Rechercher
Rechercher

Liban - Article 80 du budget

Polémique et polarisation politique aiguë durant le week-end

Le chef de l’État signera la loi de finances mais peut-être pas les décrets de nomination des lauréats du concours de la fonction publique.

Jisr à Bassil : « Nous en avons assez. » Photo ANI

Le chef du gouvernement, Saad Hariri, se trouve toujours en dehors du Liban sans la moindre indication sur une éventuelle reprise des réunions du Conseil des ministres alors que durant le week-end, le Liban a vibré au rythme des polémiques se rapportant l’une à l’affaire de Qabr Chmoun et l’autre à celle de l’article 80 de la nouvelle loi de finances, relatif au gel des recrutements au sein de l’administration, à cause duquel le président Michel Aoun n’a toujours pas signé le budget de 2019, voté la semaine dernière au Parlement.

Cette dernière affaire a mis face à face le CPL et le courant du Futur, il est vrai, sans pour autant rompre le compromis par lequel les deux partis restent liés. Le chef de l’État et le parti qu’il a fondé, le CPL, sont tous deux opposés à un des alinéas de l’article 80, qui prévoit de préserver les droits des lauréats du concours du Conseil de la fonction publique qui, deux ans après l’annonce des résultats, n’avaient toujours pas été admis au sein de l’administration. Pour Baabda, cette exemption à la décision de geler les recrutements n’a pas sa place dans une loi sur le budget de l’État puisqu’elle n’a aucune incidence sur les finances publiques. Un argument qui peut être défendu dans l’absolu si le CPL, par la bouche de son chef, n’avait pas dévoilé les raisons véritables derrière l’opposition à ce paragraphe : la présence d’un déséquilibre communautaire parmi les lauréats en faveur des musulmans.


(Lire aussi : Budget 2019 : Aoun refuse de signer le texte)


Brandissant le principe de la parité, Gebran Bassil, qui a justifié ses réserves par rapport à ce texte, vendredi à partir de Zahlé, a en fait donné encore une fois le coup d’envoi d’une polémique nouvelle, dans laquelle son parti a eu à croiser le fer durant le week-end avec le courant du Futur, les deux blocs parlementaires du président de la Chambre, Nabih Berry, et du chef du PSP, Walid Joumblatt, et de l’ancien Premier ministre, Nagib Mikati. Dans cette polémique qui a donné lieu à une polarisation menaçant d’accentuer la crise politique et d’ébranler le compromis politique grâce auquel, Michel Aoun, fort du soutien de Saad Hariri, a été élu à la tête de l’État, les partis chrétiens se sont tenus à l’écart – le Hezbollah aussi – alors que le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, s’est exprimé contre « la violation de la règle de la parité entre chrétiens et musulmans » dans la fonction publique. Dans son homélie dominicale hier, à Dimane, il a désigné cette violation comme étant « inacceptable, et cela même si la compétence et l’intégrité doivent être les critères de recrutement ».


(Lire aussi : Le budget pour 2019 pris en otage par un alinéa)


Le pacte national
Dans le camp opposé, on insistait sur le fait que la parité ne s’applique qu’au niveau des fonctionnaires de première catégorie alors que dans les milieux du CPL, on revendiquait avec insistance la nécessité de tenir compte de l’esprit du pacte national grâce auquel le principe de la parité islamo-chrétienne a vu le jour. « L’article 95 de la Constitution est sans équivoque : la parité s’applique aux postes de première catégorie et le président de la République s’est engagé à respecter la Constitution. C’est tout ce que j’ai à dire », a écrit Nagib Mikati sur Twitter. « Nous ne bloquons pas la Constitution mais les tentatives de porter un coup au pacte national et à la formule qui donne sa raison d’être au Liban. Soit on est ensemble dans le cadre d’un partenariat total à tous les niveaux de l’État, soit le Liban cessera d’exister », a répliqué Roger Azar, député du CPL.

