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Liban - Contestation

Après quatre jours d’échauffourées, résultat en demi-teinte pour les militaires à la retraite

Les anciens combattants ont annoncé leur volonté de présenter un recours en invalidation devant le Conseil constitutionnel.

Certains anciens combattants ont tenté de forcer le passage afin de se rendre au Parlement. Photo Marwan Assaf

Après quatre jours de manifestations place des Martyrs, les anciens militaires ont plié bagage hier au terme d’une après-midi houleuse. Le Parlement a finalement voté l’article 23 du projet de budget de 2019 relatif à la retraite des militaires, tout en prenant en compte certaines de leurs revendications, mais en leur imposant par ailleurs des mesures qu’ils contestaient. Les anciens combattants ont promis de présenter un recours en invalidation de l’article 23 devant le Conseil constitutionnel.

Les militaires à la retraite ont été confrontés hier, une fois de plus, aux militaires en exercice déployés aux alentours du Parlement. Dès 15 heures, ils avaient commencé à s’attrouper place des Martyrs pour suivre le déroulement de la séance de vote du budget. Des mesures sécuritaires drastiques avaient été prises par l’armée et les Forces de sécurité intérieure pour les empêcher de se rapprocher de la place de l’Étoile. Même les unités antiémeute des FSI avaient été dépêchées sur place et toutes les ruelles pouvant mener au Parlement étaient bloquées.

Des dizaines d’anciens militaires ont effectué plusieurs tentatives pour forcer le dispositif et se rendre vers la place de l’Étoile, sans succès. Certains des manifestants se sont évanouis en raison des bousculades qui ont eu lieu. Leurs tentatives n’ont visiblement pas plu au président de la Chambre, Nabih Berry. « Celui qui va entrer de force au Parlement n’est pas encore né », a dit le chef du législatif, selon plusieurs médias.


(Lire aussi : Le Liban a enfin adopté son budget pour 2019)


C’est vers 18h que les anciens soldats ont appris les résultats du vote des parlementaires. Un résultat en demi-teinte, après des semaines de tensions. Si les familles des martyrs et des invalides ne seront pas touchées par les dispositions de l’article 23, il n’en reste pas moins que la très contestée ponction mensuelle de 1,5 % sur les pensions de retraite (censée financer la couverture médicale) a été adoptée au lieu des 3 % prévus initialement (voir par ailleurs).

« Nous allons continuer notre mouvement d’escalade et présenter un recours en invalidation devant le Conseil constitutionnel », ont déclaré certains des manifestants, dans un communiqué lu à la fin du mouvement. Ils ont ensuite démonté la tente qu’ils avaient érigée dans le centre-ville de Beyrouth il y a quelques jours.


(Lire aussi : Lois de règlement : le Parlement contourne encore la Constitution)


Bou Saab « triste »

« Les militaires ne sont pas ciblés, et ce qui est mis en œuvre l’est pour tous les fonctionnaires. Nous avons essayé de faire parvenir leur voix au Parlement et au gouvernement, a déclaré pour sa part le ministre de la Défense, Élias Bou Saab, lors d’une conférence de presse en marge de la réunion du Parlement. Nous sommes tristes de voir les militaires à la retraite dans la rue pour défendre leurs droits. Certains parlent de saisir le Conseil constitutionnel, nous les encourageons à le faire car c’est de leur droit », a-t-il poursuivi. « Nous ne toucherons pas aux droits des familles des martyrs de l’armée ni à ceux des invalides. Je suis à leurs côtés, mais le Parlement a voté (en faveur de l’article 23) et nous devons respecter cette décision », a encore dit le ministre.

Le député Samy Gemayel a pour sa part exprimé sa solidarité avec les militaires à la retraite. « Nous saluons le combat des ex-militaires qui se trouvent à l’extérieur du Parlement. Nous regrettons le résultat du vote, sachant que cette loi porte atteinte à leurs droits et leurs acquis sacrés. Nous nous sommes opposés à cela et avons voté contre cet article », a-t-il fait savoir sur Twitter.

Élias Bou Saab a en outre démenti avoir passé un deal avec les militaires, en référence à une réunion qu’il a tenue dans l’après-midi avec le général à la retraite Georges Nader, dans le but de rassurer les manifestants et de les informer des développements de la séance parlementaire.

« Nous avons obtenu des assurances de la part du Parlement. Les députés vont voter les dispositions qui ont été approuvées par la commission des Finances et du Budget, et les droits des familles des martyrs et des invalides, qu’ils soient soldats ou officiers à la retraite, ne seront pas touchés », a lancé aux manifestants l’ex-général Georges Nader, un ancien des forces spéciales, peu après sa réunion avec le ministre de la Défense. « Les ex-militaires qui touchaient de bas salaires ne seront pas touchés. Les anciens militaires qui bénéficiaient de salaires plus élevés connaîtront des réductions minimes (au niveau de leurs indemnités), et dans ce cas, nous considérons que nous avons obtenu une partie de nos droits », a-t-il souligné.


(Lire aussi : Déraisons d’État, l'édito de Issa GORAIEB)



« Ils ont réussi à nous désunir »

Si certains ex-militaires pensent avoir obtenu gain de cause grâce au compromis adopté par la Chambre concernant leurs retraites, d’autres s’estiment bafoués par l’État et par l’institution militaire.

« J’ai servi dans l’armée pendant 28 ans et j’ai été blessé trois fois durant la guerre civile. Si on était unis, on aurait pu faire sauter le gouvernement. On aurait dû paralyser le pays pendant une semaine pour que le gouvernement tombe. Mais ils ont réussi à nous séparer car certains ont négocié avec eux, a déclaré un ancien adjudant-chef à L’Orient-Le Jour. On était d’accord sur le fait de faire en sorte que ce budget ne passe pas, mais là ils ont réussi à nous désunir », a ajouté ce sexagénaire, dont les deux fils sont également militaires.

Imad Choucair, ancien caporal-chef de 45 ans, a pour sa part estimé que l’État « tente de pousser les militaires à la mendicité ». « Au bout de 21 ans de service, je suis toujours locataire et j’arrive à peine à payer les écolages de mes enfants. S’ils font tout cela pour profiter du programme CEDRE, qu’ils nous offrent alors la même qualité de vie que les gens ont France », a-t-il lancé.

L’ancien adjudant-chef Raymond Badre a pour sa part confié se battre avant tout pour assurer les droits de son fils, militaire en exercice. « Quand on est entrés dans l’armée, on savait que la prise en charge médicale était de 100 %. J’ai été blessé trois fois durant la guerre et j’ai même été fait prisonnier par les Syriens. Nos contrats stipulent que si on devient invalide, si on est blessé ou si on tombe en martyr, l’État doit nous prendre en charge ou aider nos familles. Ce que l’État fait à l’heure actuelle est inacceptable », a-t-il estimé.


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