Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Éclairage

Les EAU jouent la modération face à l’Iran

Le prince héritier d’Abou Dhabi est resté silencieux hier sur la crise entre Riyad et Téhéran, après sa rencontre avec Mike Pompeo.


Le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, et le prince héritier, Mohammad ben Zayed al-Nahyane, à Abou Dhabi hier. Mandel Ngan/AFP/POOL

« Une dangereuse escalade. » Trois jours après les attaques contre les installations pétrolières de Saudi Aramco revendiquées par les rebelles houthis, le ministre d’État aux Affaires étrangères des Émirats arabes unis, Anwar Gargash, a opté pour un ton relativement modéré sur son compte Twitter. Le jour des attaques, le ministère émirati des Affaires étrangères et de la Coopération internationale avait, pour sa part, condamné l’opération, la qualifiant d’ « acte terroriste et subversif », mais s’était bien gardé de viser directement Téhéran. La rhétorique des officiels émiratis se veut donc prudente, à contre-courant du discours offensif et explicite martelé par l’Arabie saoudite et les États-Unis.

En visite mercredi à Djeddah, le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, a qualifié l’attaque d’ « acte de guerre » iranien, tandis que le dauphin saoudien, Mohammad ben Salmane, a estimé qu’elle était un « véritable test » pour la communauté internationale face à la menace iranienne. Le chef de la diplomatie américaine a toutefois tempéré ses propos hier à Abou Dhabi lors d’une rencontre avec le prince héritier Mohammad ben Zayed, dit MBZ, précisant que Washington favorisait « une solution pacifique » et espérant que l’Iran voit les choses « de la même manière ». Quant à MBZ, considéré comme un mentor et un « grand frère » par le jeune prince héritier saoudien, il s’est, pour sa part, abstenu de tout commentaire à l’issue de l’entretien. Un silence qui pourrait paraître surprenant à première vue dans le contexte de tempête qui souffle sur le royaume wahhabite, dont les EAU sont le principal allié. Abou Dhabi a pourtant été l’un des fers de lance dans la rhétorique anti-iranienne ces dernières années. Aujourd’hui, « les Émiratis craignent probablement que leur petit pays se retrouve très frontalement menacé par la riposte iranienne car ils savent que malgré leur force militaire, leur économie est très vulnérable aux risques », souligne à L’Orient-Le Jour Joseph Bahout, chercheur au Carnegie et spécialiste du Moyen-Orient. Le porte-parole des houthis a d’ailleurs déclaré mercredi que les rebelles avaient identifié une douzaine de cibles potentielles aux EAU qu’ils pourraient atteindre, avant d’avertir le régime émirati « qu’une seule opération » leur coûterait « très cher ».


(Lire aussi : Attaques en Arabie : Pompeo pour une "solution pacifique" avec l'Iran)

Risque accru

Cherchant presque à faire profil bas à l’égard de Téhéran, l’attitude d’Abou Dhabi, ces derniers jours, semble s’inscrire dans la continuité de l’approche adoptée depuis mai après les opérations de sabotage de pétroliers, dont un émirati et deux saoudiens, au large du port de Fujaïrah aux EAU, attribués à l’Iran par les États-Unis. De nouvelles attaques contre deux navires en mer de Oman le mois suivant ont relancé de plus belle le bras de fer entre Washington et Téhéran, tout en attisant un peu plus les tensions dans le Golfe. Du côté des EAU, « il a été décidé que faire des déclarations rapides avant que les preuves ne soient rassemblées et traitées ne servait pas ses intérêts ; en fait, cela expose le pays à un risque accru », explique à L’OLJ Neil Quilliam, chercheur au sein du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Chatham House.

Craignant un embrasement de la région, les Émirats avaient déjà annoncé début juillet un retrait partiel de leurs hommes au Yémen où ils mènent une coalition arabe avec Riyad depuis 2015 pour appuyer le président yéménite, Abd Rabbo Mansour Hadi, face aux rebelles houthis soutenus par Téhéran. Un retrait à nuancer toutefois, Abou Dhabi ayant laissé derrière lui les milices qu’il a financées et entraînées sur place. Autre signe d’une volonté de calmer les tensions, une délégation de gardes-côtes émiratis s’était rendue à Téhéran à la fin du mois de juillet pour rencontrer des officiels iraniens, avait rapporté l’agence de presse des étudiants iraniens (ISNA). « Les Émiratis abordent les conflits proches et les lignes de fracture géopolitiques avec une plus grande prudence, alors qu’Abou Dhabi se concentre de plus en plus sur le Maghreb, où la guerre civile libyenne fait rage », note pour L’OLJ Giorgio Cafiero, PDG de Gulf State Analytics, une société de conseil en risques géopolitiques basée à Washington.


(Lire aussi : Les Iraniens sont-ils allés trop loin ?, le commentaire d'Anthony Samrani)


Contraste

L’évolution de la stratégie émiratie « pèsera lourdement sur les relations entre les EAU et les États-Unis. Mais, calculs pris en compte, adopter une approche de confrontation à l’égard de l’Iran constitue une menace plus grave et plus immédiate pour la sécurité nationale des Émirats plutôt que de recalibrer leurs relations avec les États-Unis », précise Neil Quilliam. « Néanmoins, les relations entre les EAU et les États-Unis resteront solides et robustes, et Abou Dhabi tentera probablement de se rendre indispensable pour résoudre les tensions irano-américaines », anticipe-t-il. À l’instar de Riyad, Abou Dhabi s’apprête notamment à rejoindre la mission maritime internationale menée par les États-Unis afin de protéger les livraisons maritimes dans le détroit d’Ormuz et dans d’autres zones, a indiqué hier l’agence émiratie WAM.

