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À La Une - Liban

Au lendemain de son ultimatum, Hariri convoque les groupes politiques à des concertations

Michel Aoun promet qu'il y aura une "solution rassurante à la crise".

Le Premier ministre libanais, Saad Hariri. Photo Nabil Ismail

Le Premier ministre libanais, Saad Hariri, a convoqué samedi les chefs des groupes politiques faisant partie du gouvernement à se réunir pour des concertations au Grand Sérail autour d'une initiative composée d'une série de réformes, alors que le Liban est secoué pour le 3e jour consécutif par des manifestations inédites sur tout le territoire contre la classe politique et la crise économique.

Cette initiative intervient au lendemain de l'ultimatum de 72h donné par M. Hariri aux membres du cabinet afin d'avaliser les réformes économiques nécessaires, laissant planer la menace d'une démission dans le cas contraire. Le président Michel Aoun a toutefois promis samedi devant ses visiteurs qu'il y aura une "solution rassurante à la crise".

Premier parti à donner une réponse claire au Premier ministre : les Forces libanaises ont demandé à leur ministres de démissionner du cabinet, a annoncé le chef du parti Samir Geagea samedi peu avant minuit.

Selon les informations de la chaîne LBCI, M. Hariri a tenu vendredi, après son allocution, une série de réunions pour élaborer un document contenant une série de réformes qu'il veut faire avaliser par les membres du gouvernement. Selon des sources proches du Premier ministre, l'initiative vise à "stabiliser la situation et renforcer la protection sociale et les allocations aux personnes à revenus limités". Elle prévoit également "la réduction du service de la dette publique et la remise à zéro du déficit public" et souligne que "le secteur bancaire aura une participation essentielle dans cela". L'initiative prévoit surtout "l'annulation de toutes les taxes et impôts qui ont été évoqués avant le début des manifestations, et des propositions pour lutter contre la corruption dans les différentes administrations publiques et à tous les niveaux".



(Lire aussi : « Soixante-douze heures pour changer de comportement, sinon... »)



Le document de M. Hariri inclut également un alinéa sur "la fourniture du courant électrique (24h sur 24h, ndlr) à partir de l'année prochaine". Il prévoit enfin d'"accélérer le processus d'exécution des projets prévus par la conférence de Paris (CEDRE)".

Les sources du Premier ministre soulignent que celui-ci requiert que cette initiative soir approuvée immédiatement afin de lancer son application. Selon les sources de la LBCI, le délai de 72h n'a pas pour objectif de gagner du temps, mais pour "effectuer un effort de sauvetage bien précis qui se poursuivra avec toutes les composantes politiques. Après quoi, M. Hariri décidera des prochaines mesures à prendre".

En début d'après-midi, le chef du gouvernement s'est entretenu avec le ministre de l'Industrie, Waël Bou Faour, des Transports publics, Youssef Fenianos, et des Finances, Ali Hassan Khalil. "La Maison du Centre est une ruche d'abeilles aujourd'hui : des réunions internes, d'autres techniques, ains que des contacts et des entretiens loin des feux de la rampe. Les réunions que j'ai tenues aujourd'hui et qui ont été rendues publiques ont eu lieu avec le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, le ministre des Transports, Youssef Fenianos, et le ministre de l'Industrie, Waël Bou Faour. Les réunions vont se poursuivre afin de servir les intérêts des Libanais", a écrit le Premier ministre sur Twitter.

Le ministre des Finances a pour sa part écrit sur son compte Twitter que lors de la réunion avec Saad Hariri, il a été "souligné que le budget sera parachevé sans l'imposition de nouveaux impôts ou taxes, et que tous les projets présentés en ce sens seront annulés". "Des réformes sérieuses seront adoptées avec une contribution du secteur bancaire et d'autres", a-t-il ajouté, soulignant que cela ne "touchera pas les gens de quelconque façon que ce soit et ne leur imposera aucune taxe, même minime".

Dans l'après-midi, M. Hariri a rencontré des responsables du mouvement Amal, du PSP, du parti Marada et du CPL. Il a aussi rencontré Hagop Pakradounian et le ministre Avedis Guidanian. Selon des sources citées par la LBCI, il leur a présenté son plan économique de réformes et leur a demandé de lui faire part de leur avis au plus vite. Des sources FL ont confié à la chaîne n'avoir pas participé à la réunion. "Nous voulons que les propositions de M.Hariri nous soient renvoyées pour que nous puissions les étudier et prendre la décision adéquate". Des sources CPL ont quant à elles qualifié les propositions de M. Hariri d'"importantes". "Ce qui est nouveau c'est que l'on souligne la nécessité d'une rapidité dans l'application", ont-elles ajouté, présumant un appel à une réunion gouvernementale demain.

