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Les lauriers de l’aventure

Rien n’est plus enivrant, en vérité, que le doux parfum de la victoire, peu importe au fond qu’elle soit réelle ou supposée. Et quelle meilleure occasion d’entretenir la légende, d’en engranger sans cesse les dividendes, que ces anniversaires donnant lieu à de martiales envolées ?


C’est à ce rituel que sacrifiait hier un Hassan Nasrallah plus que jamais confiant dans le potentiel défensif, et même dissuasif, de ses troupes et de leur armement. Même s’il a amplement fait étalage de force, le chef du Hezbollah n’aura pas été aussi loin que le commandant des pasdaran iraniens, pour qui le parti de Dieu est désormais en mesure, à lui tout seul, de rayer Israël de la carte. Tout de même plus sobre, le président Michel Aoun se bornait à affirmer, toujours hier, qu’une nouvelle guerre ne pourrait s’achever que par une nouvelle victoire…


Toujours est-il que malgré tous ces assauts d’assurance (et d’éloquence !), l’issue de la guerre de l’été de 2006, dans la perception qu’en ont les Libanais, demeurera sans doute pour longtemps matière à controverse. Triomphe miraculeux, et même d’essence divine, pour les uns, elle n’est que ruineuse équipée pour les autres. Le fait est que d’avoir mis en échec une vaste offensive visant à la neutraliser est incontestablement un exploit pour la milice; mais c’est au plan froidement comptable que la prouesse militaire perd le gros de son éclat, comparée à l’ampleur des pertes humaines et matérielles endurées par le pays : lequel aura été embarqué tout entier, peuple et gouvernement, dans un conflit échappant à sa volonté et encore plus à son contrôle.


Le plus préoccupant, cependant, est que le pli a été pris. C’est avec la même désinvolture face à la politique officielle de distanciation des conflits régionaux que le Hezbollah, sur instructions de ses parrains de Téhéran, a mené sa propre guerre de Syrie, poussant même ses opérations jusqu’au lointain Yémen. Comme si les aléas de l’éternelle confrontation avec Israël n’étaient pas encore assez, l’actuel bras de fer entre l’Iran et les États-Unis est venu élargir encore le champ des possibilités d’intervention offertes à ce parti. À plus d’une reprise, le Hezbollah a fait savoir qu’il ne resterait pas les bras croisés si la République islamique devait être attaquée.


Pour faire bonne mesure, Nasrallah franchissait hier un nouveau pas dans sa dialectique antiaméricaine en accusant Washington d’avoir inspiré, sinon commandé, l’offensive de 2006, l’État hébreu se voyant réduit au rang de simple exécutant. Même s’il s’en est défendu, c’était là une pierre lancée dans le jardin de Saad Hariri qui clôturait précisément, à Washington, une série de rencontres avec les responsables du département d’État US. Au centre de cette concertation entre partenaires figuraient les retombées éventuelles, sur l’économie locale, d’un train de sanctions américaines visant non plus cette fois le Hezbollah, mais certains de ses alliés politiques.


Les célébrations d’anniversaires, on le voit, c’est aussi l’occasion de jeter une lumière crue sur la boussole en folie équipant le char étatique libanais.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Rien n’est plus enivrant, en vérité, que le doux parfum de la victoire, peu importe au fond qu’elle soit réelle ou supposée. Et quelle meilleure occasion d’entretenir la légende, d’en engranger sans cesse les dividendes, que ces anniversaires donnant lieu à de martiales envolées ? C’est à ce rituel que sacrifiait hier un Hassan Nasrallah plus que jamais confiant dans le...