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Moyen Orient et Monde - Jihadistes en Syrie

« Plutôt mourir que de tomber aux mains de Bachar »

Que faire des centaines de combattants étrangers actuellement détenus dans le Kurdistan syrien, sous le coup d’un assaut d’Ankara, du redéploiement du régime de Damas et du retrait des Américains ? Experts, défenseurs des droits de l’homme et même responsables sécuritaires ou judiciaires privilégient un rapatriement, mais se heurtent au refus des politiques, qui envisagent un transfert vers l’Irak. Contactées par « L’Orient-Le Jour », des jihadistes européennes disent, elles, attendre l’arrivée des Turcs avec impatience.

Vue générale du camp d’al-Hol en Syrie. Photo d’archives AFP

Le dossier des combattants européens détenus en Syrie était un casse-tête. Depuis le lancement de l’opération turque « Source de paix », il est devenu un cauchemar. Entre 2 000 et 3 000 combattants étrangers, dont environ 800 Européens – sans compter les milliers d’épouses et d’enfants –, seraient détenus dans le Nord-Est syrien depuis la fin officielle de la guerre avec la reconquête en mars de Baghouz (est de la Syrie), dernière parcelle de territoire qui était encore sous contrôle du groupe État islamique. Que faire d’eux alors que le Kurdistan syrien subit un redéploiement du régime de Damas et le retrait des Américains, et que l’opération militaire d’Ankara a visiblement chassé de sa frontière les combattants kurdes, pourtant engagés contre l’EI ? Plusieurs évasions de jihadistes étrangers auraient déjà eu lieu depuis le début de l’offensive turque le 9 octobre, et l’EI a revendiqué avoir récupéré des femmes et des enfants après que le camp de Aïn Issa s’est en partie vidé.

Selon le secrétaire américain à la Défense, Mark Esper, sur les 11 000 détenus, on compte un peu plus de 100 évasions de jihadiste. « On se réveille un peu tard, admet un responsable militaire européen actif au Moyen-Orient. On doit trouver une solution, ce n’est plus tenable. On discute beaucoup mais les politiques ont peur. Toutefois, les prisons ne sont pas encore vides, et le camp d’al-Hol (le plus grand camp de la région pour les familles liées à l’EI) est toujours sécurisé par les Kurdes. Pour le moment. »

La Turquie a annoncé mardi soir qu’elle ne reprendrait pas son offensive militaire contre les forces kurdes dans le nord de la Syrie car ces dernières se sont retirées des zones frontalières, conformément à l’accord arraché il y a cinq jours par les États-Unis. Les présidents russe et turc, Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan, nouveaux maîtres du jeu en Syrie, se sont accordés lors de leur rencontre à Sotchi sur une prise de contrôle en commun de la majeure partie de cette zone du Nord syrien. L’accord ne mentionne toutefois pas quel sera le sort des milliers de jihadistes détenus par les forces kurdes. Les responsables européens s’opposent farouchement au rapatriement de leurs ressortissants. Ils craignent les foudres de l’opinion publique, mais aussi qu’un combattant de l’EI rapatrié ne purge que quelques années de prison – faute de preuves concrètes permettant de le juger pour les crimes les plus graves qu’il aurait commis – et représente une menace une fois remis en liberté.



(Lire aussi : Russie, Iran, Turquie : les limites d’un partenariat en Syrie)


Viols, actes de torture et exécutions sommaires

Dans les camps du Nord-Est syrien, où des centaines de femmes et d’enfants liés au « califat » sont jusqu’ici retenus par les forces kurdes, certaines jubilent tandis que d’autres sont prises de panique. Contactées par L’Orient-Le Jour, plusieurs Européennes retenues dans les camps de Roj ou al-Hol disent « préparer leurs valises ». La plupart de ces femmes sont parfaitement au fait de l’opposition de leur pays d’origine à leur rapatriement. Mais l’avancée de la Turquie et de ses supplétifs islamistes leur donne espoir. « Nous souhaitons que les Turcs nous récupèrent car nous savons qu’une fois (en Turquie), nous pouvons être renvoyées avec nos enfants vers notre pays d’origine », explique par messages électroniques une Belge. Ses codétenues françaises espèrent pouvoir bénéficier du « protocole Cazeneuve », un accord de coopération policière dans la lutte antiterroriste qui, depuis sa signature en 2014 entre Paris et Ankara, permet le rapatriement de jihadistes et de leurs enfants présents sur le territoire turc. « Ici, au camp de Roj, tout le monde attend la Turquie, renchérit une Française de Daech (acronyme arabe de l’EI). Il y a des filles qui rêvent même de prison en France ! » Surtout, toutes disent craindre l’hypothétique arrivée de Damas qui, en vertu de l’accord passé avec les autorités kurdes le 13 octobre, a commencé à redéployer ses forces. « Plutôt fuir ou mourir que de tomber aux mains de Bachar », assurent-elles en chœur. Et pour cause : viols, actes de torture et exécutions sommaires de masse ont été largement documentés dans les geôles syriennes.