Selon des sources officielles anonymes citées par notre correspondante Hoda Chedid, la tenue d'un Conseil des ministres sera décidée en fonction du résultat des concertations. "S'il n'y a pas de Conseil des ministres samedi, celui-ci se tiendra dimanche ou lundi", précisent ces sources. 

Le leader druze Walid Joumblatt a pour sa part affirmé que M. Hariri lui a envoyé le document économique proposé. "Nous allons répondre et proposer une feuille modifiée comprenant les principaux titres, pour mettre une limite à l'effondrement monétaire", a-t-il dit.  "Nous refusons toutes taxes et tous impôts, a-t-il aussi affirmé, appelant à "l’annulation des salaires des députés et des ministres actuels et précédents".



(Lire aussi : La rue a remis les compteurs à zéro)



Les Libanais toujours dans la rue
Cette initiative politique du chef du gouvernement intervient alors que de nombreux Libanais restaient dans la rue, samedi, sans décolérer face à la classe politique. 

Si l'armée libanaise a réussi à rouvrir plusieurs axes routiers qui étaient bloqués ces derniers jours par les protestataires, d'autres routes étaient toujours fermées à la circulation par les manifestants. C'est le cas notamment des routes de Jounieh, Zouk et Jbeil, dans le Kesrouan, celles de Khaldé, dans le sud de Beyrouth, et Ouzai dans la banlieue sud de la capitale, ainsi que celles de Sin el-Fil, Dora et Jal le-Dib, dans le Metn où un grand rassemblement a eu lieu en soirée. A Achrafieh, place Sassine, les manifestants ont également coupé les routes et dressé des tentes. Pareil au Akkar, dans le Liban-Nord, et à Tripoli où une importante manifestation a été organisée et des tentes dressées place al-Nour. 
Des manifestants, réclamant non seulement la chute du gouvernement Hariri mais aussi la chute du mandat du président Michel Aoun, ont en outre coupé avec leurs voitures la route menant au palais présidentiel de Baabda, au milieu d'un déploiement massif des forces de sécurité.


Une tente dressée par les manifestants, place Sassine, samedi. Photo Tilda Abou Rizk



Dans le centre-ville de Beyrouth, théâtre de violents affrontements entre manifestants et forces de l'ordre la veille ainsi que de scènes de vandalisme qui ont endommagé de nombreux commerces, des dizaines de Libanais étaient rassemblés place Riad el-Solh, au bas du Grand Sérail, résidence de la présidence du Conseil, face à un cordon sécuritaire des forces anti-émeutes. D'autres activistes ont préféré venir sur le terrain dès le matin pour nettoyer les rues jonchées de déchets et de gravats. Des initiatives similaires ont eu lieu à Tripoli et à Zahlé.


Des volontaires nettoyant une rue dans le centre-ville de Beyrouth, le 19 octobre 2019. Photo Acil Tabbara


La chaîne LBCI a retransmis les images d'un cheikh chiite qui distribuait dans le centre-ville des billets de 100 dollars à de jeunes manifestants, certains masqués, affirmant qu'il le fait car l'Etat a pillé les Libanais, selon ses propos.

Devant la caserne Hélou, dans le secteur Mar Elias à Beyrouth, des dizaines de manifestants et de proches de jeunes ayant été arrêtés ces derniers jours lors des manifestations se sont rassemblés devant le bâtiment afin de faire pression pour la relaxe de leurs proches. Une rixe a ensuite eu lieu entre manifestants et forces de l'ordre devant la caserne, et un homme a tenté de s'immoler par le feu, avant d'en être empêché par la police. Les services de sécurité ont fait état de "l'arrestation de 70 personnes pour actes de sabotage, incendies et cambriolage dans le centre-ville". Ils ont été relâchés sous caution d’élection de domicile, avant d'être acclamés par la foule et portés à bout de bras. Plusieurs détenus libérés ont affirmé avoir été battus et maltraités durant leur détention. En fin d'après-midi, les Forces de sécurité intérieure ont annoncé que toutes les personnes arrêtées dans le cadre des manifestations ont été libérées, à l'exception de deux personnes. Selon les FSI, "l'une de ces personnes fait l'objet d'une décision pénale et l'autre fait l'objet d'une enquête pour infractions présumées liées à la drogue".


