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Moyen Orient et Monde - Golfe

La relation entre Riyad et Abou Dhabi est-elle mise à mal ?

Les deux alliés tentent de présenter un front uni sur le dossier yéménite, mais les divergences entre séparatistes et loyalistes affaiblissent la coalition.

Le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, et le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammad ben Zayed, le 22 novembre 2018 à Abou Dhabi. Bandar Algaloud/Courtesy of Saudi Royal Court/Handout via Reuters

13 décembre 2017. Un invité de marque est attendu sur le tarmac de l’aéroport international du roi Khaled à Riyad. Vêtue d’un long thawb blanc assorti d’une ghotra de la même couleur, une silhouette immaculée émerge d’un avion sous un soleil aveuglant. En bas des marches couvertes d’un tapis rouge déroulé pour l’occasion, son hôte l’attend. Embrassades et accolades s’enchaînent. Partageant un regard complice et se tenant fermement la main, Mohammad ben Zayed et Mohammad ben Salmane ne cachent pas leur joie de se retrouver. Séparés par vingt-quatre ans d’écart, le prince héritier d’Abou Dhabi et son homologue saoudien entretiennent une relation fraternelle alors que l’homme fort des Émirats arabes unis est considéré comme un véritable mentor par le jeune dauphin saoudien.

Le premier a fait ses débuts en politique en 2003 après avoir été nommé prince héritier d’Abou Dhabi par son père, tandis que le second fait figure de novice en accédant au poste de ministre saoudien de la Défense en 2016, puis à celui de prince héritier l’année suivante. Symboles de la nouvelle génération des dirigeants du Golfe à l’ambition sans limites, les deux hommes sont désormais les fers de lance de l’axe arabe sunnite avec pour ennemi numéro un l’Iran.Cette virulente hostilité guide l’ensemble des décisions du duo qui n’hésite pas à rompre avec la diplomatie traditionnelle de leurs aïeux dans la région. Rapprochement avec Israël, imposition d’un blocus au Qatar depuis juin 2017 pour des liens avec Téhéran considérés comme trop étroits, ou encore intervention dans le conflit yéménite depuis quatre ans : tous les moyens sont bons pour contrecarrer l’expansionnisme iranien au Moyen-Orient. Mais à quel prix pour la relation entre Riyad et Abou Dhabi ?


(Lire aussi : Le « génie séparatiste » sera très difficile à replacer dans sa boîte)


Alors qu’ils mènent une coalition arabe au Yémen depuis mars 2015 pour venir en aide aux forces du président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi face aux rebelles houthis, soutenus par l’Iran, la récente prise du palais présidentiel et de positions gouvernementales dans la ville de Aden par le Conseil de transition du Sud (CTS) semble montrer les limites de la coopération entre les deux « frères » du Golfe. « Les différences entre l’Arabie saoudite et les Émirats au Yémen reflètent des désaccords plus importants sur l’approche à adopter à l’égard de l’Iran, les Émiratis ayant récemment manifesté un plus grand intérêt pour la réduction des tensions avec Téhéran et dans la région de la mer Rouge », affirme à L’Orient-Le Jour Gerald Feierstein, ancien ambassadeur américain au Yémen et vice-président du Middle East Institute basé à Washington. « Les Émiratis semblent déterminés à étendre leur présence dans la Corne de l’Afrique, à s’implanter au Somaliland, au Puntland et en Érythrée, tout en cherchant une position sur (l’île yéménite de) Socotra, éventuellement aux dépens des intérêts saoudiens », ajoute-t-il.

Les deux pays ne divergent pas seulement en politique, mais également dans la tactique militaire. Le royaume wahhabite a notamment tablé sur son aviation pour appuyer le gouvernement yéménite, tandis que les EAU ont favorisé une présence au sol tout en entraînant et finançant des milices – dont le CTS –, pour consolider ses positions dans la région. « Bien qu’Abou Dhabi et Riyad partagent la même vision générale des menaces régionales, ils les ont hiérarchisées différemment », écrit pour sa part Elana DeLozier, chercheuse au Washington Institute for Near East Policy, dans un article intitulé expliquant que le retrait annoncé des Émirats pourrait isoler l’Arabie saoudite au Yémen. « Par exemple, les EAU accordent plus d’importance à la lutte contre les Frères musulmans que l’Arabie saoudite et semblent moins préoccupés par l’autonomisation des séparatistes du Sud », ajoute-t-elle.


