L’hystérie collective sur les réseaux sociaux ne semble plus avoir de limites au Liban. Dans la flambée des attaques proférées contre le groupe Mashrou’ Leila, dont le concert initialement prévu le 9 août à Byblos a été annulé, et de l’interdiction de la soirée poétique dédiée aux poèmes de Mahmoud Darwiche (poète palestinien) à Nabatiyé parce qu’un joueur de « tabla » accompagnait les artistes, dimanche c’était au tour de Jad Ghorayeb, architecte et photographe, de recevoir sa part d’insultes et de menaces. La raison : une photo qu’il a postée sur ses comptes Instagram et Facebook, montrant une jeune fille, dos nu, devant un mur où des phrases sont écrites en langues arabe et française. En langue arabe, on peut lire : « Dieu est passé par là. »
C’est cette phrase qui a suscité l’indignation des utilisateurs de Facebook. Parce que sur le compte Instagram de l’artiste, la photo a été largement saluée par ses « followers ». « Sur plus de 22 000 followers, deux personnes qui n’ont pas apprécié la photo ont décidé de ne plus me suivre, explique-t-il. C’est sur Facebook que les choses ont dérapé. » En effet, à peine l’image postée, le flot d’insultes a déferlé sur le mur de Jad Ghorayeb. « On m’a traité de tous les noms, explique-t-il à L’Orient-Le Jour. Ceux qui se sont sentis le plus offensés sont des musulmans, alors que Dieu est pour les chrétiens aussi. Au début, je m’amusais à prendre des photos des insultes qu’on écrivait et à bloquer les gens qui les proféraient. Cela a fini par me fatiguer et j’ai fini par enlever la photo pour ne plus avoir à lire les commentaires. »
Mais le mal était déjà fait. La photo a en fait été relayée par plusieurs des « amis virtuels » de Jad Ghorayeb sur Facebook. « Les discussions et les insultes se sont poursuivies sur les murs des personnes qui l’ont partagée », déplore-t-il. Et de préciser : « J’ai pris au moins une cinquantaine de photos devant ce mur qui m’a attiré par le contraste existant entre les écritures en différentes langues. Mais c’est celle-là que j’ai décidé de poster. »
Ceux qui suivent Jad Ghorayeb sur Instagram connaissent la dimension artistique de ses photographies. Celle qu’il a postée le week-end l’était aussi. Hier, le photographe a décidé de la reposter sur Facebook, tout en superposant en rouge le mot « censored », c’est-à-dire « censuré », sur le mot « Allah » ou « Dieu ». « Je l’ai repostée, parce que je suis contre la censure, martèle-t-il. La photo a de nouveau été largement partagée et a créé le buzz. »
Commentant cette attaque verbale en règle contre M. Ghorayeb, Ayman Mhanna, directeur de l’association SKeyes, qui milite pour la liberté d’expression, a déclaré à L’Orient-Le Jour : « On vit dans un climat de puritanisme religieux toxique. Les courants les plus fanatiques ont été galvanisés par l’establishment religieux et par le silence coupable des autorités qui sont en train de créer de nouveaux interdits à l’extérieur de tout cadre légal. »
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commentaires (13)
Oh oui! Oh oui! On est super offusqué... Quoi, la photo?...sûr que non, offusqué de voir des libanais voir leur pays en décrépitude, les ordures comme voisins, le lac Arooun mourant, le gouvernement en vacances d'été, etc., se plaindre d'une photo... Absinthe svp et on the double please!!!
Wlek Sanferlou
17 h 42, le 07 août 2019