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À La Une - Liban

Accord de Taëf : ce qui n'a toujours pas été mis en œuvre

Il y a trente ans tout juste, était signé l'accord de Taëf qui visait à mettre fin à quinze ans de guerre civile. Aujourd'hui, c'est dans un contexte très particulier qu'a lieu le 30e anniversaire de Taëf. Depuis jeudi 17 octobre, le Liban est le théâtre d'une mobilisation massive contre la classe politique, dont certaines des figures encore en activité ont parrainé l'accord.

Des députés libanais dans un bus au retour de Taëf, en octobre 1989. Photo Archives L'OLJ

Le 22 octobre 1989, 58 députés libanais signaient à Taëf, en Arabie saoudite, au terme de trois semaines de négociations, un "document d'entente nationale" visant à mettre un terme à près de quinze ans de guerre civile, sous l'impulsion d'une "troïka" assignée par la Ligue arabe, et composée du Maroc, de l'Algérie et du royaume saoudien.

Alors que Taëf est considéré par la majorité de la classe politique comme un acte fondateur et qu'il est régulièrement rappelé dans les discours politiques, on constate que des réformes fondamentales que prévoit ce texte, comme la dissolution de toutes les milices et la remise de leurs armes à l’État libanais ou l'abolition du confessionnalisme politique, n'ont toujours pas vu le jour.


Dissolution des milices

Dans la deuxième partie de l'accord de Taëf, qui en compte quatre, consacrée à "la souveraineté de l’État libanais sur l'ensemble de son territoire", l'article A appelle à "la proclamation de la dissolution de toutes les milices, libanaises ou non, et la remise de leurs armes à l’État libanais dans un délai de 6 mois, délai qui entre en vigueur après la ratification du document d'entente nationale, l'élection d’un président de la République, la formation d’un gouvernement d'entente nationale, et l'adoption des réformes politiques par la voie constitutionnelle".

Le 5 novembre 1989, 58 des 99 députés du Parlement, réunis dans la base militaire de Qleyaate, dans le nord du pays, ratifient le document d'entente nationale et élisent René Moawad à la tête de l’État. Ce dernier est assassiné le 22 novembre à Beyrouth. Deux jours plus tard, les députés élisent Élias Hraoui à la présidence de la République. Le 25, le premier gouvernement post-Taëf, dirigé par Salim Hoss, entre en fonction. Le 21 août 1990, la Chambre adopte les amendements constitutionnels nécessaires à la mise en œuvre de l'accord de Taëf.

Le 28 mars 1991, le gouvernement établit le calendrier de la dissolution de toutes les milices qui ont jusqu'au 30 avril pour livrer leurs armes lourdes. Le président Hraoui se dit prêt à faire appel aux troupes syriennes pour faire respecter cet échéancier.

Les semaines suivantes, la quasi-totalité de ces milices, dont l'Armée populaire du Parti socialiste progressiste, dirigée par le leader druze Walid Joumblatt, la milice du mouvement Amal de Nabih Berry et les Forces libanaises de Samir Geagea annoncent leur dissolution et livrent leurs armes lourdes.

Le Hezbollah ne le fera pas. L'article C de la troisième partie de l'accord de Taëf sur la "libération du Liban de l'occupation israélienne" stipule que la restauration de l'autorité de l’État jusqu'aux frontières libanaises reconnues internationalement implique "l'adoption de toutes les mesures nécessaires pour libérer toutes les terres libanaises de l'occupation israélienne". Cette disposition, utilisée par les gouvernements successifs pour légitimer la "résistance" armée à l'occupation israélienne, a permis au Hezbollah de garder ses armes. Après le retrait de l'armée israélienne du Liban-Sud en mai 2000, qui a précipité l'effondrement de la milice pro-israélienne de l'Armée du Liban-Sud (ALS), le Hezbollah met en avant l'occupation par Israël des fermes de Chebaa, des collines de Kfarchouba et d'une partie du village de Ghajar pour justifier le maintien de son arsenal.


(Lire aussi : L'accord de Taëf, trois semaines de négociations pour un texte fondateur et controversé)


Abolition du confessionnalisme politique

La première partie de l'accord de Taëf, intitulé "Principes généraux et réformes", comprend plusieurs réformes politiques dont l'abolition du confessionnalisme politique, décrit comme "un objectif national essentiel qui exige pour sa réalisation une action programmée par étapes".

Le document d'entente nationale prévoyait, après l'élection d'un nouveau Parlement élu sur une base d'égalité des sièges entre chrétiens et musulmans, la constitution d'une "instance nationale sous la présidence du chef de l’État regroupant, outre les présidents de la Chambre des députés et du Conseil des ministres, des personnalités politiques, intellectuelles et sociales", dont la mission "consiste à étudier et proposer les moyens susceptibles d'abolir le confessionnalisme".