(Lire aussi : Sud du Yémen : Riyad et Abou Dhabi réitèrent leur appel à des négociations)

Front uni

Les derniers développements ont valu à Abou Dhabi d’être accusé par le gouvernement Hadi d’avoir aidé à fomenter un « coup » à Aden, où les séparatistes souhaitent revenir à un Yémen du Sud indépendant, comme avant l’unification du pays en 1990. Lundi, le ministre yéménite de la Culture, Marwan Dammaj, a estimé sur Twitter que, si les velléités sécessionnistes existaient avant le début de la guerre, « construire et armer un mouvement séparatiste et lui permettre de prendre le contrôle du Sud et de saper la légitimité est un comportement émirati qui va à l’encontre de ses obligations légales et internationales, et en tant que membre de la coalition qui soutient la légitimité ».

Face aux spéculations sur l’avenir de la coalition, Riyad et Abou Dhabi multiplient les appels aux négociations entre les parties à Djeddah tout en condamnant les accusations à l’encontre des EAU. Dans un communiqué conjoint publié lundi, les deux alliés affirment vouloir « préserver la nation yéménite et les intérêts, la sécurité, la stabilité, l’indépendance et l’intégrité territoriale du peuple yéménite sous la direction du président légitime du Yémen ». « Comme les parties connaissent et partagent généralement des objectifs finaux, leur priorité est quasi certainement de maintenir cette relation et d’éviter une scission », estime Elana DeLozier, interrogée par L’OLJ. Les deux alliés « pourraient garder un front uni publiquement, mais il n’est pas clair si le gouvernement Hadi et le CTS peuvent le faire », précise-t-elle, avant d’ajouter que « les fractures au sein de la coalition sont graves et ne risquent pas d’être guéries rapidement ». « Un test important pour l’alliance saoudo-émiratie sera de gérer ces différences alors que Riyad et Abou Dhabi appuient des factions différentes qui se sont affrontées dans une lutte pour l’avenir du Yémen, dans laquelle des questions fondamentales sur l’État yéménite sont en jeu », observe pour L’OLJ Giorgio Cafiero, PDG de Gulf State Analytics, une société de conseil en risques géopolitiques basée à Washington.Ce n’est toutefois pas la première fois que les stratégies des deux alliés divergent sur le terrain yéménite. Des combats ont déjà opposé les forces du gouvernement Hadi aux hommes du CTS à Aden en janvier 2018, révélant les différents agendas des troupes engagées dans la lutte contre les houthis, « que les EAU semblaient encourager et qui ne se sont terminés que lorsque l’Arabie saoudite est intervenue et a demandé aux Émiratis de contribuer à réduire les tensions et à rétablir le statu quo ante », rappelle Gerald Feierstein. Toutefois, après quatre ans de conflits, « le conflit entre Hadi et le CTS divise la coalition antihouthis et rend plus difficile une campagne réussie contre les rebelles, même si les deux parties continuent d’affirmer qu’elles restent déterminées à les vaincre », estime-t-il.



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13 décembre 2017. Un invité de marque est attendu sur le tarmac de l’aéroport international du roi Khaled à Riyad. Vêtue d’un long thawb blanc assorti d’une ghotra de la même couleur, une silhouette immaculée émerge d’un avion sous un soleil aveuglant. En bas des marches couvertes d’un tapis rouge déroulé pour l’occasion, son hôte l’attend. Embrassades et accolades...

commentaires (2)

Comme on le dit aussi facilement quand des arabes se disputent , israel se frotte les mains , cette fois-ci on voit que c'est l'Iran NPR qui se frotte les mains tandis que les bensaouds et leur allié israélien qui trinque .

FRIK-A-FRAK

18 h 54, le 28 août 2019

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Commentaires (2)

  • Comme on le dit aussi facilement quand des arabes se disputent , israel se frotte les mains , cette fois-ci on voit que c'est l'Iran NPR qui se frotte les mains tandis que les bensaouds et leur allié israélien qui trinque .

    FRIK-A-FRAK

    18 h 54, le 28 août 2019

  • PROBLEME FACILE A RESOUDRE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 35, le 28 août 2019

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