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Liban - Éclairage

Moscou et Washington derrière la réconciliation de Baabda

La fin pour le moins soudaine de la crise institutionnelle provoquée par les heurts de Qabr Chmoun du 30 juin dernier aura révélé que le Liban n’est pas laissé à lui-même. Un diplomate occidental est catégorique : n’était-ce la prise en charge du Liban par l’étranger, le sursaut tardif des responsables libanais n’aurait pas eu lieu ni leur prise de conscience du danger qu’encourait la situation économique. L’intervention des capitales de décision a eu lieu à l’instant où la stabilité du pays était sur le point de se rompre.

Quarante jours après les affrontements qui avaient opposé des partisans du Parti socialiste progressiste, du leader druze Walid Joumblatt, à d’autres du parti de son rival, le député Talal Arslane, et coûté la vie à deux gardes du ministre d’État pour les Affaires des réfugiés, Saleh Gharib, aussi bien Walid Joumblatt que son adversaire ont fini par accepter de se rendre à Baabda pour une rencontre de réconciliation sous la houlette du chef de l’État, Michel Aoun.Selon des milieux souverainistes, cette sortie de crise trouve sa source dans une missive adressée à Damas en provenance de Moscou. La Russie y rappelle que toute atteinte à Walid Joumblatt est une ligne rouge pour elle. Le leadership joumblattiste bénéficie d’une protection traditionnelle du Kremlin en vertu d’une amitié politique scellée avec le fondateur du PSP, Kamal Joumblatt.



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Dans sa missive, Moscou préconise en outre une solution rapide à la crise, en s’en remettant à l’initiative du président de la Chambre Nabih Berry, relayée par le Premier ministre Saad Hariri, de réconcilier les deux parties sous l’égide du chef de l’État. La Russie demande enfin au président syrien Bachar el-Assad de transmettre la teneur de son message au Hezbollah afin que ce dernier presse Talal Arslane de revenir sur les conditions qu’il a imposées pour un déblocage de l’exécutif, notamment le transfert du dossier devant la Cour de justice.

Le Hezbollah a vite agi en conséquence, déléguant le député Mohammad Raad à Aïn el-Tiné pour se réunir avec Nabih Berry, ce dernier ayant été tenu au courant au préalable par Saad Hariri de cette dynamique diplomatique. Nabih Berry a prié le parti chiite, par le biais de son représentant, de revoir ses calculs et de renoncer, du moins provisoirement, à la méthode du blocage institutionnel, précisément le blocage du Conseil des ministres.

Le camp du 8 Mars, et spécialement le Hezbollah, ont été prompts à saisir la portée du message russe, qui avait été précédé d’une mise en garde de l’ambassade des États-Unis à Beyrouth contre « toute tentative d’exploiter l’événement tragique du 30 juin à Qabr Chmoun pour promouvoir des objectifs politiques ».



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La déclaration de l’ambassade US a catalysé la prise de contacts entre les parties concernées pour une sortie de crise selon une formule qui convienne plus ou moins à tous.

À peine le message russe est-il parvenu au palais présidentiel, que le chef de l’État Michel Aoun, qui s’était pourtant jusqu’alors refusé à tout rôle de médiateur, a convoqué les parties à une réunion de réconciliation.

Le Liban aurait ce faisant bénéficié d’une convergence d’intérêts entre les États-Unis et la Russie, si bien que d’autres chancelleries entendaient emboîter le pas à l’ambassade US. Des acteurs régionaux ont en outre accompagné le scénario de sortie de crise. Des milieux diplomatiques arabes rapportent que l’Arabie saoudite était en contact continu avec Saad Hariri dans ce cadre.

En plus de témoigner d’un souci de protéger le Liban, la convergence diplomatique russo-américaine serait aussi une preuve que ce pays ne fait pas partie de l’axe de la moumanaa (irano-syrien), en dépit des positions aounistes et des suggestions du Hezbollah selon lesquelles le Liban graviterait exclusivement dans l’orbite du 8 Mars. D’ailleurs, le Hezbollah lui-même tendrait, par-delà les discours, à garder ses distances avec ses alliés, en particulier le Courant patriotique libre (CPL), et de maintenir tant bien que mal des liens avec le camp souverainiste à titre préventif, comme pour anticiper un changement des rapports de force régionaux qui verraient une solution politique en Syrie et au Yémen.

Dans ce contexte, et jusqu’à nouvel ordre, le Liban serait voué à rester un terrain neutre préservé de la politique des axes, c’est-à-dire non susceptible de servir de carte de pression aux mains d’une puissance étrangère.



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La fin pour le moins soudaine de la crise institutionnelle provoquée par les heurts de Qabr Chmoun du 30 juin dernier aura révélé que le Liban n’est pas laissé à lui-même. Un diplomate occidental est catégorique : n’était-ce la prise en charge du Liban par l’étranger, le sursaut tardif des responsables libanais n’aurait pas eu lieu ni leur prise de conscience du danger...

commentaires (2)

ESPERONS QUE LES DEUX SUPER-PUISSANCES RESTERAIENT COORDONNEES AINSI EN CE QUI REGARDE LE LIBAN.

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 25, le 16 août 2019

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Commentaires (2)

  • ESPERONS QUE LES DEUX SUPER-PUISSANCES RESTERAIENT COORDONNEES AINSI EN CE QUI REGARDE LE LIBAN.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 25, le 16 août 2019

  • ""la convergence diplomatique russo-américaine serait aussi une preuve que ce pays ne fait pas partie de l’axe de la moumanaa (irano-syrien), en dépit des positions aounistes et des suggestions du Hezbollah selon lesquelles le Liban graviterait exclusivement dans l’orbite du 8 Mars"" LA QUESTION est de savoir si les USA en tiendraient compte !

    Gaby SIOUFI

    10 h 34, le 15 août 2019

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