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Liban - Ressources hydrauliques

Sur le « toit du Liban », un litige sur l’eau tourne à l’aigre

Bécharré et Denniyé se disputent la propriété de Qornet es-Saouda en raison de la construction d’un lac artificiel. Mais la vraie question est de savoir s’il est permis de construire à plus de 2 400 mètres d’altitude.


Des bulldozers à l’œuvre à 2 700 mètres d’altitude, à Qornet es-Saouda. Photo tirée de la page Facebook de Riad Tawk

Le mohafez du Liban-Nord, Ramzi Nohra, a interrompu hier la construction d’un lac artificiel à Qornet es-Saouda, le « toit du Liban » situé à 2 700 mètres d’altitude, lancé par la municipalité de Bkaasafrine (caza de Denniyé) et financé par le Plan vert. Ce projet, considéré par Denniyé comme pouvant assurer les ressources nécessaires pour l’irrigation des terres agricoles du caza, a créé des tensions avec le caza voisin de Bécharré autour de questions territoriales et menaçait de prendre une dimension confessionnelle.

Mais le conflit qui a éclaté cette semaine entre les habitants de Bécharré, qui estiment que ce territoire leur appartient, et de Denniyé à Qornet es-Saouda, toit du Liban et du Moyen-Orient, ne date pas d’hier. Il remonte loin dans l’histoire du mont Makmel, un « carrefour » entre trois régions : Ehden, Bécharré et Denniyé. Selon une source ayant requis l’anonymat, cette affaire s’inscrit dans le cadre des polémiques qui se répètent un peu partout sur le plateau du Mont-Liban, en relation avec le cadastre.

« Étant donné que l’État libanais n’a pas encore accompli les travaux de cadastre à ce niveau, ce sommet est disputé non seulement au niveau de la propriété du territoire, mais également et surtout au niveau de l’exploitation des nappes d’eau souterraine renouvelables qui s’y trouvent », explique cette source.Interrogé par L’Orient-Le Jour, l’ancien président de la municipalité de Bécharré, Antoine el-Khoury Tawk, revient sur l’historique de ce conflit : « Les habitants de Denniyé avaient l’habitude de placer des canalisations au niveau des glaciers de Qornet es-Saouda à chaque printemps pour assurer l’irrigation de leurs terres agricoles pendant l’été, vu que ce sommet est couvert de neige tout au long de l’année. Et tous les printemps, les habitants de Bécharré s’empressaient de scier ces tuyaux pour empêcher l’eau de parvenir aux potagers de Denniyé. » Ce conflit dure depuis 1998. Alors que l’aménagement de ce lac devrait, en principe, mettre fin à cette dispute entre les deux cazas, il a eu un contre-effet : non seulement la polémique persiste, mais elle prend de l’ampleur et risque de provoquer des tensions communautaires entre chrétiens et musulmans. Dans ce cadre, M. el-Khoury Tawk insiste sur le fait que la question n’est nullement communautaire, mais devrait être considérée sous un angle purement écologique.

Violation de la loi

En effet, du fait de cette controverse autour de la propriété des terrains en question, le vrai problème risque de passer inaperçu : la construction de ce lac à 2 700 mètres d’altitude ne va-t-elle pas à l’encontre de la décision émise par le ministère de l’Environnement en 1998 (187/1) qui interdit toutes sortes de travaux et par conséquent toute exploitation de l’eau souterraine à plus de 2 400 mètres ? Selon cette même décision, la région de Qornet es-Saouda a en outre été classée zone naturelle.

Jointe au téléphone par L’OLJ, une source du Plan vert assure que la construction de ce lac à cette altitude est bel et bien contraire à la loi. Comment le Plan vert a-t-il donc autorisé et financé la réalisation de ce projet ?

« Le Plan vert n’était pas au courant de cette décision du ministère de l’Environnement et le dossier présenté par la municipalité de Bkaasafrine ne l’évoque pas », répond la source. « Si le Plan vert était au courant de la décision, il aurait opté pour la construction du lac à 2 390 mètres d’altitude par exemple, évitant ainsi toute violation de la loi », poursuit-elle. S’agit-il donc d’une affaire de 10 mètres de différence ? Pour l’hydrogéologue Samir Zaatiti, tout le problème de la gestion des ressources hydrauliques au Liban se joue à ce niveau. « Il ne s’agit pas d’une affaire de mètres et d’altitude, s’insurge-t-il. Il faut mesurer la justesse et la légalité des projets conformément aux réserves d’eau souterraine qui se trouvent en sous-sol. » « Il n’existe pas au Liban de gestion des eaux souterraines et la présidente du département de l’eau souterraine et de la géologie est une architecte et non pas une géologue ou hydrogéologue ! » poursuit-il. Selon M. Zaatiti, « l’État libanais n’a pas intérêt à aborder la question sur le plan géologique parce que le forage de puits n’est pas rentable à leurs yeux, étant donné qu’il ne nécessite pas des travaux de carrières et mégacimenteries et de contrats douteux ». « Les responsables ne se préoccupent pas de l’efficacité des barrages ou des lacs, de leur étanchéité, ni même de l’accès ou non des Libanais à l’eau potable », enchaîne-t-il.

