Le rôle irremplaçable de miroir et d’amplificateur joué par les médias, et en particulier les télévisions, dans l’explosion sociale qui a conduit au soulèvement populaire actuel a été évoqué hier dans un entretien téléphonique du chef de l’État, Michel Aoun, avec le directeur de la MTV, Michel Murr. Si l’on en ignore la teneur exacte, on peut en deviner l’orientation modératrice.
Dans une mise au point consécutive à la propagation de cette information, assortie de commentaires divers sur les réseaux sociaux, M. Murr a cru bon de confirmer que « l’appel téléphonique a bien eu lieu », et qu’il est « bienvenu », mais que « les commentaires qui l’accompagnent sont soit inventés, soit exagérés ».
« Ni le chef de l’État ne cherche à réprimer l’information ni la MTV n’accepte que quiconque s’ingère dans sa politique et ses choix, a ajouté M. Murr. La chaîne a un grand respect pour le président et sa fonction, tout en restant fermement attachée aux libertés d’information. »
Des rumeurs ont fait état d’un appel similaire reçu par le propriétaire de la LBCI, Pierre Daher, mais elles ont été démenties par l’intéressé.
La directrice de l’ANI remplacée
Cela dit, s’il fallait encore une preuve des méthodes expéditives en vigueur dans les sphères du pouvoir, le remplacement provisoire hier de Laure Sleiman à la tête de l’Agence nationale d’information (ANI, officielle) par un rédacteur de cette agence, Ziad Harfouche (apparenté CPL), en serait une.
Dans la forme, Mme Sleiman précise à L’Orient-Le Jour qu’elle a été notifiée de son remplacement vers 13h par une note signée du ministre de l’Information Jamal Jarrah, et transmise à l’un de ses assistants par un planton du ministère. La note, qui ne donne aucune explication à ce remplacement, est datée du 17 octobre, mais la décision aurait été prise, selon le ministre de l’Information, Jamal Jarrah, le 9 octobre.
Mme Sleiman, qui dirige l’ANI depuis 11 ans, s’est dit offensée de la forme prise par la notification, précisant « qu’en tant que directrice, elle aurait dû en être avisée par le ministre en personne ».
(Lire aussi : L’aveu, l'éditorial de Issa GORAIEB)
« La conscience tranquille »
Sur le fond, Mme Sleiman, dont le bureau est jonché de cartons de rangement, assure à L’OLJ qu’elle part « la conscience tranquille ». Elle estime « possible » que sa mise à l’écart soit due au fait que l’agence a « couvert en continu la révolution qui se déroule dans la rue » et assure « n’avoir fait que son devoir » en rapportant « la voix de ceux qui sont sans voix ».
« Mon devoir est d’informer, pas de faire de la politique, explique-t-elle. J’ai rapporté des événements qui intéressent deux millions de Libanais. S’il est vrai que l’Agence nationale d’information est une agence officielle, elle ne rapporte pas que les informations concernant les officiels. D’ailleurs, ce sont les Libanais qui à travers leurs impôts financent l’agence. Nous relatons la vérité sur ce qui se passe ; nous avons donné la parole aux Libanais, tout en évitant soigneusement tout ce qui pouvait insulter ou diffamer. Nous n’avons fait que notre métier de journalistes. »
Et Laure Sleiman d’ajouter, en passant, que l’ANI a couvert sans faille les activités et voyages du ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, « souvent sans être du voyage et de ses agréments, mais simplement de service ».
Laure Sleiman a également la conscience tranquille en raison du travail effectué pour moderniser une agence qu’elle affirme avoir « sauvé des décombres ». Depuis, assure-t-elle, l’ANI s’était dotée d’une messagerie de nouvelles brèves (flashes), s’apprêtait à lancer une cinquième édition en langue arménienne et tirait fierté des efforts en cours pour sauver de précieuses archives. « S’il fallait exprimer un regret, ce serait celui d’avoir si souvent sacrifié mon foyer à ma carrière », a-t-elle confié à une chaîne de télévision.
Apparentée par certains aux Forces libanaises, Mme Sleiman assure toutefois n’avoir jamais été affiliée à ce parti. Son remplacement intervient quatre jours après la démission des ministres FL du gouvernement (19 octobre).
Jarrah s’explique
Le ministre de l’Information, Jamal Jarrah, s’est expliqué hier sur le remplacement de Mme Sleiman. Après avoir réuni à son bureau le directeur de son ministère, Hassan Falka, ainsi que le nouveau directeur de l’ANI, Ziad Harfouche, et le directeur de Radio-Liban, Mohammad Gharib, le ministre les a appelés à « agir selon ce qu’exige l’intérêt national et professionnel ».
« L’ANI, a-t-il ajouté, a toujours été, et continuera d’être, un facteur de rassemblement des Libanais », mettant en garde contre « un populisme qui conduirait à l’inconnu ».
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commentaires (9)
Le vrai president a parle et menace L'autre president supplie une TV de ne pas trop lcritiquer le pouvoir Un autre ministre jette dehors en une lettre la responsable de l'Agence Nationale d'Informations en poste depuis 11 ans parcequ'elle a couvert les manifestations en temps reel et comme son devoir le lui demande ET APRES CELA ON VEUT NOUS FAIRE CROIRE QUE CE GOUVERNEMNT (ET CE PRESIDENT) PEUVENT RESTER EN PLACE ?
LA VERITE
18 h 17, le 23 octobre 2019