Cette instance chargée de piloter le processus d'abolition du confessionnalisme n'a tout simplement jamais été mise sur pied.

Selon l'accord de Taëf, cette instance doit également suivre l'exécution d'un "plan transitoire" précédant l'abolition du confessionnalisme, consistant à abolir "la règle de la représentation confessionnelle (...) dans les fonctions publiques (...) à l'exception des postes de première catégorie ou équivalents", ainsi que la mention de la confession ou du rite sur la carte d'identité.

L'abolition du confessionnalisme, son instance de pilotage et la représentation communautaire dans la fonction publique, tels que définis par l'accord de Taëf, ont été inscrites dans l'article 95 de la Constitution, qui fera l'objet d'un débat au Parlement le 27 novembre prochain, après les réserves exprimées par le président Michel Aoun concernant l’alinéa controversé de l’article 80 du budget 2019 qui exempte les lauréats (en grande majorité musulmans) du concours de la fonction publique des effets de la loi gelant les recrutements dans l’administration.


(Lire aussi : Le mensonge politique et constitutionnel de l’abolition du confessionnalisme)

Création d'un Sénat

Autre réforme politique prévue par l'accord de Taëf, dans la foulée de l'abolition du confessionnalisme politique, la création d'un Sénat "où seront représentées les différentes familles spirituelles et dont les pouvoirs seront limités aux questions cruciales" "après l'élection de la première chambre des députés sur une base non-confessionnelle".

Selon un accord tacite, la présidence du Sénat était réservée à la communauté druze.

Ce Sénat, pensé comme une Chambre représentant les communautés face à un Parlement "civil", n'a jamais été créé, tout comme une "loi électorale excluant le confessionnalisme" n'a jamais été adoptée.


Décentralisation administrative

L'accord de Taëf prévoit également une décentralisation administrative, tout en préservant le "pouvoir central puissant" de l’État libanais "un et unifié".

La réforme prévoit un "élargissement des prérogatives des mohafez et des caïmacams", la "révision de la division administrative", la création d'assemblées élues dans chaque caza", ainsi que "l'adoption d'un plan de développement unifié et global pour le pays".

La mise en œuvre législative de cette décentralisation administrative piétine depuis des années. Aucune des nombreuses propositions de loi présentées n’a en effet été adoptée par le Parlement. La dernière proposition en date avait été soumise le 3 avril 2014 par la commission pour la décentralisation, présidé par l’ancien ministre de l’Intérieur Ziyad Baroud, au président de la République de l'époque Michel Sleiman.



Lire aussi

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Pour mémoire

Quelle décentralisation administrative pour le Liban ?


Le 22 octobre 1989, 58 députés libanais signaient à Taëf, en Arabie saoudite, au terme de trois semaines de négociations, un "document d'entente nationale" visant à mettre un terme à près de quinze ans de guerre civile, sous l'impulsion d'une "troïka" assignée par la Ligue arabe, et composée du Maroc, de l'Algérie et du royaume saoudien. Alors que Taëf est considéré par la...

commentaires (1)

Evidement le Hezbollah n'a pas remis ses armes apres l'accord de Taef, parce qu'il se considere unique et au dessus des lois et ce parti iraniens a ensuite le culot de faire la morale aux autres formation de ne pas respecter la loi. lol. Taef n'est pas une finalité en soi et donc pas un text de la consitutuion. Il n'est qu'un document d'entente et donc l'heure du hezbollah arrive. doucement c'est sur, mais gentillement il devront rendre leurs armes face a la volonté du peuple qui n'en a que faire des aventures de ce parti dans tout les conflits regionaux. demandez au gens du sud si le hezbollah les fait encore autant vibrer qu'avant. Quant au reste du Liban, la reponse est clair: le Hezbollah doit rendre ses armes and Iran OUT

Thawra-LB

18 h 37, le 22 octobre 2019

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Commentaires (1)

  • Evidement le Hezbollah n'a pas remis ses armes apres l'accord de Taef, parce qu'il se considere unique et au dessus des lois et ce parti iraniens a ensuite le culot de faire la morale aux autres formation de ne pas respecter la loi. lol. Taef n'est pas une finalité en soi et donc pas un text de la consitutuion. Il n'est qu'un document d'entente et donc l'heure du hezbollah arrive. doucement c'est sur, mais gentillement il devront rendre leurs armes face a la volonté du peuple qui n'en a que faire des aventures de ce parti dans tout les conflits regionaux. demandez au gens du sud si le hezbollah les fait encore autant vibrer qu'avant. Quant au reste du Liban, la reponse est clair: le Hezbollah doit rendre ses armes and Iran OUT

    Thawra-LB

    18 h 37, le 22 octobre 2019

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