Entre ces positions arrêtées, d’autres plus violentes se sont manifestées, notamment de la part du courant du Futur, sans pour autant remettre en question le compromis présidentiel, comme le montre notamment la réaction du CPL à la réaction, particulièrement véhémente, du député Samir Jisr, au discours de Gebran Bassil « qui peut imposer sa volonté à son propre bloc mais sûrement pas aux autres ni au Parlement ». Il a accusé ce dernier de « pratiquer le chantage contre l’ensemble du pays pour satisfaire ses désirs politiques », lui conseillant de « revenir à la raison avant de pousser le pays sur une voie dangereuse ». « Nous en avons assez », a conclu Samir Jisr, à qui le ministre d’État pour les Affaires de la présidence, Salim Jreissati, s’est contenté de répondre, sur Twitter : « L’entente ne supporte pas un ras-le-bol de la part de ceux qui en sont les gardiens et nous pensons que vous en faites partie. »


(Lire aussi : Les principales dispositions de la loi de finances de 2019)


Face au ton qui montait, dans l’entourage de Baabda, on soulignait en soirée que le chef de l’État allait signer le budget qui sera ainsi publié à la fin du mois au Journal officiel. Dans ces milieux, on explique que « cette démarche s’inscrit dans le prolongement de la politique du président Aoun, attaché à un rééquilibrage des finances publiques et conscient de l’impact de l’approbation du budget sur le pays et sur l’évaluation que la communauté internationale en fera ». Ni le président ni son parti ne présenteront au Conseil constitutionnel un recours en invalidation de l’alinéa incriminé, parce que le CC aura à étudier l’ensemble de la loi, ajoute-t-on de mêmes sources.

Il n’en demeure pas moins que le président est loin de capituler et envisage de s’opposer à cette mesure suivant les règles autorisées par la loi. S’il est tenu par la Constitution de signer dans des délais déterminés les lois votées par le Parlement, cette contrainte n’est pas valable pour les décrets ordinaires, comme ceux à travers lesquels les nominations découlant des concours du Service de la fonction publique deviennent exécutoires.


Lire aussi
Budget : la Banque mondiale félicite le Liban et appelle à une « réelle mise en œuvre »

Déraisons d’État, l'édito de Issa GORAIEB

Parpaings et farandole, le billet de Gaby NASR

SOS, citoyens à l’abandonl’édito de Michel TOUMA


Le chef du gouvernement, Saad Hariri, se trouve toujours en dehors du Liban sans la moindre indication sur une éventuelle reprise des réunions du Conseil des ministres alors que durant le week-end, le Liban a vibré au rythme des polémiques se rapportant l’une à l’affaire de Qabr Chmoun et l’autre à celle de l’article 80 de la nouvelle loi de finances, relatif au gel des recrutements...

commentaires (2)

"« Nous ne bloquons pas la Constitution mais les tentatives de porter un coup au pacte national et à la formule qui donne sa raison d’être au Liban. Soit on est ensemble dans le cadre d’un partenariat total à tous les niveaux de l’État, soit le Liban cessera d’exister », a répliqué Roger Azar, député du CPL." Donc, nous en sommes toujours à la célèbre phrase de Georges Naccache: "Deux négations ne font pas une nation"!

Georges MELKI

14 h 19, le 29 juillet 2019

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • "« Nous ne bloquons pas la Constitution mais les tentatives de porter un coup au pacte national et à la formule qui donne sa raison d’être au Liban. Soit on est ensemble dans le cadre d’un partenariat total à tous les niveaux de l’État, soit le Liban cessera d’exister », a répliqué Roger Azar, député du CPL." Donc, nous en sommes toujours à la célèbre phrase de Georges Naccache: "Deux négations ne font pas une nation"!

    Georges MELKI

    14 h 19, le 29 juillet 2019

  • Lorsqu'on lit ce genre de "soucis" ou de blocages...On se croirait encore dans un autre siècle du passé. Ce pays vit dans une bulle...c'est fou.

    LE FRANCOPHONE

    01 h 07, le 29 juillet 2019

Retour en haut