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Liban - Écologie

Cri unanime des experts : pas de reboisement immédiat en terres incendiées !

Pas encore de chiffre concernant les superficies calcinées au cours des deux derniers jours.


Les ravages causés par les incendies à Mechref. Photo Mohamad Ramadan

L’ampleur des incendies de ces derniers jours a donné lieu à un élan impressionnant en faveur d’un reboisement rapide des surfaces incendiées. L’intention est bonne, à n’en pas douter, mais le résultat risque de l’être beaucoup moins, selon les experts qui, unanimes, multiplient les appels sur les réseaux sociaux en vue d’une approche bien plus prudente.

Interrogé par L’Orient-Le Jour, Chadi Mohanna, directeur du développement rural et des ressources naturelles au ministère de l’Agriculture, affirme que « reboiser rapidement les surfaces brûlées est l’écueil à impérativement éviter ». « Il convient d’attendre au moins un an et le passage d’une saison de pluie pour observer les capacités de régénération naturelle des forêts, explique-t-il. Certains arbres, comme le pin brutia par exemple, ont une capacité de régénération qui n’intervient qu’après une période donnée. »

Même son de cloche de la part de Magda Dagher Bou Kharrat, directrice du département des sciences de la vie et de la terre de l’Université Saint-Joseph et cofondatrice et présidente de l’ONG Jouzour Loubnan. « Il faut laisser le terrain incendié intouché durant un an au moins, dit-elle. Se trouve, dans le sol, une banque de graines qui pourrait être à l’origine d’une régénération naturelle de la forêt. Il faut recenser en priorité les dégâts et protéger ce qui reste en attendant un éventuel reboisement. »

Pour l’experte, l’une des causes de la virulence des incendies cette saison pourrait être l’hiver pluvieux qu’a connu le Liban durant la saison 2018-2019. « Les plantes ont poussé de manière remarquable et ont constitué une masse inflammable cette saison », affirme-t-elle. Les deux experts s’accordent à dire que d’éventuels efforts de reboisement doivent être encadrés et s’effectuer, pour l’instant, sur d’autres terrains que ceux qui ont été incendiés, dans une activité de compensation des arbres perdus. « Pour cela, les personnes désireuses d’apporter leur aide peuvent contacter les ONG qui s’occupent de reboisement et le ministère (de l’Agriculture) pour avoir une réponse officielle », souligne Chadi Mohanna. Il appelle à ne surtout pas importer des espèces étrangères pour un reboisement à grande échelle. « On m’a transmis une information selon laquelle le directeur du Haut Comité de secours, le général Mohammad Kheir, aurait reçu une promesse du Ghana d’envoyer un grand nombre de plants au Liban, dit-il. De même, le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil aurait demandé aux émigrés d’aider le Liban à ce niveau. Ces initiatives sont très louables, mais je prie tous ceux qui veulent aider le pays de le faire à travers des dons et pas en nature parce qu’il serait préjudiciable de planter des espèces étrangères à l’écosystème local. »

Chadi Mohanna souligne que la pépinière du ministère pourrait, avec des fonds, produire quelque deux à trois millions de plants par an, alors qu’elle se limite actuellement à 200 ou 300 000. Une réunion doit avoir lieu aujourd’hui à l’instigation du ministre de l’Agriculture qui visera à annoncer les mesures à suivre.


(Lire aussi : L’enfer des cancresl'éditorial de Issa GORAIEB)


Pas de bilan dans l’immédiat

Si les surfaces incendiées ne doivent pas être reboisées tout de suite, il est néanmoins important de recenser les dégâts. Plusieurs parties concernées ont affirmé hier qu’il était encore tôt pour avancer des chiffres précis. « Nos gardes forestiers sont sur le terrain pour rédiger leurs rapports et leurs observations, explique Chadi Mohanna. Il faudra attendre également les images satellite pour confirmer l’ampleur des surfaces touchées. Et pour cela, il faut patienter au moins une semaine pour plus de précision, étant donné qu’il faudra attendre que le satellite repasse au-dessus du Liban et nous apporte des images avant et après les incendies. Et même à ce moment, il faudra être vigilant avant de déclarer le nombre d’arbres perdus parce qu’une surface touchée par le feu n’est pas nécessairement décimée. » Pour ce qui est des espèces d’arbres touchées, il sera possible de les recenser grâce à la connaissance préalable des terrains incendiés.

