La photo regroupant l’ayatollah Ali Khamenei, le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah et le responsable de l’unité al-Qods au sein des gardiens de la révolution, le général Kassem Souleymani, publiée sur le site officiel du guide suprême, est plus grave que ne veut laisser croire le parti chiite.
Le lien étroit entre le secrétaire général du Hezbollah et l’Iran est source de fierté pour le leader chiite qui, peu avant la diffusion de la photo, a tenu un discours faisant l’éloge de Ali Khamenei, se présentant comme « un soldat sous ses ordres ». Faut-il rappeler que le Hezbollah exécute un agenda iranien qui l’a entraîné sur des champs de bataille hors du Liban, au Yémen, en Irak, en Syrie, pour des motifs autres que « la résistance contre Israël » ? Sur plus d’un continent, les combattants du Hezbollah sont mobilisés en fonction d’intérêts iraniens, non libanais.
Il reste à savoir pourquoi le bureau du guide suprême iranien a diffusé cette photo de Nasrallah entouré de Khamenei et Souleymani, et pourquoi l’avoir fait maintenant, sachant que la rencontre ne date pas d’hier et que Nasrallah est rentré au Liban ? Des milieux politiques informés font le lien entre le timing de publication de la photo d’une part, et de l’autre, l’escalade entre les États-Unis et l’Iran et l’échec de l’initiative du président français Emmanuel Macron de réunir les présidents américain et iranien en marge des travaux de l’Assemblée générale de l’ONU. En outre, la diffusion de la photo a coïncidé avec la rencontre, dans les couloirs de l’ONU, entre le président libanais, Michel Aoun, et le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, en présence de l’homologue libanais de ce dernier, Gebran Bassil.
Cette concordance des événements a ses incidences. D’abord, c’est un message iranien aux Occidentaux, américains et européens, mais aussi aux Arabes. Il consiste à dire que Nasrallah bénéficie de la couverture et de l’appui du guide suprême, à l’heure où le Hezbollah subit la pression accrue du Trésor américain à travers les sanctions économiques contre lui et toute partie qui coopère avec lui. Le message est clair à toute partie prenant le Hezbollah pour cible et le considérant comme une organisation terroriste : cette partie va devoir revoir ses calculs. Nasrallah est une composante essentielle – en atteste l’agencement de la photo – de la stratégie iranienne et de ses choix, et il ne peut être pris pour cible avec la facilité que d’aucuns imaginent. L’Iran se tient aux côtés de Hassan Nasrallah.
(Lire aussi : Derrière la diffusion de la photo de Nasrallah, une polémique inutile selon le Hezbollah, le décryptage de Scarlett HADDAD)
Menace d’une nouvelle escalade
Traduit par les souverainistes du Liban, ce message se lit comme suit : le Liban fait partie intégrante de l’axe iranien, c’est cela le message de Téhéran à la communauté internationale. Il n’y a plus de distinction entre le Hezbollah et le Liban, lequel est devenu un rouage de l’axe dit de la résistance, estiment ces milieux.
La publication de la photo est l’indice d’un durcissement de la position de Téhéran dans son bras de fer avec Washington : le dernier mot est laissé une nouvelle fois au guide suprême qui, de sources informées, n’aurait pas donné son feu vert à une réunion entre le président iranien et son homologue américain. Une telle réunion reste tributaire d’une liste de conditions qui sont celles des gardiens de la révolution.
Les États-Unis l’auraient bien compris : l’Iran, désormais certain que Washington ne veut pas de guerre mais des négociations, joue la carte du chantage en poussant l’escalade jusqu’aux limites d’un affrontement militaire. C’est ainsi qu’a fini par se produire l’attaque contre les sites d’Aramco. Une attaque que certains observateurs ont perçue comme une violation de lignes rouges, qui ne saurait rester sans riposte.
Dans ce contexte, la photo porte, à l’adresse des Américains, une menace d’une nouvelle escalade, si une telle riposte devait avoir lieu. Cette menace d’escalade prend pour appui le dernier discours de Hassan Nasrallah. Une semaine après les attaques contre Aramco, le leader chiite s’était interrogé sur l’absence de riposte jusqu’à nouvel ordre, tout en prévenant l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis qu’ils seraient « détruits » en cas de guerre avec l’Iran.
Si toute agression contre l’Iran entraînerait une riposte de la part de l’axe de la résistance, est-ce à dire que le Liban serait un terrain propice à un affrontement à caractère militaire ? La photo publiée par les Iraniens est une manière pour eux de se prévaloir – ce qu’ils ne font qu’occasionnellement – de l’appartenance du Liban à leur axe. Mais leur flirt avec les limites de la guerre risque-t-il d’enflammer le front libanais ? La France réussira-t-elle encore, en faisant pression sur l’Iran, à préserver la scène libanaise des conflits régionaux, comme elle l’a fait pour contenir la récente escalade militaire aux frontières sud entre le Hezbollah et Israël, à laquelle a pris part la troupe ?
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Suite et fin de mon commentaire: Et ceux qui ne peuvent vivre sans leur présence, qu'ils déménagent en Iran ! Irène Saïd
Irene Said
10 h 46, le 29 septembre 2019