI FRANCAIS

    06 h 23, le 26 octobre 2019

  • Seid Nasrallah, arrêter d’envoyer vos gangsters parmi nos enfants, nos jeunes filles, nos jeunes gens, nos femmes, nos maris, nos parents, nos grands-parents, nos étudiants, nos universitaires, nos têtes de famille, et tous nos hommes et femmes de métiers. Soixante-quinze pour-cent des protestataires sont âgés de 15 à 25 ans et soixante pour-cent sont du gendre féminin. Arrêtez de les blâmer pour l'état du pays et de les rendre responsables de l'effondrement de l'économie. Arrêter d'accuser les hommes d'affaires, les chancelleries, et les Forces Libanaises de financer cette révolte. Reconsidérez le contenu de votre discours et changez votre approche car vous donnez l'impression de faire partie de cette caste politique qui n'a rien compris. Vous nous tapez tellement sur le système qu'on n’arrive pas à vous donner crédit là où vous le méritez.

    Zovighian Michel

    01 h 44, le 26 octobre 2019

  • Ya ayiib el choum!! Brandir les drpeaux du hezb pour contrer les drapeaux du Liban! Eh oui, le hezb doit courber l'échine et suivre les ordres iraniens. Des ordres qui ne font que le plaisir d'Israël qui a toujours voulu et tout fait poir diviser les libanais en factions religieuses! Le mouvement du peuple,uni en sa libanité, est le seul rempart contre ce désir israeliens! Esperons que le hezb revienne à la raison. Mais tou indique qu'il usera, mal conseillé, de la force, que Dieu protège le Liban!

    Wlek Sanferlou

    01 h 33, le 26 octobre 2019

  • Oula ca chauffe chez nos freres et soeurs chiites. Les vrais resistants sont ceux la meme qui ne se laissent plus berner par les carabistouilles de ce sayyid dont il bafoue le nom. C mauvais tout sa, tres mauvais. Pour tout les libanais a qui lles manifestants tendent la main. Vu que ces derniers manifestent pour des causes communes et non pkus des causes regionales, religieuse ou politique. Mauvais choix du hezb. Premiere faute strategique. Quant auc aounistes, n’en parlont pas, ils ont perdu d’avance les prochaines elections c’est une garantie

    Thawra-LB

    00 h 36, le 26 octobre 2019

  • TRES REGRETTABLE QU,IL AIT LACHE SES MEUTES SUR LES MANIFESTANTS PACIFIQUES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 10, le 26 octobre 2019

  • Lundi , les choses vont rentrer dans les ordres. Les resistants auront réussi à tordre le cou au complot honteux des perdants de mauvaise foi.

    FRIK-A-FRAK

    00 h 09, le 26 octobre 2019

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