Des manifestants rassemblés le 19 octobre 2019 devant la caserne Hélou, dans le secteur Mar Elias à Beyrouth. Photo Acil Tabbara


Raï écourte sa tournée en Afrique
Dans ce contexte tendu, le patriarche maronite Béchara Raï, qui effectuait depuis plusieurs jours une tournée pastorale en Afrique, a écourté son séjour et était de retour au Liban samedi. Le chef de l'Eglise maronite était censé rentrer au Liban en milieu de semaine prochaine. La veille, Mgr Raï a pris fait et cause pour les manifestants, dans une homélie prononcée en la cathédrale Notre-Dame du Liban d’Ibadan, au Nigeria.

Par ailleurs, l'Arabie saoudite a annoncé avoir commencé, samedi à l'aube, à évacuer ses ressortissants présents au Liban. L'ambassade du royaume wahhabite a annoncé "le succès de la première étape du plan de gestion de crises, en évacuant ses ressortissants et en assurant leur arrivée en sécurité à l'aéroport de Beyrouth dès 5h du matin".

A l'étranger, des campagnes de solidarité avec le Liban s'organisent. Des groupes de Libanais de la diaspora ont ainsi tenu des rassemblements à New York (Etats-Unis) et à Montréal (Canada). "Révolution", ou "Il n'est pas question de WhatsApp", pouvait-on lire sur des pancartes brandies par des manifestants à Montréal. L'hymne national a également été entonné par les manifestants. A New York, des protestataires ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : "United we stand", et "Tous, veut dire tous".


(Lire aussi : Le tandem Amal-Hezbollah dans la rue : réaction « spontanée » ou mot d’ordre politique ?)



Des rassemblements similaires sont prévus ce weekend dans plusieurs villes européennes et américaines notamment Paris, Londres, Berlin, Bruxelles, Milan, Washington, Los Angeles et San Francisco.  

Les manifestants libanais ont envahi les rues du pays du Cèdre jeudi soir après la décision du gouvernement de taxer les appels effectués via les applications de messagerie Internet comme WhatsApp. Une mesure aussitôt annulée sous la pression de la rue, mais Les libanais ont poursuivi leur mouvement pour exprimer leur ras-le-bol d'une classe politique accusée d'affairisme dans un pays aux infrastructures en déliquescence et où la vie est chère. Cette mobilisation populaire est la plus importante depuis les manifestations contre le pouvoir en 2015, durant une crise de gestion des déchets qui perdure encore.

Le Liban s'est engagé en avril 2018 à se réformer en contrepartie de promesses de prêts et de dons d'un montant total de 11,6 milliards de dollars. La dette publique culmine à plus de 86 milliards de dollars, soit plus de 150% du PIB, troisième taux le plus élevé au monde après le Japon et la Grèce.


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Le Premier ministre libanais, Saad Hariri, a convoqué samedi les chefs des groupes politiques faisant partie du gouvernement à se réunir pour des concertations au Grand Sérail autour d'une initiative composée d'une série de réformes, alors que le Liban est secoué pour le 3e jour consécutif par des manifestations inédites sur tout le territoire contre la classe politique et la crise...

commentaires (4)

Arrêtez ces manifestations et laissez le gouvernement travailler tranquillement ... l'échéance de CADRE arrive à grands pas ...Faites votre révolte après !

Chucri Abboud

21 h 46, le 19 octobre 2019

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Commentaires (4)

  • Arrêtez ces manifestations et laissez le gouvernement travailler tranquillement ... l'échéance de CADRE arrive à grands pas ...Faites votre révolte après !

    Chucri Abboud

    21 h 46, le 19 octobre 2019

  • Trop tard M Hariri pour gesticuler et travailler comme une abeille. Vous avez largement démontré votre incapacité à diriger le pays comme tous vos prédécesseurs.

    Lecteur excédé par la censure

    18 h 13, le 19 octobre 2019

  • pour croire a un mot de ce qui sortira de ces reunions, nous devons voir de nos yeux au moins 2 ministers et 3 deputes de confessions toutes differentes arrette et traduit en justice avant l'annonce des decisions prises LE PEUPLE POURRA ALORS CROIRE QUE VOS DECISIONS VONT ETRE PRISE ET PAS COMME A L'ACCOUTUME ETRE BIDONS 5 POLITICIENS DU PLUS HAUT NIVEAU ET DE DIFFERENTES COMMUNAUTES RELIGIEUSES EN PRISON OU RIEN N'ARRETERA CES MANISFESTATIONS

    LA VERITE

    18 h 11, le 19 octobre 2019

  • QUE LA SAGESSE REMPLACE L,ABRUTISSEMENT DE TOUS CES IRRESPONSABLES ET INCOMPETENTS RESPONSABLES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 53, le 19 octobre 2019

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