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À La Une - Conflit

L'Irak fragilisé, proie des jeux d'influence de l'Iran et des Etats-Unis

En dénonçant un "complot" qui a "échoué", "l'Iran a perdu beaucoup de crédit et de soutien en Irak, et en particulier chez les chiites, mais il a sacrifié cela pour maintenir le système en place en Irak et garder le pays comme un atout en main pour des négociations avec les Etats-Unis", estime un expert.

Des membres de la police fédérale irakienne, le 7 octobre 2019 à Bagdad. Photo REUTERS/Wissm al-Okili

Après la contestation sociale la plus meurtrière qu'il a connue depuis la chute du dictateur Saddam Hussein en 2003, l'Irak est plus encore aujourd'hui la proie des jeux d'influence de ses deux alliés, les Etats-Unis et l'Iran, eux-mêmes ennemis, estiment les experts.

La grogne sociale qui a éclaté le 1er octobre, et qui s'est calmée ces derniers jours, est "un soulèvement de jeunes Irakiens qui portent des revendications répétées depuis des années", rappelle le politologue Mounqedh Dagher. Mais à cela s'ajoute "le contexte international de tensions entre les Etats-Unis et l'Iran". "Sans ce contexte, l'Iran ne se serait pas impliqué", assure-t-il.

En dénonçant un "complot" qui a "échoué", "l'Iran a perdu beaucoup de crédit et de soutien en Irak, et en particulier chez les chiites, mais il a sacrifié cela pour maintenir le système en place en Irak et garder le pays comme un atout en main pour des négociations avec les Etats-Unis", décrypte l'expert. Dès lors, si naviguer entre les intérêts des deux grandes puissances agissantes en Irak était déjà une gageure, la tâche est devenue plus ardue encore.

La mort de plus de 100 personnes, en majorité des manifestants, dans une semaine de contestation qui a gagné l'ensemble du sud du pays, a encore affaibli le Premier ministre Adel Abdel Mahdi, affirment les experts.


(Lire aussi : Violences meurtrières en Irak : Sistani accuse le gouvernement)


"Complot"

Ce dernier était déjà à la tête d'une coalition gouvernementale fragile: l'attelage du très versatile leader chiite Moqtada Sadr, vainqueur des législatives, et du Fatah, une liste d'anciens paramilitaires du Hachd al-Chaabi, coalition dominée par les milices chiites pro-Iran.

Face au mouvement de contestation, le premier a réclamé la démission du gouvernement, tandis que le Hachd s'est dit "prêt" à agir pour écraser le "complot" visant à la "chute" du gouvernement. Depuis, les institutions sont paralysées par les divisions et n'ont apporté aucune réponse concrète aux manifestants qui réclament des emplois, des services fonctionnels et la fin de la corruption.

Dans ce marasme, M. Abdel Mahdi est "plus vulnérable aux pressions des grands blocs politiques", explique Maria Fantappie, du centre de réflexion International Crisis Group (ICG). "Et cela pourrait être en faveur de l'Iran car le Premier ministre dépendra encore plus du Fatah qui l'a soutenu dans la crise", ajoute-t-elle.

Une telle polarisation chez les politiques comme dans la rue, qui a réclamé une refonte totale du système, "complique les efforts de M. Abdel Mahdi pour tenir l'Irak hors de la compétition entre Iran et Etats-Unis", poursuit Mme Fantappie.

L'Iran tout comme les Etats-Unis, en passant par la Syrie et l'Arabie saoudite, ont tout intérêt à préserver un Etat comme l'Irak dans un Moyen-Orient en crise et désormais nettement fracturé. Ni Washington ni Téhéran "ne veut voir la situation échapper à tout contrôle", affirme Mme Fantappie.

Un Irak stable est vital pour Téhéran, étouffée par les sanctions américaines et décidée à maintenir ses six milliards d'euros d'exportations annuelles vers Bagdad. Tout comme pour Washington qui veut maintenir éloignée la menace du groupe Etat islamique (EI) et contrer l'influence iranienne dans un pays voisin de la République islamique.


(Lire aussi : En Irak, la frange la plus dure du camp chiite se renforce après les violences)


"Boîte de Pandore"

Le danger, note Mme Fantappie, c'est que "certains dans l'administration Trump interprètent des slogans anti-Iran dans les manifestations comme l'expression d'un sentiment anti-iranien grandissant". Ces personnes pourraient alors "pousser pour remplacer M. Abdel Mahdi, qu'ils trouvent indécis et faible", affirme-t-elle, mais ce serait "ouvrir une boîte de Pandore dans un système politique en plein marasme, face à une grogne sociale grandissante et les difficultés permanentes à former un gouvernement" dans un pays pris en étau entre ses alliés.

Car au-delà des forces pro-américaines et pro-iraniennes en Irak, d'autres acteurs ont tenté de se démarquer depuis le début du mois. Moqtada Sadr, récemment apparu en Iran aux côtés des dirigeants de la République islamique, n'a toujours pas mis à exécution sa menace de paralyser le pays avec des sit-ins qui ont déjà mis l'Irak à l'arrêt par le passé.

Le grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse pour la majorité des chiites d'Irak, a, lui, rappelé dans son sermon de vendredi qu'il "n'avait d'intérêt avec aucune partie au sein du pouvoir" et ne défendait "que les intérêts du peuple". Et ce dernier pourrait encore avoir son mot à dire alors que la colère ne fait qu'enfler au fur et à mesure qu'émergent des vidéos présentées comme celles de la répression de la semaine dernière.


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