Les réponses obtenues auprès de l’Unité pour la prévention contre les catastrophes naturelles se recoupent avec celles du ministère de l’Agriculture. Son communiqué précise que « la superficie exacte des terres brûlées ne peut encore être déterminée, surtout que certains incendies ne sont pas encore totalement éteints ». Le seul bilan est celui déjà présenté par cette unité du nombre d’incendies qui a atteint 140 dans les mohafazats du Mont-Liban, du Liban-Nord, du Liban-Sud et du Akkar (voir la carte jointe). La Croix-Rouge libanaise, citée dans le communiqué de l’Unité, a recensé 89 cas d’asphyxie dus aux flammes, traités sur place, et 18 cas ayant requis une hospitalisation ainsi qu’un jeune homme mort des suites de l’inhalation de fumée dans le Chouf.


(Lire aussi : Inspecteurs des travaux finisl'impression de Fifi ABOU DIB)


Pas d’indemnisation ?

Les incendies n’ont pas calciné que des forêts. Alors qu’en de nombreux endroits les flammes se sont dangereusement approchées des habitations, à Damour, le centre de l’association Arcenciel à Damour a été totalement brûlé. Dans les zones incendiées, l’on trouvait aussi hier des carcasses de véhicules calcinés. Étant donné que les assurances privées ne couvrent pas de tels dégâts si elles n’englobent pas le risque des catastrophes naturelles, les parties lésées pourront-elles être indemnisées par l’État ? À cette question, le général Mohammad Kheir, directeur du Haut Conseil des secours, affirme à L’OLJ qu’un recensement est actuellement effectué par son organisme et par l’armée dans les différentes régions. « Cette première étape nécessite au moins une semaine, dit-il. Selon la procédure, les municipalités nous envoient les listes des noms de personnes lésées, et nous menons notre vérification sur le terrain. Nous préparons ensuite un rapport qui doit être soumis au Conseil des ministres qui, seul, décide s’il y a un budget pour des indemnités. »

Les indemnisations de dégâts causés par une catastrophe naturelle ne sont donc pas une certitude, selon le responsable, qui insiste sur le fait que la plus grande partie de ces dégâts porte sur des espaces verts, difficiles à quantifier. Difficiles à quantifier, en effet, puisqu’il s’agit de la principale richesse du Liban.



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L’ampleur des incendies de ces derniers jours a donné lieu à un élan impressionnant en faveur d’un reboisement rapide des surfaces incendiées. L’intention est bonne, à n’en pas douter, mais le résultat risque de l’être beaucoup moins, selon les experts qui, unanimes, multiplient les appels sur les réseaux sociaux en vue d’une approche bien plus prudente. Interrogé par...

commentaires (2)

Une fois je visionnais un reportage scientific qui parlais des feux de forets (en europe) et les Hommes de sciences on dit que le cendre (pleins de nutriments) est un bon terrain pour reboiser, et donc je ne comprends pas ici ce que disent nos scientifics. Ce n'est pas mon domaine, je suis confus.

Eddy

17 h 41, le 17 octobre 2019

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Commentaires (2)

  • Une fois je visionnais un reportage scientific qui parlais des feux de forets (en europe) et les Hommes de sciences on dit que le cendre (pleins de nutriments) est un bon terrain pour reboiser, et donc je ne comprends pas ici ce que disent nos scientifics. Ce n'est pas mon domaine, je suis confus.

    Eddy

    17 h 41, le 17 octobre 2019

  • QUE L,ABRUTISSEMENT ENTENDE POUR UNE FOIS LA VOIX DES EXPERTS. ET SURTOUT N,ESSAYE PAS DE PROFITER DES MALHEURS QUI FRAPPENT LE PAYS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 44, le 17 octobre 2019

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