La perspective de voir leurs ressortissants, femmes et hommes, tomber aux mains de Damas donne également des sueurs froides aux chancelleries occidentales, craignant qu’Assad puisse les utiliser comme levier politique, alors que la plupart des gouvernements européens perçoivent son pouvoir comme illégitime. Le régime a aussi la fâcheuse habitude d’instrumentaliser les éléments les plus radicaux. Soit en les relâchant, comme lors de l’amnistie de 2011 où des islamistes fraîchement libérés avaient pu partir phagocyter la révolution naissante. Soit en les envoyant lutter contre ses ennemis, comme aux débuts de l’invasion américaine de l’Irak, en 2003. Les combattants de la région transitaient alors par la Syrie, avec la bénédiction de Damas, avant de partir faire le jihad contre les troupes de la coalition. « C’est aux politiques de faire leur évaluation des risques : est-il plus dangereux de rapatrier leurs ressortissants ou de peut-être les voir tomber aux mains de Damas ? » se demandait dès cet été un haut fonctionnaire européen.


(Lire aussi : Erdogan et Poutine s'accordent sur un retrait des forces kurdes du nord-est de la Syrie)


Une troisième voie : l’Irak

Entre le rapatriement ou l’abandon, les chancelleries occidentales planchent sur une troisième voie : un transfert de leurs ressortissants vers l’Irak. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a fait savoir la semaine dernière, lors d’une visite à Bagdad et à Erbil, qu’il travaillait avec les autorités du pays à une coopération « judiciaire » et « pénitentiaire » pour juger en Irak les jihadistes français actuellement détenus en Syrie.

Plusieurs pays européens planchent ensemble sur un mécanisme qui permettrait de judiciariser leurs combattants en Irak, mais dans des conditions qui respecteraient les standards internationaux. Notamment en faisant en sorte que la peine de mort ne soit plus sur la table. Mais les modalités de cette opération complexe restent à déterminer. « D’un point de vue légal, c’est extrêmement compliqué. De tels transferts ne pourraient pas être menés par les Européens eux-mêmes. Ce scénario, présenté par certains comme préférable, est en réalité plus compliqué à mettre en œuvre qu’une opération de rapatriement », estime Thomas Renard, chercheur à l’Institut Egmont, un think tank belge spécialisé dans les relations internationales.

Les défenseurs des droits de l’homme affirment aussi qu’en l’absence d’assurances diplomatiques crédibles, un tel transfert de prisonniers pourrait être illégal en raison du recours systématique de l’Irak à la torture, de l’absence de procès équitable et du fait que les combattants hommes sont presque toujours condamnés à mort. « Au vu des nombreuses incertitudes liées aux développements des derniers jours – celles liées à la légalité de ces transferts et aux conditions de leurs mises en œuvre –, je demeure persuadée qu’à court terme la seule option qui ne soulève pas de violation des obligations internationales est le rapatriement vers l’Europe, martèle Agnès Callamard, rapporteure spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. Et cela afin que les membres présumés de Daech soient jugés dans des conditions qui respectent le droit international, y compris le droit de leurs victimes présumées. »

Cet été, l’experte onusienne avait déjà épinglé la France pour sa possible implication dans le transfert « illégal », de Syrie vers l’Irak, au début de l’année, de onze jihadistes français. Ils avaient ensuite tous été condamnés à mort par pendaison à l’issue de procès qui n’avaient duré que quelques minutes. « Le dossier des combattants étrangers est un test pour nos démocraties, estime la rapporteure. Pour l’instant, nous échouons lamentablement à respecter nos propres standards. »



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commentaires (2)

Leur but était d’imposer la charia à toute l’humanité Prenez les aux mots ! Qu‘ils soient jugés selon leur charia. Comme cela ils seront exaucés. Que demander de plus ? Ca leur fera tout drôle de voir leurs têtes tomber. Et l’humanité sera débarrassée d’eux sans émouvoir personne.

Le Point du Jour.

20 h 42, le 24 octobre 2019

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Commentaires (2)

  • Leur but était d’imposer la charia à toute l’humanité Prenez les aux mots ! Qu‘ils soient jugés selon leur charia. Comme cela ils seront exaucés. Que demander de plus ? Ca leur fera tout drôle de voir leurs têtes tomber. Et l’humanité sera débarrassée d’eux sans émouvoir personne.

    Le Point du Jour.

    20 h 42, le 24 octobre 2019

  • « Plutôt mourir que de tomber aux mains de Bachar » hahahahaha , parce que vous pensez que le héros vainqueur Bashar que vous êtes venu combattre chez lui prie jour et nuit pour vous avoir sur les bras ??????? Il prie tous les saints du ciel et de la terre de vous voir retourner d'où on vous a envoyé , cad chez vous en Europe . Cela ferait pour lui un coup double , vous voir partir et vous voir menacer votre pays d'envoie .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 53, le 24 octobre 2019

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