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Liban - Histoire

Avec 50 ans de retard, Bickfaya rend enfin justice à Maurice Gemayel, père du ministère du Plan

Un monument et une statue ont été inaugurés en hommage à l’ancien député du Metn.

Le monument en pierre et la statue de Maurice Gemayel érigés à quelques mètres de la place publique de Bickfaya. Photo DR

C’est un hommage largement justifié, fût-il tardif, qui a été rendu dimanche à l’un des ténors de la vie politique et économique du pays, Maurice Gemayel, disparu il y a un peu moins de 50 ans, en 1970. Il avait été, dans les années 60, député du Metn-Nord, ministre du Plan et président de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, dont le siège est à Rome).

Maurice Gemayel avait réussi à se forger une notoriété dépassant les frontières libanaises et avait acquis la réputation d’un homme politique très en avance sur son temps, du fait de la vision particulièrement ambitieuse qu’il avait de la vocation du Liban. Une vision d’avenir qui se traduisait par une longue série de projets de développement qu’il préconisait et sur lesquels il planchait avec ses collaborateurs. Nombre de ces projets sont actuellement à l’ordre du jour, près d’un demi-siècle plus tard, sans qu’il se trouve un seul responsable officiel qui en accorde le crédit à Maurice Gemayel.

Malgré son apport exceptionnel à la planification du développement, l’État n’a jamais songé à lui rendre hommage. Une lacune que ses filles et la présidente de la municipalité de Bickfaya, Nicole Gemayel, ont comblée en entreprenant d’ériger à quelques mètres de sa résidence, non loin de la place publique de Bickfaya, un monument et une statue en son honneur.

La cérémonie de lever du voile a eu lieu dimanche à midi dans la localité en présence d’une foule de personnalités dont le président Amine Gemayel et son épouse Joyce, le chef du parti Kataëb Samy Gemayel et son épouse Karine, les députés Nadim Gemayel, Eddy Abillama, Élias Hankache et Hagop Pakradounian, l’abbé Semaan Abou Abdo, représentant le patriarche maronite, Béchara Raï, le ministre Élias Bou Saab, Fady Gemayel, président de l’Association des industriels, le bâtonnier André Chidiac, Myrna Murr, présidente de la fédération des municipalités du Metn, et Fouad Abou Nader.

Prenant la parole au nom de la famille, le petit-fils de Maurice Gemayel, Amine Jules Iskandar, a évoqué les principaux projets de développement, notamment dans le domaine des ressources hydrauliques et électriques, qui avaient été planifiés par l’ancien ministre du Plan. M. Iskandar a souligné à cet égard que certains de ces projets ont été exécutés aujourd’hui ou sont en voie de l’être sans que leur paternité soit évoquée de près ou de loin.

De son côté, Viviane Gemayel Freiha, l’une des filles de Maurice Gemayel, a déploré l’amertume ressentie par son père durant ses derniers jours face à « l’ignorance, l’égocentrisme et l’aveuglement des politiciens ». « Durant toute cette période, a ajouté Mme Gemayel Freiha, il ne s’est pas trouvé un seul responsable qui ait adopté ses projets et sa vision pour édifier un Liban prospère et civilisé. Au contraire, ils se sont laissé entraîner dans des surenchères stériles pour servir leurs intérêts. »

Pour sa part, la présidente de la municipalité de Bickfaya, Nicole Gemayel, a rendu hommage aux qualités de Maurice Gemayel, « le visionnaire et homme d’État ». Elle a souligné à cette occasion que la municipalité de Bickfaya a décidé de mettre sur les rails un projet axé sur la mémoire de Bickfaya en perpétuant le souvenir « des grands hommes », responsables politiques ou hommes de lettres et penseurs qui ont marqué l’histoire de la localité. Le conseil municipal désignera ainsi les rues du village par les noms de ces personnalités et hommes de lettres, a indiqué Nicole Gemayel.

Témoignages

Dans le contexte présent, que représente Maurice Gemayel pour la nouvelle génération de responsables politiques, et pour les jeunes en général ? Le chef du parti Kataëb et député du Metn, Samy Gemayel, souligne à ce sujet à L’Orient-Le Jour que l’ancien ministre du Plan représente « l’antithèse de la classe politique actuelle ». « Il représente ce que les responsables actuels ne font pas, à savoir la planification, le travail sérieux, le souci de l’intérêt général », relève Samy Gemayel, qui stigmatise dans ce cadre les responsables politiques « corrompus qui squattent depuis trop longtemps les sièges du pouvoir sans s’occuper des questions économiques et sociales du pays ». « Aujourd’hui, plus personne n’est là pour porter ses idées, déplore le chef des Kataëb. Les dirigeants actuels ont investi dans le clientélisme qui a plongé le pays dans une grave crise. »

