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Liban - Liban-USA

La portée des dernières sanctions américaines contre le Hezbollah



Le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, le député Mohammad Raad. Photo d'archives ANI

Dans une étude publiée le 17 juillet par l’influent think tank Arab Center Washington DC, Joe Macaron, analyste, chercheur et membre résident de cette institution, affirme que les dernières sanctions américaines contre le Hezbollah et leur impact sur la politique libanaise sont en grande partie symboliques.

Dans le cadre de sa politique visant à resserrer l’étau autour du parti chiite, l’administration Trump a ciblé progressivement huit membres du conseil central de la choura appartenant au Hezbollah, qui relève du bureau du contrôle des avoirs étrangers du département du Trésor. En mai 2017, la première cible a été Hachem Safieddine, qui dirige le conseil exécutif connu sous le nom de gouvernement du Hezbollah, relève Joe Macaron. En mai 2018, cinq autres membres sont visés : le secrétaire général Hassan Nasrallah, son adjoint Naïm Qassem et son assistant aux affaires politiques Hussein Khalil, Ibrahim Amin al-Sayyid, qui dirige le conseil politique, Mohammad Yazbek, qui dirige le conseil judiciaire et règle les conflits partisans, et qui constitue une « référence spirituelle » (marjaa) confiée au guide suprême iranien, Ali Khamenei, poursuit Joe Macaron. Le 9 juillet 2019, Mohammad Raad, chef du bloc parlementaire du Hezbollah, devient le septième objectif à être sanctionné. Le seul membre non sanctionné du conseil de la choura est Jawad Noureddine, sans portefeuille spécifique, qui est en charge au besoin de faire la liaison entre les branches politique et militaire du groupe, selon l’analyste du think tank.

Les récentes sanctions comportent un symbolisme politique incluant, outre Mohammad Raad, son collègue parlementaire Amine Cherri et le chef de l’unité de liaison et de coordination du Hezbollah, Wafic Safa.

Mohammad Raad, qui appartient à la première génération des fondateurs du Hezbollah, issus du parti islamiste Daawa, préside le bloc parlementaire du parti depuis 1992. C’est la première fois que les États-Unis sanctionnent un député libanais en fonction. L’administration Trump cible ainsi la représentation politique du Hezbollah au Parlement, ce qui constitue une étape supplémentaire dans la campagne de pression.


(Lire aussi : Washington sanctionne un membre du Hezbollah accusé de l'attentat antisémite de Buenos Aires)



Hezbollah-Aoun-Bassil

Tous les chemins qui relient l’appareil militaire du Hezbollah aux institutions de sécurité libanaises passent par Wafic Safa, qui a pris ses fonctions en 2005, lorsque le Hezbollah a accru son influence au plan politique après le retrait des troupes syriennes du Liban. Auparavant, Wafic Safa était le principal négociateur de l’échange de prisonniers entre le Hezbollah et Israël, par l’intermédiaire de médiateurs européens, et l’un des fondateurs du groupe étroitement lié à Nasrallah – son statut dans l’aile politique du Hezbollah ne doit donc pas être sous-estimé.

Alors qu’il est un interlocuteur-clé du Hezbollah et/ou un exécutant auprès des dirigeants libanais depuis une décennie, M. Safa a vu son portefeuille politique réduit l’année dernière après les élections législatives de 2018. Il se concentre désormais uniquement sur la liaison entre l’appareil de sécurité du Hezbollah et les institutions sécuritaires officielles du Liban. Il a toutefois conservé un portefeuille politique crucial, les relations entre le Hezbollah et le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil. Par conséquent, les États-Unis visent également le lien entre l’État libanais et le Hezbollah et potentiellement la relation entre le Hezbollah, Aoun et Bassil, relève Joe Macaron.

Par ailleurs, l’homme d’affaires du bloc parlementaire du Hezbollah Amine Cherri joue un rôle discret en tant que lien entre le Hezbollah et les banques libanaises. C’est ce qui explique pourquoi le Trésor américain a menacé ces institutions financières. En sanctionnant Cherri, l’administration Trump envoie un message de soutien aux banques libanaises en coordination étroite avec Washington et/ou vise la coordination entre le Hezbollah et les banques libanaises afin d’éviter les sanctions, estime l’analyste Macaron.

Bien que ces dernières sanctions s’inscrivent dans le contexte des tensions américano-iraniennes, elles devraient également être envisagées à la lumière de la récente tourmente politique au Liban. Les dernières tensions politiques ont pris tout récemment un tournant dangereux après que deux gardes du corps du ministre Saleh al-Gharib, très proche du dirigeant druze Talal Arslane, ont été tués dans un affrontement avec les loyalistes de Joumblatt, dont l’objectif était de contrecarrer la visite de Gebran Bassil dans le fief de Joumblatt au Mont-Liban.

Les récentes sanctions de l’administration Trump contre le Hezbollah et la façon dont elles ont été expliquées semblent indiquer que Washington essaie de peser sur la politique libanaise en envoyant des messages au chef du gouvernement Saad Hariri pour qu’il s’éloigne davantage du président Aoun et du Hezbollah, ainsi qu’aux Européens pour qu’ils sanctionnent les ailes politique et militaire du Hezbollah, indique Joe Macaron. Alors que la coordination entre le courant du Futur et le Hezbollah s’est arrêtée, les deux parties coopèrent au sein du gouvernement. « Le groupe chiite facilite le travail du Premier ministre plus que ses alliés traditionnels, Joumblatt et Geagea, qui se sentent exclus de l’alliance Hariri-Bassil », affirme Joe Macaron.

Et l’analyste d’ajouter : « Les objectifs américains derrière ces sanctions ne sont pas nécessairement synchronisés avec ceux des dirigeants libanais contestant l’accord présidentiel de 2016. Alors que l’administration Trump cherche à au moins agrandir le clivage entre le gouvernement Hariri et le Hezbollah, les dirigeants libanais sont plutôt concentrés sur la création d’un fossé entre Hariri et Bassil. »

Ces sanctions restent symboliques en l’absence d’une politique américaine claire et cohérente au Liban et au Levant. Si Hariri devait affronter le Courant patriotique libre ou le Hezbollah, son gouvernement risquerait de tomber, déclenchant une crise politique longue et imprévisible, estime l’analyste qui ajoute que le Premier ministre n’a pas d’autre choix que de faire face à davantage de sanctions américaines contre le Liban… Il semble enclin à rester publiquement neutre sur les sanctions, sans les endosser ni défendre le Hezbollah. Cependant, M. Hariri cherche simultanément à rétablir un rôle saoudien au Liban.


(Lire aussi : Maduro nie qu'un de ses ministres soit lié au Hezbollah)


Le différend frontalier

L’accord présidentiel de 2016 était un accord tacite entre les États-Unis et l’Iran, et les dirigeants à Beyrouth qui n’en ont pas bénéficié voient maintenant une opportunité dans les tensions renouvelées entre Washington et Téhéran.L’une des victimes du dernier mouvement de l’administration Trump pourrait être la médiation américaine sur le différend frontalier entre le Liban et Israël. L’ancien secrétaire d’État par intérim David Satterfield, chargé de diriger cette médiation, n’a fait aucune avancée décisive lors de son dernier voyage à Beyrouth. Bien que l’administration Trump semble attachée à cette médiation, il pourrait être plus difficile pour les pourparlers avec Israël de se dérouler dans cette atmosphère, ce qui montre une nouvelle fois les agendas contradictoires de la Maison-Blanche au Moyen-Orient.




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