Trois jours après l’attaque israélienne contre la banlieue sud de Beyrouth par le biais de deux drones, le Liban est encore dans l’attente des développements liés à cet événement. Le discours du secrétaire général du Hezbollah, dimanche, était d’une rare violence et particulièrement menaçant à l’égard des Israéliens, affirmant que la riposte est inévitable. Lors de son discours, le leader du Hezbollah a même lancé aux militaires israéliens à la frontière de se poster derrière le mur, sur un pied, pour attendre la réponse du Hezbollah.
Parallèlement, la diplomatie occidentale, américaine en tête, s’est mobilisée pour tenter de faire pression sur les autorités libanaises pour qu’elles « calment les ardeurs du Hezbollah », moyennant une condamnation verbale de l’agression israélienne, considérée comme une violation de la résolution 1701. Les diplomates occidentaux semblent en effet craindre une escalade de violence dans la région qui remettrait en cause les fragiles équilibres actuels.
La déclaration du chef de l’État qui a estimé, lundi, que l’agression israélienne équivalait à une déclaration de guerre, donnant ainsi une couverture officielle à une éventuelle riposte du Hezbollah, a alimenté les craintes des diplomates occidentaux, qui multiplient les contacts avec les responsables libanais pour, à défaut d’écarter la possibilité d’une riposte, faire au moins en sorte qu’elle soit limitée.
Toutefois, selon des sources proches du Hezbollah, Hassan Nasrallah a opéré une distinction entre les deux attaques israéliennes, celle qui a eu lieu à Damas et qui a fait deux martyrs du parti, et celle qui a consisté en l’envoi de deux drones vers la banlieue sud de Beyrouth tout près du siège du département de l’information, dans le quartier Moawad (rue Madi).
Si l’on suit cette logique, il devrait donc y avoir deux ripostes. La première devrait consister en une attaque contre une patrouille militaire à la mémoire des deux jeunes du parti tombés à Damas, et la seconde pourrait être plus technologique. Elle pourrait prendre la forme d’une opération contre des drones israéliens ou d’un envoi de drones du Hezbollah vers Israël.
(Lire aussi : Courriers aérien, l'éditorial de Issa Goraieb)
Quoi qu’il en soit, selon les sources précitées, le Hezbollah ne peut que riposter, mais selon un timing qu’il choisira. Son action sera, en outre, bien réfléchie et conçue pour constituer une réponse proportionnelle à l’agression israélienne. Toujours selon les mêmes sources, le Hezbollah est parfaitement conscient de la délicatesse de la situation libanaise et régionale et après la position ferme du président de la République qui constitue une première au Liban, il ne fera rien qui puisse entraîner le pays dans un cycle de violence.
Il s’agit donc pour lui de trouver la bonne formule pour faire passer le message suivant : il n’est pas question de laisser les Israéliens imposer un retour à la situation qui prévalait avant 2006. Avant la guerre de juillet, les Israéliens pouvaient attaquer quand ils le jugeaient bon sans craindre une riposte libanaise. Depuis 2006, cet état des choses a changé. Depuis 2006, prévaut une situation de dissuasion réciproque, une sorte d’équilibre de la terreur, qui a permis d’éviter pendant treize ans tout accrochage ou incident important à la frontière sud du pays. Toujours selon les sources proches du Hezbollah, les deux dernières attaques israéliennes, surtout celle contre la banlieue sud, montrent une volonté israélienne de changer le rapport de forces qui règne depuis 2006 et c’est justement pour cette raison que le Hezbollah estime qu’il doit riposter. Le Hezbollah n’a pas encore révélé tous les détails découverts grâce à l’examen du premier drone qui, pour une raison encore imprécise, a atterri sans dommage dans le terrain vague derrière l’immeuble qui abrite le département de l’information du Hezbollah. Ce que l’on sait pour le moment, c’est que l’appareil portait une charge explosive (du C4, utilisé en général dans les attentats). Ce qui a poussé immédiatement des sources proches du Hezbollah à conclure qu’il était destiné à tuer une personnalité importante du parti.
Mais selon certains experts en matière de drones, tous les appareils utilisés par les armées à des fins militaires portent des charges explosives pour pouvoir s’autodétruire en cas de pépin, au lieu de tomber entre les mains des ennemis. Pour d’autres encore, le drone qui a atterri sans dommage était doté d’un système ultrasophistiqué pour détecter les missiles dits intelligents que le Hezbollah affirme détenir, sachant que ces missiles constituent la plus grande source d’inquiétude pour les Israéliens.Selon les sources précitées, les services compétents au sein du Hezbollah sont encore en train de décortiquer et d’analyser les informations contenues dans ce drone pour définir avec précision la nature de sa mission, qui, en tout état de cause, ne peut être que de la plus haute importance, selon les propres termes du secrétaire général du Hezbollah.
Le Hezbollah reste aussi très discret sur le point de départ des drones qui ne pouvaient pas voler sur de longues distances. Mais selon toute probabilité, ils auraient été envoyés de la mer, couvrant une distance de près de 5 km. C’est en tout cas ce que révèlent certains sites d’informations israéliens. De même, le Hezbollah préfère retenir la version selon laquelle le premier drone qui a atterri sans dommage a soit eu un problème technique, soit été poussé à l’atterrissage par les pierres lancées par les jeunes du quartier. En réalité, le Hezbollah préfère ne pas reconnaître la moindre responsabilité dans la chute des drones pour ne pas donner des indices aux Israéliens sur ses capacités en la matière. Une des armes de la guerre psychologique qu’il mène contre les Israéliens repose justement sur le flou non seulement au sujet de ses propres capacités militaires, mais aussi au sujet de ses connaissances quant aux capacités de l’ennemi.
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commentaires (10)
"les services compétents au sein du Hezbollah sont encore en train de décortiquer et d’analyser les informations contenues dans ce drone". Il n'a donc pas été remis à l'armé libanaise? Scandaleux!
Yves Prevost
07 h 32, le 29 août 2019