La nouvelle stratégie émiratie contraste drastiquement avec celle adoptée au cours de ces dernières années, alors qu’Abou Dhabi s’est graduellement imposé comme un acteur incontournable dans la région – au point de devenir capable de murmurer à l’oreille du président américain Donald Trump. Tunisie, Égypte, Libye, Syrie, Yémen..., les EAU se sont retrouvés sur tous les fronts échaudés par le printemps arabe, cherchant à étendre leur influence dans la région tout en combattant leur ennemi numéro un, les Frères musulmans. Une approche qui a toutefois montré ses limites. Dans un article intitulé « The Emiratis Bit off More than They Could Chew », publié dans la revue Foreign Policy, Hassan Hassan, directeur du programme Acteurs non étatiques dans les environnements fragiles au Center for Global Policy, insiste sur le décalage entre les ambitions des EAU en vue d’être une grande puissance régionale et le résultat de leur politique. « Même à leurs propres conditions, la stratégie a été beaucoup plus difficile à mettre en œuvre que les Émiratis ne l’imaginaient », écrit-il.




Lire aussi

L'Iran met en garde contre "une guerre totale" en cas de frappe sur son sol

Cette fois-ci, Trump frappera-t-il l'Iran ?

L’alliance américano-saoudienne dans la tourmente

Choc et colère après les attaques contre Aramco

Scénarios de guerrel'édito de Michel TOUMA

Téhéran et Riyad au bord d’un conflit ?

« Une dangereuse escalade. » Trois jours après les attaques contre les installations pétrolières de Saudi Aramco revendiquées par les rebelles houthis, le ministre d’État aux Affaires étrangères des Émirats arabes unis, Anwar Gargash, a opté pour un ton relativement modéré sur son compte Twitter. Le jour des attaques, le ministère émirati des Affaires étrangères et de...

commentaires (5)

Cette affaire met à jour la fragilité des émirats dans la conjoncture actuelle "Entoures de rogue states ou organisations poussés à bout" Dépendant essentiellement de l'exploitation de leurs ressources pétrolières et gazeuses Relativement peu peuples Pas confortable d'être riche dans un environnement de "gueux " ou de "jaloux"

Chammas frederico

19 h 19, le 20 septembre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • Cette affaire met à jour la fragilité des émirats dans la conjoncture actuelle "Entoures de rogue states ou organisations poussés à bout" Dépendant essentiellement de l'exploitation de leurs ressources pétrolières et gazeuses Relativement peu peuples Pas confortable d'être riche dans un environnement de "gueux " ou de "jaloux"

    Chammas frederico

    19 h 19, le 20 septembre 2019

  • LA STUPIDITÉ A ENCORE FRAPPÉ. PENDANT QUE LES USA SE PRÉPARENT, LEUR ENNEMI JURÉ NE DORT PAS , OU POUR LES ENFONCER DANS LEUR STUPIDITÉ QU'ILS DOIVENT D'URGENCE SOIGNER EN PSYCHIATRIE , IL NE DORT QUE D'UN OEIL. ISRAEL EST BLOQUÉ AU MÊME TITRE QUE LES USA , EUX QUI CHERCHAIENT À BLOQUER L'IRAN NOUVELLE PUISSANCE MONDIALE . OUVREZ VOS OEILLÈRES MESSIEURS .

    FRIK-A-FRAK

    09 h 43, le 20 septembre 2019

  • Une fois de plus , l'exemple parfait d'un petit état autocratique et dictatorial ,qui est entraîné dans des turbulences pour le compte de cet occident prédateur et usurpateur qui n'hésitera pas à le jeter une fois que cet état se retrouve dans des troubles au dessus de ses moyens . Ces golfettes savent où sont leurs limites , pourquoi s'impliquer dans des conflits aussi loin que le Niger , oui messieurs je répète le Niger , en plus des pays cités dans cet article . VOILÀ LE JEU QUE NOUS FAIT L'OCCIDENT AU MOYEN ORIENT . POUSSER DES GRENOUILLES CONTRE LA PUISSANCE DE L'IRAN NPR, PARCE QUE L'OCCIDENT POLTRON ET PLEUTRE N'OSE PAS S'Y FROTTER TOUT SEUL . L'IRAN FABRIQUE ELLE MÊME SES ARMES , CE PAYS DIGNE ET FIER NE DÉPEND D'AUCUNE PUISSANCE ÉTRANGÈRE, C'EST UN PAYS QUI PARLE D'ÉGAL À ÉGAL AVEC TOUTES LES PUISSANCES , UN PAYS DIGNE ET INDÉPENDANT DE SON DESTIN , ET ON VEUT NOUS LE COMPARER AVEC DES BENSAOUDIE EMIRATIS ET AUTRES DUBAÏ OU BAHREINI. .. ALLONS LES AMIS UN PEU DE SÉRIEUX DANS CE MONDE DE BRUTES .

    FRIK-A-FRAK

    09 h 04, le 20 septembre 2019

  • FAUT PAS SE LEURRER. LA MACHINE AMERICAINE MET DU RETARD A SE MOUVOIR MAIS GARE QUAND ELLE SE MEUT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 53, le 20 septembre 2019

  • Le plus ils reçoivent des baffes le plus ils appellent à l’apaisement...

    LeRougeEtLeNoir

    00 h 26, le 20 septembre 2019

Retour en haut