Abondant dans le même sens, le député du Metn Eddy Abillamaa (Forces libanaises) déclare à L’OLJ : « Maurice Gemayel représente tout ce qui nous manque aujourd’hui dans le pays, à savoir la planification pour la mise en place de projets de développement dans différents secteurs. Le système est à remodeler entièrement. » Et Eddy Abillamaa d’ajouter : « J’œuvre actuellement à faire renaître le ministère du Plan qui avait été créé par Maurice Gemayel. Cela est vital pour le pays, d’autant que le Conseil du développement et de la reconstruction, qui a pratiquement remplacé le ministère du Plan, ne peut réellement imposer des structures aussi stables et pertinentes qu’autrefois. »

La « banque de cerveaux »

Arrière-petit-fils de Maurice Gemayel, Samir Élias Moukheiber, étudiant en droit à l’Université Saint-Joseph, a notamment retenu de la notoriété et du legs de son arrière grand-père « l’érudition qui a fait de lui l’un des grands hommes politiques du pays, ayant un profil qui manque cruellement au Liban d’aujourd’hui ». « Ce qui m’a été rapporté à son sujet indique que ce qui faisait sa spécificité, c’est son large savoir qui s’étendait à un vaste éventail de domaines », souligne à L’OLJ Samir Moukheiber, qui évoque à ce propos le projet de « banque de cerveaux » élaboré par Maurice Gemayel « dans le but d’inciter les jeunes Libanais compétents à rester au pays ». « C’est un projet que d’autres tentent aujourd’hui de relancer en occultant, évidemment, celui qui en est le promoteur », relève Samir Moukheiber, qui ajoute que si ce projet avait été concrétisé il y a 50 ans, « il aurait peut-être évité au pays qu’une partie de sa jeunesse émigre à la recherche d’horizons plus prometteurs ».

Un témoin privilégié

Témoin privilégié de l’action officielle menée par Maurice Gemayel à la fin des années 60, Jean Paul Thomas, économiste et ancien directeur de banque, a été l’un des plus proches collaborateurs de Maurice Gemayel lorsqu’il était ministre du Plan. Il faisait partie de son équipe rapprochée et à ce titre assistait aux réunions que le ministre tenait avec les représentants et hauts responsables des organisations internationales. « Maurice Gemayel était parmi les hommes politiques de son temps celui qui avait développé les relations les plus étroites avec les organisations internationales, relève Jean Paul Thomas. Au cours des réunions tenues au ministère du Plan, on sentait clairement lors de nos échanges que les représentants des organisations internationales appréciaient grandement le fait d’avoir devant eux comme interlocuteur un responsable officiel qui savait prendre de la hauteur, qui était animé d’une vision claire et ambitieuse de l’avenir du pays. » Et M. Thomas d’ajouter : « On sentait, au cours de ces réunions, que les responsables des organisations internationales étaient impressionnés par la façon exceptionnelle dont Maurice Gemayel développait ses projets et se projetait dans l’avenir en exposant sa vision ambitieuse de la vocation économique du Liban. »

C’est donc 50 ans plus tard que les grands projets et les combats qui étaient au centre de l’action de Maurice Gemayel sont présentés aujourd’hui comme des solutions aux crises humanitaire, démographique, économique et environnementale que traverse le Liban.

En 2019, plus personne n’évoque les projets avant-gardistes de Maurice Gemayel, tels que le Centre international des sciences de l’homme de Byblos qui avait pour vocation d’être, entre autres, un espace de dialogue des cultures et des civilisations, à l’instar de l’initiative lancée aujourd’hui par le président Michel Aoun et avalisée il y a quelques jours par l’Assemblée générale de l’ONU.

C’est un hommage largement justifié, fût-il tardif, qui a été rendu dimanche à l’un des ténors de la vie politique et économique du pays, Maurice Gemayel, disparu il y a un peu moins de 50 ans, en 1970. Il avait été, dans les années 60, député du Metn-Nord, ministre du Plan et président de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, dont le...

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Il s'agit, en effet, d'u homme d'Etat d'une valeur exceptionnelle! C'est grâce à feu mon père que j'ai eu la chance de faire la connaissance de ce Grand de ce Monde! Il a fait preuve d'une haute capacité de gestion dans plusieurs domaines du secteur public. D'une ontégrité et d'une transparence hors du commun, c'était un visionnaire qui portait le Liban dans son esprit et son coeur! Bravo les gemayel! Un hommage bien mérité!

Zaarour Beatriz

10 h 16, le 01 octobre 2019

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Commentaires (1)

  • Il s'agit, en effet, d'u homme d'Etat d'une valeur exceptionnelle! C'est grâce à feu mon père que j'ai eu la chance de faire la connaissance de ce Grand de ce Monde! Il a fait preuve d'une haute capacité de gestion dans plusieurs domaines du secteur public. D'une ontégrité et d'une transparence hors du commun, c'était un visionnaire qui portait le Liban dans son esprit et son coeur! Bravo les gemayel! Un hommage bien mérité!

    Zaarour Beatriz

    10 h 16, le 01 octobre 2019

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