Le lac envisagé à Qornet es-Saouda remplirait-il les objectifs pour lesquels il a été pensé ? M. Zaatiti répond par la négative. « Ce lac ne pourra pas remédier à la pénurie d’eau dont souffrent les agriculteurs à Bkaasafrine, et ce en raison de la nature karstique du terrain très perméable, et donc peu apte à stocker de l’eau, explique-t-il. Par conséquent, 40 % des eaux de pluies s’infiltreront dans les nappes d’eau souterraine. Et même si la terre sera couverte d’une couche de béton, cette couche va être fissurée du fait des fissures se trouvant naturellement dans la terre. Le sol ne sera pas étanche et n’assurera pas l’emmagasinement de l’eau. »

« Pourquoi l’État libanais ne recourt-il pas à des alternatives et notamment à la bonne exploitation de l’eau souterraine que peut assurer le forage de puits par exemple ? Pourquoi faut-il absolument construire des lacs inefficaces qui sont une source de pollution à tous les niveaux ? » se demande-t-il.

Délimiter les frontières

Pour le député de Bécharré, Joseph Ishac, il revient à l’État et aux ministères concernés de décider de l’impact de ce lac sur l’environnement et de sa conformité aux lois. « Il ne revient pas aux députés de trancher cette affaire, martèle-t-il. Nous demandons à l’État d’accomplir les travaux de cadastre le plus tôt possible. Mais d’ici là, aucune des deux parties n’a le droit d’exploiter ces terrains. »

De son côté, le député de Denniyé, Sami Faftfat, se dit surpris de voir interrompus les travaux de construction d’un lac qui devrait servir à l’irrigation des terres agricoles. Il se dit également étonné de l’attaque menée contre la région de Denniyé. « Cela fait près d’une décennie que notre région souffre d’une pénurie d’eau et du comportement des habitants de Bécharré qui sciaient les tuyaux reliant les terres agricoles aux glaciers de Qornet es-Saouda, déplore M. Fatfat. C’est pour remédier à ce problème que nous avons décidé de construire ce lac. »

Mais qu’en est-il du respect de la décision prise par le ministère de l’Environnement en 1998 ?

M. Fatfat rappelle que ce n’est pas la faute des habitants si l’État, à savoir le Plan vert et le ministère de l’Agriculture, a autorisé la construction de ce lac. Selon M. Fatfat, le ministre de l’Environnement, Fady Jreissati, leur a demandé hier de préparer une étude d’impact environnemental concernant le projet de construction du lac.

Mais à quoi sert une étude d’impact environnemental si la loi interdit expressément tous travaux à plus de 2 400 mètres d’altitude ? Contacté par L’OLJ, M. Jreissati n’a pas souhaité répondre à cette question.

Le mohafez du Liban-Nord, Ramzi Nohra, a interrompu hier la construction d’un lac artificiel à Qornet es-Saouda, le « toit du Liban » situé à 2 700 mètres d’altitude, lancé par la municipalité de Bkaasafrine (caza de Denniyé) et financé par le Plan vert. Ce projet, considéré par Denniyé comme pouvant assurer les ressources nécessaires pour l’irrigation des terres...

commentaires (5)

On choisi ce terrain a cette hauteur car il appartient a X qui le vendra tres cher et pourra donner une juteuse commission alors que le terrain a moins de 2004 metres appartient a Y qui ne donne pas la meme commission a qui de droit VOIL;A LE LIBAN D'AUJOURDH'UI QUI FAIT FI DE TOUTES LES LOIS

LA VERITE

13 h 38, le 13 septembre 2019

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Commentaires (5)

  • On choisi ce terrain a cette hauteur car il appartient a X qui le vendra tres cher et pourra donner une juteuse commission alors que le terrain a moins de 2004 metres appartient a Y qui ne donne pas la meme commission a qui de droit VOIL;A LE LIBAN D'AUJOURDH'UI QUI FAIT FI DE TOUTES LES LOIS

    LA VERITE

    13 h 38, le 13 septembre 2019

  • Ça rappelle en Afrique les conflits entre les nomades possesseurs de bétail et les sédentaires qui voient les cheptels des nomades traverser leurs champs en les saccageant . Il se trouve que les nomades sont peuls et les sédentaires sérères . Ils sont pourtant de la même religion mais d'ethnies différentes, alors ça finit à coup de machettes. Au Liban tout se resoud à coup dollars, n'est ce pas mieux ? Lol.

    FRIK-A-FRAK

    15 h 17, le 12 septembre 2019

  • TES ASSASINS, PAUVRE LIBAN, SONT TES FILS MEMES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 37, le 12 septembre 2019

  • Tant que nous n'aurons pas un vrai ETAT qui gère et contrôle tout, et non pas quelques voleurs, menteurs et profiteurs sans foi ni loi qui prétendent être ce Etat, ce genre de situation continuera ! Et notre beau Liban sera détruit...non pas par les usurpateurs voisins, mais par ses propres fils ! Irène Saïd

    Irene Said

    12 h 58, le 12 septembre 2019

  • Bref...

    NAUFAL SORAYA

    07 h 16, le 12 septembre 2019

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